L’assurance serait-elle entrée dans une nouvelle ère en 2012 avec une décollecte de 3,4 milliards d’euros. Pas de défiance, il ne s’agit pas de véritable rupture, il s’agit d’une évolution avec la montée en puissance des prestations qui ont atteint sur l’ensemble de l’année 117,6 milliards d’euros.
En revanche, il est exagéré de crier à la défiance car la collecte brute s’élève, en 2012 à plus de 114,2 milliards d’euros. L'année s'est d'ailleurs terminée positivement avec une collecte nette de 200 millions d'euros.
La nouvelle ère de l’assurance est intimement liée à la maturité croissante de ce produit. Une grande majorité des contrats souscrits ont plus de huit ans, permettant ainsi à leurs titulaires d’opérer dans les meilleures conditions des rachats. Les assurés retraités sont les premiers à puiser sur leurs contrats d’assurance-vie tant pour réaliser un projet (voyage ou immobilier) que pour maintenir leur pouvoir d’achat.
Point positif, cette décollecte n’empêche pas l’encours de l’assurance-vie de progresser en 2012 pour atteindre 1391,017 milliards d’euros.
Une collecte nette victime de la crise et de la montée en puissance des prestations
La collecte nette qui était en moyenne de 40 milliards d’euros avant la crise a enregistré son premier recul en 2012.
Une collecte brute qui reste importante
Avec plus de 114,2 milliards d’euros de cotisations, l’assurance-vie reste au-dessus de ses résultats des années 90. Ainsi, en 1997, les cotisations avaient atteint 77 milliards d’euros et, en 1998, 65 milliards d’euros. Il faut souligner, par ailleurs, que les années d’avant crise ont été marquées par des transferts entre produits financiers dont l’assurance-vie a été le principal bénéficiaire. Le changement de la fiscalité des plans d’épargne logement a contribué à un dégonflement rapide de ce produit. Ce processus s’est achevé autour de 2007.
Avec la croissance des prestations, les Français gèrent l’assurance-vie comme un compte-courant
La véritable mutation provient de la croissance des prestations qui ont été multipliées par trois en vingt ans. Elles s’élevaient à 41 milliards d’euros en 1999 et à 53 milliards d’euros en 2002. Elles ont été de 117,6 milliards d’euros en 2012.
2012 ou l’année de l’épargne défiscalisée
L’année 2012 aura été particulière par le relèvement des plafonds de l’épargne défiscalisée, Livret A et LDD, qui a généré pour ces deux produits une collecte nette sans précédent. Certes, les finalités sont différentes entre le Livret A, produit de précaution et de proximité et l’assurance-vie, produit d’épargne longue. La garantie du capital offerte sur le Livret A et sur le fonds euros tout comme les rémunérations les rapprochent. Mais, il faut souligner que le relèvement des plafonds a surtout impacté les livrets bancaires.
Les banques qui doivent améliorer leur ratio de solvabilité ont tenté de conserver leurs clients en ne les incitant pas à placer leur épargne sur leurs contrats d’assurance-vie.
L’immobilier a été, surtout au début de l’année 2012, un féroce concurrent en tant que valeur refuge en période de crise financière d’autant plus que les banques demandent des apports personnels croissants. Avec le changement des règles fiscales et l’atteinte de prix dissuasifs, le nombre de transactions a fortement baissé à la fin de l’année. Il est à noter que cette baisse des ventes immobilières coïncide avec une relative amélioration de l’assurance-vie.
Les taux des fonds euros en baisse mais le plus dur de la pente est passé
La baisse des taux des fonds euros est imputable à l’évolution es taux sur les marchés monétaires et obligataires. En outre, l’obligation pour les compagnies de réduire leur exposition en titres issus de pays à risques (Sud de l’Europe) a pour conséquence une baisse du rendement (choix entre OAT et titres allemands peu rémunérateurs).
Pour 2012, les taux pratiqués tournent autour de 3 %. L’augmentation des prélèvements sociaux qui atteignent désormais 15,5 % ainsi que les menaces sur la fiscalité de l’assurance-vie ont pu dissuader des épargnants à placer une partie de leur disponibilité sur leur contrat. Il faut néanmoins mentionner que les fonds euros bénéficient d’une garantie en capital qui a son coût.
Avec la baisse de l’inflation, le rendement réel brut de l’impôt et frais de l’assurance-vie est de 1,6 point. Après prélèvements sociaux, le taux est de 1,1 %, soit net de tous prélèvements (sur la base de 7,5 %) et d’inflation de 1 % ce qui reste supérieur au Livret A dont le rendement net est de 0,5 point.
Après avoir subi les conséquences de l’effacement d’une grande partie de la dette grecque en 2011 et des opérations de recentrage des fonds euros sur des valeurs sûres et donc moins rentables, les taux de rendement devraient avoir atteint un plancher.
Les unités de compte toujours à la traîne malgré la reprise de la bourse :
Les Français acceptent les unités de compte en haut de cycle boursier ce qui entraîne de nombreux mécontentements au moment des krachs.
Ainsi, les supports UC ont collecté 36,3 milliards d’euros en 2000 avant de baisser à 14 milliards d’euros en 2002 après l’éclatement de la bulle Internet. Ils ont collecté plus de 34 milliards d’euros en 2006 et 2007 avant de rechuter. En 2012, la collecte des UC s’élevait à 15,1 milliards d’euros soit 13,2 % du total de la collecte brute.
A l’exception de 2008, l’encours de l’assurance-vie a toujours progressé. 2008 avait été marquée par la crise financière et la chute des bourses.
L’année 2012 a été marquée par la progression de 15 % du CAC 40 du fait des solutions trouvées pour résorber la crise des dettes souveraines.
Les UC représentent 16,09 % des provisions mathématiques au 31 décembre 2012 contre 15,09 % fin 2011.
la maturité des contrats d’assurance-vie
Près des deux tiers des contrats ont plus de 8 ans et près de la moitié ont plus de 12 ans. Dans ces conditions, il n’est pas étonnant que les assurés effectuent des rachats car ils bénéficient d’un régime fiscal attractif. Il ne faut pas s’en offusquer car la souscription est intervenue avec un cadre fiscal encourageant les retraits après 8 ans (taux d’imposition de 7,5 % contre 15 % entre 4 et 8 ans et 35 % avant 4 ans avec application d’un abattement de 4600 euros pour un célibataire et 9200 euros pour un couple, les prélèvements sociaux étant perçus chaque année à hauteur de 15,5 %).
Les contrats d’assurance-vie sont majoritairement possédés par des épargnants de plus de 45 ans. Le vieillissement de la population a pour conséquences qu’un nombre accru d’assurés sont à la retraite. Ils sont amenés à puiser sur leurs contrats tout à la fois pour financer tout ou partie de leurs projets, pour effectuer des donations ou pour maintenir leur pouvoir d’achat.
Ce processus ne pourra que s’accentuer dans les prochaines années avec la poursuite du départ à la retraite des générations du baby-boom. Les éventuelles remises en cause des retraites pourraient également contribuer à la décollecte sachant qu’un des premiers motifs de souscription d’un contrat d’assurance-vie est la retraite.
Les enjeux de 2013 entre consolidation et réforme du régime fiscal de l’épargne longue
L’évolution de l’assurance-vie dépendra, en 2013, du contexte économique et des éventuels changements de fiscalité.
La conjoncture française devrait rester dégradée durant le premier semestre avec une possible amélioration en fin d’année avec la sortie de la récession de plusieurs pays d’Europe du sud. L’augmentation des impôts du fait des décisions prises en 2012 devrait pénaliser l’épargne longue.
Le relèvement du plafond du Livret A à 22 950 euros devrait malgré la baisse du taux de rémunération favoriser l’épargne défiscalisée. La forte progression du chômage et l’augmentation des prélèvements constituent, en règle générale, des facteurs favorables au Livret A et au LDD.
L’éventuelle réforme de la fiscalité de l’épargne longue qui devrait faire suite au rapport Karine Berger et Dominique Lefebvre pourrait impacter l’assurance-vie. Plusieurs pistes sont avancées dont le passage de 8 à 10 ans pour obtenir le régime fiscal le plus avantageux. Dans le prolongement du rapport de la Cour des Comptes de 2012 et du rapport Gallois sur la compétitivité, un ciblage plus prononcé des avantages fiscaux sur les unités de compte pourrait être institué.
La baisse du taux du Livret à 1,75 % devrait contribuer à rétablir une hiérarchie des taux entre le court terme et le long terme plus cohérente favorisant les produits d’épargne à long terme.
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