mercredi 20 avril 2011

De la dette à la prime obligatoire

Pour les Keynésiens, l’endettement n’est pas en soi condamnable. Le transfert de charges sur les prochaines générations se justifie par le fait qu’elles profiteront soit des investissements réalisés, soit de la croissance générée par le recours à l’emprunt.

L’endettement qu’il finance des dépenses de consommation ou des dépenses d’équipement peut donc être favorable tant à ceux qui en profitent aujourd’hui qu’à ceux qui demain devront le rembourser. L’endettement déplacerait la courbe de création de richesses vers le haut.

Ce côté vertueux de la dette suppose qu’elle soit bien génératrice de croissance et que le surcroit de richesses permette son remboursement sans obérer la croissance à venir.

Il ne fait pas de doute que la croissance de ces dernières années a été achetée à crédit sans pour autant qu’elle aboutisse à générer un équilibre tant sur le plan de l’offre (chômage), sur le plan de la croissance que sur celui des finances publiques. Certes, contrairement aux idées reçues, le niveau de vie a progressé dans les pays occidentaux. Le rythme varie de 1 à 2 % par an, inférieur à celui des Trente Glorieuses mais supérieur à celui de longue période. La croissance achetée à crédit aurait pour certains accru les inégalités. C’est faux en grande partie, le niveau moyen des revenus et de patrimoine a augmenté sur vingt ans. En revanche, aux deux extrémités, les personnes à faibles revenus éprouvent les pires difficultés à s’extraire de leur situation quand les 0,1 % les plus riches ont accaparé une part plus élevée de richesses.

Il est indéniable que l’efficacité marginale de l’emprunt public tend à baisser et que son coût réel pour la société augmente. Cette baisse du rendement marginal de l’emprunt explique les hésitations des investisseurs à fermer les yeux devant l’envolée des dettes publiques que ce soit en Grèce, en Espagne, au Portugal, en Irlande ou aux Etats-Unis.

Les Etats ont de plus en plus de mal à mobiliser de nouvelles ressources pour rembourser leurs emprunts d’autant plus que le recours à l’impôt freine la croissance. Sommes-nous au début d’une ère de banqueroute des Etats comme Jacques Attali le pressent avec à la clef un risque de réapparition du protectionnisme et de nationalisme ou sommes-nous au début d’une ère de coopération mondiale afin de mettre la gouvernance en phase avec l’économie mondialisée ?

Du fait du vieillissement et de la montée en puissance sans précédent des Etats providence, les passifs sociaux des Etats au sens large du terme ont atteint des niveaux difficilement compatibles avec une croissance de 1 à 2 % par an. Les tenants de la décroissance devraient également souligner que l’application de leur thèse suppose une décrue des politiques sociales et des politiques publiques qui n’ont pas cessé de progresser depuis la fin de la seconde guerre mondiale.

Les niveaux de dépenses publiques différents d’un pays à un autre au sein de l’OCDE ne sauraient masquer que dans les faits les situations sont quasi-identiques. Ainsi, aux Etats-Unis, les dépenses retraite et maladie ne sont pas comptabilisées dans les dépenses publiques car financées soit par les ménages, soit par les fonds de pension ou par des compagnies d’assurance. En Allemagne, les régimes professionnels de retraite sont assimilés à des régimes privés et ne sont donc pas comptabilisés comme dépenses publiques à la différence des régimes complémentaires en France.

En réintégrant toutes les dépenses, l’ensemble des pays se situe à un niveau de dépenses publiques et sociales qui avoisinent les 50 % de la richesse produite. D’ici 2050, compte tenu de la progression des dépenses retraite, maladie et dépendance, il faut trouver en moyenne entre 4 à 7 % du PIB. Pour cela, il faut soit jouer sur la croissance, c'est-à-dire l’association du capital, du travail et des gains de productivité ou opter pour une autre allocation des dépenses.

Les solutions keynésiennes de jouer sur la dépense publique pour relancer l’économie semble dans leur forme actuelle être usées car elles nourrissent plus le déficit que la croissance. L’espoir d’une coopération internationale ou au niveau de chaque grand marché (Europe, Alena, Asie..) apparaît aujourd’hui ténu.

La nécessité de favoriser une croissance productive suppose tout à la fois la reconnaissance du capital composé par l’accumulation de l’épargne comme un des facteurs clef de la croissance. Le débat sur la répartition des bénéfices démontre que l’opposition entre travail et capital demeure vivace. Pourtant, différents rapports ont démontre que la répartition a faiblement évolué ces 20 dernières années mais le ressenti est tout autre. De même, en matière de taxation, il est admis que le capital est mieux traité que le travail. Il faut souligner que le capital dans sa phase de constitution est issu des revenus du travail et a déjà subi en tant que tel des prélèvements. Par ailleurs, mises à part les niches fiscales, il n’est pas évident que le capital soit mieux traité. Il n’y a pas de chiffres qui le prouvent comme l’a démontré le récent rapport de la Cour des Comptes sur la compétitivité fiscale entre la France et l’Allemagne.

L’épargne longue investie en actions n’a pas la cote au moment même où la nécessité de favoriser l’appareil productif est répétée. Les nouvelles normes prudentielles applicables aux assureurs et aux banquiers auront un effet négatif tout comme la volonté des pouvoirs publics de favoriser la consommation par tous les moyens au nom d’un réamorçage de la croissance. D’un côté, l’épargne doit financer les pouvoirs publics soit directement par souscription de titres publiques, soit par l’impôt ; de l’autre les entreprises sont appelées à se substituer à l’Etat en accordant des allocations sous la forme de primes plus ou moins obligatoires…

lundi 11 avril 2011

Immigration, pas de problème, bien au contraire

La France est un pays d'immigration. Cette réalité est liée à l'histoire de sa démographie et à sa position géographique. La France a été l'un des premiers pays industriels à entamer le processus de transition démographique au XIXème siècle.

La baisse de fécondité a accompagné voire précédé la baisse de la mortalité. La France, pays rural, avec l'instauration du code civil et la fin du droit d’aînesse a incité les familles à réduire le nombre de leurs enfants. Les guerres révolutionnaires et du Premier Empire ont certainement accéléré le processus de déclin démographique tant sur un point concret (mortalité) que psychologique.

Il faut souligner que les armées napoléoniennes étaient composées de militaires provenant de différents pays et cette tradition a survécu avec La Légion Etrangère.

Le processus de dénatalité a été marqué entre les deux guerres mondiales. La saignée de la première guerre a privé la France de millions de jeunes actifs. Pour reconstruire et faire fonctionner l'économie, la France a accueilli de nombreux travailleurs immigrés d'origine polonaise puis italienne. A la fin de la seconde guerre mondiale, il en fut de même avec les travailleurs espagnols, portugais puis issus du Maghreb ainsi que d'Afrique noire.

A la fin du 19ème comme au début du 20ème siècles, l'intégration n'était pas aisée. De nombreuses violences étaient à déplorer.

Aujourd'hui, contrairement aux idées reçues, le nombre d'immigrés rapporté à la population est inférieur en France à celui constaté en Suisse, en Allemagne ou au Royaume-Uni.

Toutes les études économiques prouvent qu'il y a un lien entre croissance économique et croissance de la population active. le Japon qui connait un réel déclin démographique en est la meilleure preuve avec une croissance qui tourne autour de 0,7 point depuis 20 ans et une dette de plus de 200 % du PIB.

Le Japon se s'en sort (au-delà des problèmes actuels) par un fort taux d'épargne et par d'importants gains de productivité.

Notre population active atteindra dans les prochaines années son maximum avant de reculer s'il n'y a pas d'apport extérieur à partir de 2035.

Déjà, aujourd'hui, de nombreuses offres d'emploi restent sans réponse en particulier dans le secteur de la restauration et du bâtiment. Or, la France vit de plus en plus du tourisme, de la restauration et des hôtels. Le BTP constitue un des secteurs clef de la croissance dans plusieurs régions (Sud, Corse mais aussi Région parisienne).

Tous les pays qui ont opté pour le repli sur soi, pour le rejet de l'autre ont connu le déclin à travers l'histoire, de Rome à la Chine en passant par le Japon.

Les pays occidentaux ont depuis les années 90 pris l'option de réduire l'immigration en durcissant les lois et établissant des murs (Etats-Unis avec le Mexique, Israël avec la Palestine). Les murs ne portent jamais chances car le Cheval de Troie l'emporte toujours.

La formule de Michel Rocard "la France ne peut pas accueillir toute la misère du monde" est devenue le leitmotiv de la politique des différents gouvernements.

Qu'il y ait une volonté d'encadrer, de favoriser le développement des pays du Maghreb ou d'Afrique, c'est souhaitable. Mais, il serait suicidaire de fermer les frontières, de détourner tous les flux migratoires (au cas où cela serait possible).

La question est autre. Certains considèrent que les immigrés illégaux voire légaux coûtent chers. Au-delà du caractère pas très sympathique du calcul, l'apport économique (valeur ajoutée, consommation, cotisations, impôts) est supérieur aux allocations. Si déficit public, il y a, il est en relation avec le nombre et le montant des allocations et non à leurs bénéficiaires. Penser que sans immigrés, l'équilibre des finances publiques serait assuré est une pure ineptie . Bien au contraire, la contraction de la population active rendrait encore plus difficile le comblement des déficits et le remboursement de la dette.

vendredi 8 avril 2011

Gaz de schiste, victime du principe de précaution ?

Après les OGM, la France serait sur le point d’interdire l’exploitation des gaz de schiste.

Le principe de précaution et notre refus du progrès n’ont pas fini de faire de ravages. La France ressemble de plus en plus à la Chine du XVème siècle qui se referma sur elle-même et perdit progressivement son rang de grande puissance. Il a fallu attendre Deng Xiaoping en 1978 pour mettre un terme à ce processus de déclin à travers l’ouverture de Chine au capitalisme.

Le gaz de schiste constitue un des moyens pour assurer l’indépendance énergétique de la France. Le schiste est une roche qui peut contenir du gaz naturel, méthane et propane. Grâce à l’amélioration des techniques, l’extraction de ce gaz non conventionnel a été rendu possible à des coûts non excessifs. Les progrès ont été réalisés en particulier dans le domaine des forages qui peuvent atteindre de 2000 à 3000.

Pour récupérer le gaz emprisonné dans la roche, il est injecté de l’eau et des produits chimiques sous haute pression. La polémique provient de l’utilisation des produits chimiques et de leur diffusion dans les sols et dans les nappes phréatiques. Il est indéniable que des mesures doivent être prises afin de limiter au maximum les risques pour l’environnement, pour assurer leur récupération et pour éviter leur diffusion.

Mais, il faut souligner qu’il n’ y a pas d’énergie propre. Même le solaire est générateur de pollution à travers la production des cellules photovoltaïques. Il en est de même avec la construction des éoliennes. Concernant l’énergie électrique, les batteries au lithium sont tout à la fois polluantes à fabriquer et difficile à recycler à la différence des vieilles batteries au plomb. L’exploitation du gaz de schiste n’est pas plus polluant que celle du pétrole ou du charbon. A moins de revenir à un monde sans énergie, il convient non pas d’interdire ce gaz mais de prendre les précautions nécessaires pour sa bonne exploitation. Le principe de précaution ne doit pas se muer en principe d’interdiction au nom du refus de toute prise de risque.

L’exploitation du gaz de schiste a déjà modifié la donne énergétique en permettant aux Etats-Unis de devenir le premier producteur mondial de gaz et d’être indépendants pour cette énergie voire bientôt exportateur. 17 443 milliards de mètre cube de gaz de schiste seraient accessibles aux Etats-Unis représentant 30 ans de consommation soit l’équivalent des réserves du Koweït.

La France dispose de plusieurs régions qui pourraient accueillir des gisements de gaz de schiste, la zone la plus intéressante se situerait entre Valence et Montpellier. D’autres zones sont situées dans le bassin parisien et dans le Nord.

L’interdiction des forages constituerait un non sens au moment où la question de l’indépendance énergétique se pose avec plus d’acuité et au moment où la question des cours de l’énergie est au cœur de l’actualité. D’un côté, les pouvoirs publics tentent de limiter les hausses de tarifs en ayant recours aux techniques dépassées du gel des prix ; de l’autre, ils empêchent l’exploitation de réserves nationales. Le malthusianisme n’apporte ni le pouvoir d’achat, ni la croissance, ni l’emploi.