Il a suffi de quelques signes pour la crise boursière et financière fasse son retour. Les mauvais résultats de l’emploi aux Etats-Unis ont confirmé que la première économie mondiale suivait le tempo européen en s’enfonçant dans la stagnation voire la récession.
Les débats houleux pour l’adoption du plan du 21 juillet 2011 au sein de plusieurs pays de la zone euro témoignent de la dure marche vers la solidarité européenne. Les rapports sur la Grèce démontrent que le patient est au plus mal et que sa survie est encore hypothétique.
Le temps politique est de moins en moins en phase avec celui de l’économie. Il obéît à des considérations électorales de court terme qui ne favorisent pas l’application de réformes de structure. La pression médiatique s’est accrue sur les gouvernements ; les lunes de miel se transforment de plus en plus en lunes de fiel. Avec la multiplication des crises et l’incapacité des Etats à les juguler, le populisme est devenu le fil rouge des débats politiques. Le temps politique peut être également trop lent. La recherche de consensus, les procédures parlementaires, les négociations internationales allongent les délais et conduisent à l’adoption de solutions partielles, temporaires. Les investisseurs souhaiteraient des processus de décision plus rapides, moins dépendants des aléas de la démocratie. « Laisser le temps au temps » n’est pas à la mode à l’époque de la production en flux tendu.
En optant pour des remèdes de court terme, les gouvernements tentent de gagner du temps depuis trois ans. Or, ni les plans de relance, ni les injections de liquidités ne permettent de sortir du coma l’économie des pays occidentaux. L’arme budgétaire étant devenue impossible, tout le monde semble se rabattre sur l’arme monétaire en usant et abusant des taux d’intérêt faibles et des « quantative easing ».
Il y a un réel problème de sous-emploi qui mine de nombreux pays dont les Etats-Unis et la France. Ce sous-emploi devenu permanent depuis trois ans témoigne d’une capacité d’accroître l’offre et cela malgré le maintien d’un fort volant d’aides publiques. Certes, l’Allemagne fait exception mais il faut souligner que sa population active diminue et qu’elle tire sa richesse par les exportations ; ces dernières assurent 50 % de son PIB contre un tiers pour la France.
Il y a un réel problème de change. Depuis quarante ans, le dollar n’est plus convertible avec l’or ; depuis trente-cinq ans, le système monétaire mondial est un faux système de changes flottants avec le premier exportateur mondial qui a arrimé sa monnaie avec le premier pays déficitaire, les Etats-Unis. Si le marché fonctionnait, le renminbi chinois aurait du fortement s’apprécier au détriment du dollar et de l’euro. A défaut d’ajustement, certes, les pays occidentaux bénéficient de gains de productivité importés mais au prix d’un non respect des théories de l’échange. L’euro n’est pas en tant que tel surévalué compte tenu du poids de l’Allemagne, deuxième exportateur mondial. Il faut l’admettre nous évoluons au sein d’une zone monétaire allemande à la nuance près que notre voisin d’Outre-Rhin n’assure pas réellement son rôle de prêteur en dernier ressort.
L’Allemagne, première puissance économique de la zone euro, plaque tournante des exportations est le premier bénéficiaire de la monnaie unique. Or, nous sommes dans un empire monétaire sans empereur. L’histoire ne donne pas crédit à des zones monétaires sans pouvoir politique. L’euro a su résister aux tourments économiques depuis douze ans mais au prix d’ajustements dans la douleur et au prix d’un psychodrame. Au sein d’un espace monétaire commun, les adaptations ne peuvent se faire que par mobilité de la population ou par des actions structurelles. Aux Etats-Unis, l’Etat fédéral peut intervenir en faveur d’une région en difficulté et les migrations de population sont fréquentes. En Europe, la barrière des langues limite les déplacements intra-européens et les fonds d’action structurelle sont limités et d’une mise en œuvre lente. L’Allemagne ne consent à aider les Etats membres de la zone euro à la condition que ces derniers aient adopté des plans drastiques d’assainissement ; en outre, le médecin ne répond pas pour l’avenir ; il n’intervient qu’au cas par cas quand le patient est au bord du gouffre. L’Allemagne ne veut pas créer de précédent ; or elle en crée un celui de laisser la crise perdurer et s’amplifier.
La création d’eurobonds suppose au préalable de répondre aux questions suivantes : quelles autorité aurait la supervision de ces eurobonds ? La Banque centrale, la Commission, une structure ad-hoc… ; quels seraient les droits de tirage des Etats membres ? Quelles conditions devraient remplir les Etats pour en bénéficier et quelles seraient les modalités de contrôle ? Les eurobonds pourraient signifier le passage sous contrôle étranger d’un Etat sauf à avancer vers un réel fédéralisme.
Durant plusieurs décennies, le politique avait disparu de la sphère économique avec la libéralisation et la mondialisation. La défaite du politique est double. Il est incapable de maîtriser la crise et les déficits publics autoalimentent cette dernière. En 2008, le leitmotiv était d’éviter de commettre les mêmes erreurs qu’en 1929. Trois ans plus tard, face à l’épuisement des modes d’intervention classiques, les gouvernements semblent désemparés. Dans les deux prochaines années, les élections en Espagne, en France, aux Etats-Unis en Allemagne et en Italie ne faciliteront pas l’émergence d’un nouveau paradigme. Il nous faut inventer un « new deal » pour le 21ème siècle faute de quoi nous risquons de connaître plusieurs années de torpeur économique. Si le New Deal et le keynésianisme étaient les réponses adaptées à des économies ouvertes et industrielles, il en est autrement pour une économie financiarisée et mondialisée. De nouveaux outils, de nouvelles gouvernances doivent être instaurées. Une conférence économique et financière internationale s’impose afin de régler les problèmes financiers, de monnaie et d’échanges. Au niveau européen, la marche vers le fédéralisme autour des Etats membres de la zone euro est une condition indispensable pour la survie de la monnaie unique.
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