Après de très longues négociations, l’Iran a conclu, le 14 juillet, un
accord avec les Etats-Unis, la Russie, la Chine, la France, le Royaume-Uni et
l’Allemagne. Cet accord qui met un terme à un conflit vieux de 12 ans vise à
interdire à l’Iran l’accès au nucléaire militaire. Le respect de l’accord
permettrait la levée de l’embargo le plus sévère jamais appliqué à un Etat. Les
sanctions adoptées par l’Union européenne et les Etats-Unis visant les secteurs
de la finance, de l’énergie et du transport iranien devraient donc être
progressivement allégées à compter du début 2016 sous réserve que le rapport de
l’Agence Internationale de l’énergie atomique soit positif. La même procédure
sera suivie pour lever les six résolutions adoptées par le Conseil de sécurité
des Nations unies contre l’Iran depuis 2006.
Néanmoins, les sanctions relatives aux missiles balistiques et aux
importations d’armes offensives sont maintenues. Le transfert de matériels
sensibles pouvant contribuer au programme balistique iranien demeure interdit
pendant huit ans sauf autorisation explicite du Conseil de sécurité de l’ONU.
L’Iran pourra bénéficier du déblocage, à terme, de près de 150 milliards de
dollars d'avoirs gelés à l'étranger. Les ennemis de l’Iran sont inquiets de ce
retour des actifs gelés qui pourrait faciliter le réarmement de la République Islamique.
L’accord devrait permettre le retour de l’Iran au sein du concert des
nations. Sa conclusion obéissait à d’évidents facteurs géostratégiques liés aux
derniers évènements dans la région du Golfe.
Le retour de l’Iran est une mauvaise nouvelle pour l’Arabie Saoudite qui
était depuis des années le principal interlocuteur des Etats-Unis dans la
région avec Israël. Elle paie ses relations ambiguës avec Daech. Le front
anti-Daech pourra s’appuyer sur l’Iran qui pourra ainsi jouer en plus grande
transparence son rôle de puissance régionale. Jusqu’à maintenant, ses
interventions en Syrie ou en Irak étaient avant tout militaires et hors du
champ de la diplomatie. Elles étaient assez mal acceptées tant par les pays
voisins que par les Etats directement impliqués car elles ne passaient pas par
des canaux non officiels.
L’autre perdant de cette affaire est Israël, son principal soutien, les
Etats-Unis, signant un accord avec son ennemi numéro 1. Le rapprochement américano-iranien
constitue une deuxième rupture pour les Israéliens qui déjà avait dû accepter,
avec la première guerre contre l’Irak, le rapprochement de leur allié avec les
monarchies du Golfe.
L’Iran est donc le grand gagnant de l’opération. Le régime avait néanmoins
besoin de cet accord compte tenu de la montée de la contestation en particulier
parmi les jeunes générations. La progression du taux de chômage est également
une source d’inquiétude. Ce pays de 79 millions d’habitants sort, en effet, exsangue
d’un embargo qui s’est durci d’année en année. Le PIB s’est contracté de 8,5 %
de 2012 à 2014 avec à la clef une forte chute de la production industrielle et
une augmentation de l’inflation. Le recul a été violent en 2012 avec une
contraction du PIB de 7 %. En 2014, le PIB ne s’est accru que de 1 %. Pour
2015, une légère amélioration est attendue avec croissance de 2 % et une
inflation qui pourrait se stabiliser entre 15 et 20 % quand elle avait atteint,
selon la Banque Mondiale, 36 % en 2011. Le taux de chômage était de 11,6 %
en 2014.
Les produits pétroliers représentent 75 % des exportations iraniennes. Du
fait de l’embargo, de la chute des prix pétroliers, l’excédent de la balance
des paiements est passé de 12,2 à 3,28 milliards de dollars de 2012 à 2014.
Depuis le mois de novembre, l’Iran ne pouvait plus exporter que 1 million de
barils par jour. Sans accord, les recettes pétrolières auraient pu baisser de
30 % cette année avec l’effet prix. Les recettes budgétaires issues de la
vente d’hydrocarbures sont passées de 45 % à moins de 33 %. Le
Gouvernement iranien a été contraint de relever certains impôts pour éviter une
trop forte dérive budgétaire. Néanmoins, l’endettement public de l’Iran est
faible même s’il est en progression. En 2014, il atteignait, selon les
estimations, entre 11 et 18 % du PIB.
L’Iran qui faisait partie des pays à fort potentiel économique avant la révolution
de 1979, a depuis subi de nombreux chocs. La période révolutionnaire, la guerre
avec l’Irak et l’embargo ont fortement élimé ce potentiel. Néanmoins, l’Iran
dispose d’une population active importante et bien formée. Même s’il y a eu une
attrition, l’économie reste relativement diversifiée avec comme secteurs clefs l’industrie
pétrolière mais aussi l’industrie automobile développée dans le cadre de
partenariats notamment avec Renault et PSA, l’industrie agro-alimentaire et
l’industrie d’armement. L’Iran a une forte tradition pour les activités liées
au bâtiment (ciment et matériaux de construction) et pour le textile.