mardi 30 décembre 2008

Les raisons du succès du Livret A

Philippe Crevel a été interrogé lors du journal de 13 heures sur RFI le mercredi 24 décembre dernier pour commenter les résultats du Livret A.

La progression du Livret A s'explique tout à la fois pour des raisons financières (la recherche d'un placement sûr en période de crise), pour des raisons économiques (volonté de se prémunir de la crise économique avec la constitution d'une épargne de précaution) et pour des raisons concurrentielles (le taux d'intérêt de 4 % et l'ouverture du marché du Livret A aux banques à compter du 1er janvier).

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jeudi 18 décembre 2008

Interview de Philippe Crevel sur RFI

Interviewé dans le cadre du journal de 13 heures de RFI sur la baisse des taux de la FED, j'ai signalé que cette décision symbolisait les craintes de déflation. Elle ne saurait suffire pour relancer l'économie tant que la confiance sur le marché bancaire ne serait pas de retour. Il faudra plusieurs mois pour affermir le nécessaire assainissement du marché financier. Par ailleurs, il y a un véritable risque de trappe à liquidités et de répétition du scénario japonais. La dépréciation des actifs n'incite pas à investir même avec un taux de l'argent faible voire nul.

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lundi 15 décembre 2008

Retrouver l'esprit du capitalisme

LA CRISE NE DATE PAS DES SUBPRIMES
OU LA NECESSITE DE RENOUER AVEC L’ETHIQUE DU CAPITALISME


Les banquiers sont depuis le début de la crise financière de parfaits boucs émissaires. Ils sont responsables de tous les maux et bien évidemment de la récession qui s’annonce rendant aux yeux de nombreux citoyens l’intervention des Etats en faveur des établissements bancaires illégitimes. Bien évidemment, leurs réactions seraient tout autre si leur épargne disparaissait en cas de faillite bancaire.

Depuis l’éclatement de la bulle Internet, nul ne s’était plaint de l’apport de la finance à la reprise économique, nul ne s’était plaint de l’effet dopant de la construction massive de logements aux Etats-Unis mais aussi en France avec les dispositifs fiscaux incitatifs (Robien, Borloo).

Depuis six ans, l’économie mondiale battait des records de croissance qui ont permis à des millions de personnes d’améliorer sensiblement leurs conditions de vie.

Cette croissance s’est nourrie du développement rapide des pays émergents transformés en ateliers du monde aidés en cela par la possibilité pour les investisseurs de se procurer des ressources financières à bas coûts. La multiplication des délocalisations a accru le pouvoir d’achat des entreprises et des particuliers occidentaux. Les économies américaine et européenne se sont comportées en rentiers. Elles ont récupéré un gain qu’elles ont réinjecté dans les secteurs financier et dans l’immobilier au destin lié à travers la titrisation.

L’accélération du processus de désindustrialisation a été masquée par l’augmentation du nombre de départs à la retraite des actifs juste après la seconde guerre mondiale durant la période appelée « baby boom ». Ainsi, en sept ans, le nombre de départ annuel est passé, en France, de 500 000 à 750 000 en France. Par ailleurs, le bâtiment a contribué à porter l’emploi tout comme le secteur financier et des services. En effet, les gains générés par la baisse des coûts des produits industriels a permis une redistribution au profit des sociétés de conseil, au profit du secteur de la communication….

Néanmoins, la période 2001-2008 n’a été marquée par l’arrivée à maturité de techniques et de processus apparues, du moins sur la scène économique, dans les années quatre-vingt. En effet, l’impact en termes de gains de productivité des « nouvelles techniques de l’information et de la communication » s’affaiblit. La progression en Occident du taux d’équipement en informatique et en connexion Internet se ralentit.

Plusieurs signes tangibles prouvent cette maturité. Ainsi, Vista de Microsoft a été perçu comme une opération marketing et non comme un saut technologique. Le succès des versions dites « open » démonter la banalisation des logiciels. Par ailleurs, la surenchère en termes de puissance, de rapidité, de capacité que les producteurs d’informatique pratiquaient depuis des années s’achève. La mode en cette fin d’année 2008 est la mise sur le marché de portables à bas prix et ne comportant que le strict minimum.

Si le secteur de l’informatique est entré dans une phase de maturité, celui de l’automobile du fait d’une incapacité de se renouveler est entré dans un déclin qu’il est trop tôt pour qualifier de définitif.

Il n’est pas étonnant que les Big Three soient les plus affectés par la crise actuelle. Handicapées par le portage des droits à la retraite de leurs salariés, elles ont bénéficié d’une rente de situation qui les a dissuadés d’investir et d’analyser l’évolution du marché. Il a suffit d’un renchérissement du coût du pétrole et le durcissement de la politique du crédit pour jeter les firmes automobiles américaines au bord du gouffre. L’automobile depuis près de cent ans tourne autour du moteur à explosion qui a été perfectionné. Des éléments de confort ont été ajoutés au fil des décennies au sein des voitures sans pour autant en changer les grandes lignes. Avec la mondialisation, il est apparu possible de construire dans tous les pays des automobiles, devenues un bien de consommation commun. Enfermées dans leur citadelle, les compagnies américaines n’ont pas depuis les années soixante su se remettre en cause. L’installation sur leur territoire d’usines de constructeurs japonais ou européens les a confortés plus qu’elle ne les a inquiétés. Or, le Royaume-Uni a connu le même processus vingt ans auparavant. Aujourd’hui, il n’y a plus de constructeurs anglais.

Il est symptomatique que l’industrie phare du 20ème siècle soit ébranlée à ce point. Accusée de polluer la planète, elle a perdu sa capacité de se renouveler. Les firmes européennes et japonaises ont opté pour la délocalisation de leur production au sein des nouveaux marchés de consommation et pour des produits low cost à l’image de la Logan de Dacia-Renault. Mais, sans nouvelle innovation, la production de voitures en Occident n’est plus rentable. En France, le contribuable participe au maintien d’usines en France du fait que les deux constructeurs, Renault et PSA, sont les principaux bénéficiaires des allègements de charges sur les bas salaires. Mais, Renault ne fabrique déjà plus une grande partie de ses petites voitures en France.

Après le départ du textile, de la sidérurgie…, celui de l’automobile avec tous les sous-traitants qui y sont attachés, marquerait une étape importante du processus de désindustrialisation commencé au début des années soixante-dix. Demeureraient comme secteurs porteurs les secteurs aéronautique, spatial, pharmaceutique… Le secteur informatique faible en Europe reste un point fort pour les Etats-Unis mais il est aujourd’hui incapable de renouveler le saut technologique des années quatre-vingt.

La croissance des années 2000 a buté comme celle des années soixante sur les tensions inflationnistes liées à la montée rapide des cours du pétrole. A la différence de crise de 1973, il n’y a pas eu, en 2008, d’enclenchement d’une spirale inflationniste, du fait de la non revalorisation des salaires. Lors du premier choc pétrolier, ce sont les entreprises qui ont été lourdement touchées ; en 2007/2008, le fardeau a été partagé entre ces dernières et les actifs dont le pouvoir d’achat a été entamé.

En France, le pouvoir d’achat comme le taux de marge des entreprises décroche dès la fin de l’année 2007 soit bien avant la montée en puissance de la crise financière. La récession actuelle s’est construite durant le premier semestre de l’année 2008. Les entreprises ont cessé d’investir il y a déjà près d’un an en prévision de jours sombres. La FCBF des entreprises avaient augmenté de plus de 7 % en 2007 mais est étale depuis.

La croissance des années 2000 a eu son lot d’innovations mais essentiellement financières. Il est donc logique que l’endettement l’ait nourri. Comme le souligne l’OFCE, que ce soit la France, les pays de la zone euro ou les Etats-Unis, l’endettement de tous les acteurs a progressé en huit ans.


Evolution des taux d’endettements bruts
en % du PIB

France Zone Euro Etats-Unis
2000 2007 2000 2007 2000 2007
Ménages 32,2 35,4 47,1 58,7 65,1 71,8
Entreprises 62,7 72,4 73,2 88,7 72,4 66,9
Administrations Publiques 64,3 71,0 75,2 71,8 55,2 62,8
total 159,2 178,8 195,5 219,2 192,7 199,7
Sources Comptes nationaux et OFCE

L’endettement n’est pas en soi condamnable si le retour sur investissement est réel or la crise immobilière puis financière a démontré qu’il reposait sur un château de cartes. Le retour sur investissement était lié à l’appréciation spéculative des valeurs mobilières ou immobilières.

La France comme les Etats-Unis disposent de marges de manœuvre pour s’endetter encore plus ; le problème est de savoir comment et pourquoi.

L’argent facile n’a jamais généré des révolutions technologiques, il nourrit avant tout la spéculation. Le défi pour l’ensemble des acteurs est donc de renouer avec l’éthique du capitalisme au sens schumpetérien du terme. Il ne faut pas, en revanche, tomber dans une paranoïa anti-bancaire car sans intermédiaire financier, il n’y pas d’entreprises ; il n’y a pas de marchés… La remise en cause de certaines pratiques ne doit pas entraîner la condamnation de l’ensemble du secteur financier. Il n’en demeure pas moins que l’accent doit être mis sur la recherche, l’investissement productif. L’occident a perdu, sans nul doute, son quasi monopole en matière d’innovations mais il conservera néanmoins un leadership durant de nombreuses années à condition de remettre au cœur de son processus l’entrepreneur en lieu et place du rentier.


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samedi 6 décembre 2008

Les Consommateurs sont à l'Ouest, les producteurs à l'Est

Les Consommateurs sont à l’Ouest et les producteurs à l’Est…



La Banque Centrale Européenne a abaissé son taux principal de 75 points en le fixant à 2,5 %. Cette baisse est la plus forte depuis la création de l’euro. Après avoir durant le premier semestre 2008 souligné que la principale menace était l’inflation, la BCE désormais tente de freiner le train d’enfer de la récession. L’économie mondiale est passée au galop d’un risque d’inflation à celui de la déflation. Jamais les banques centrales et les Etats n’ont mis sur le marché autant de liquidités, plans de sauvetage des banques, plus de 1000 milliards de dollars, plans de relance, plusieurs points de PIB…, baisse des taux et émission de liquidités. Face à cet ouragan de dollars et d’euros, les experts ont-ils pris le temps d’en analyser les conséquences. Certes, en période de crise, c’est au pied du mur que l’on reconnait le bon maçon. Cette surenchère peut accentuer le climat de défiance. Si les pouvoirs publics injectent autant de milliards, cela signifie que la crise est grave et qu’il est urgent de ne rien faire. Autre conséquence possible, il faut mieux attendre demain ou après demain car de nouvelles baisses d’intérêt interviendront, le prix de l’immobilier baissera encore. Il en résulte dans l’un ou dans l’autre cas l’enclenchement d’une spirale déflationniste et d’une trappe à liquidités.

L’autre possibilité est le retour de l’inflation car la planche à billets et la multiplication des dettes ne peuvent ne pas être neutre sauf à accepter un bouleversement des équilibres économiques mondiaux. Que feront les Chinois et autres investisseurs des pays émergents des milliards de dollars de créances qu’ils possèdent si le dollar plonge à nouveau et que l’économie américaine ne redémarre pas ? Aujourd’hui, les consommateurs sont à l’ouest et les producteurs à l’est. Les consommateurs de l’ouest vivent à crédit et sur leurs actifs ; quand ces derniers auront fondu, de quoi vivront les cigales ? A la fin des années soixante-dix, les Etats-Unis avaient rebondi grâce au décollage de l’informatique et de la netéconomie. Disposent-ils d’une nouvelle martingale pour échapper au déclin ?

La crise de 2008 est la première crise de l’économie mondialisée du moins dans sa version post mur de Berlin. Elle se caractérise surtout par sa rapidité de déploiement ainsi que par sa gestion médiatique sans précédent.

Crise exceptionnelle sans nul doute et qui avait commencé avant la faillite de Lehmann Brothers ; pour s’en convaincre, il suffit d’analyser les chiffres des faillites d’entreprises qui avaient progressé depuis le mois de mars. Les effets de la vive progression des cours de l’énergie et des matières premières ont été sous-estimés sur l’économie réelle. La crise financière en réduisant les facilités de crédit a été le coup de grâce pour de nombreuses entreprises qui étaient déjà sur le fil du rasoir. Depuis de nombreuses années, les experts prédisent un krach dans le secteur de l’automobile. Les constructeurs américains sont, en effet, asphyxiés par le système de retraite et de protection sociale de leurs salariés. Menacés par les constructeurs japonais dans les années quatre-vingt, un semblant d’équilibre s’était dessiné depuis vingt ans. Les constructeurs étrangers pour réussir à vendre aux Etats-Unis ont compris qu’il fallait produire sur place. Nissan, Toyota, BMW… ont construit des usines sur le continent nord-américain. Ce Yalta de l’automobile n’a pas incité les constructeurs américains à améliorer leur productivité et à rechercher de nouveaux axes de développement. En Europe de l’Ouest, les constructeurs automobiles ont opté pour la délocalisation de leurs usines aidés en cela par la proximité de l’Europe de l’Est. Le maintien, par exemple, en France, d’usines de production, est lié à l’octroi de fortes exonérations de charges sociales sur les bas salaires. La saturation du marché occidental, l’augmentation des cours du pétrole et la fermeture du robinet du crédit ont provoqué un séisme sans précédent dans le secteur phare de l’économie occidental du XXième siècle. Il est évident qu’aujourd’hui, il y a deux ou trois constructeurs généralistes de trop.

Les consommateurs de l’Ouest seront-ils redevenir des producteurs, des innovateurs et les producteurs de l’Est sauront-ils créer un marché intérieur et développer leur recherche ? Les réponses à ces interrogations conditionnent la sortie de crise qui peut être pour 2009 mais aussi pour beaucoup plus tard si les démons du protectionnisme, de la non-coordination et de la spéculation monétaire reprennent le dessus.

lundi 1 décembre 2008

La drôle histoire du Fonds souverain français


La France n’a pas de pétrole, peu de matières premières et accumule depuis quelques décennies d’imposants déficits budgétaires complétés depuis quelques années par des déficits commerciaux. Il n’est donc pas étonnant qu’elle ne dispose pas de fonds souverains comme les pays du Golfe ou la Norvège…

Faute d’avoir il y a vingt ou trente ans développé des fonds de pension, les entreprises françaises sont passées sous contrôle étranger ; environ la moitié du capital des entreprises du CAC 40 appartiennent à des investisseurs étrangers. Du fait de l’aversion des épargnants français au risque, de toute façon, il n’y avait pas d’autres voies possibles. L’autre conséquence de l’absence de fonds de pension et du désamour des Français vis-à-vis de la bourse, c’est la sous-capitalisation des PME qui les empêche de se développer et de faire face aux ralentissements de l’économie. En outre, l’arrivée à l’âge de la retraite de nombreux chefs d’entreprise entraîne de des cessions qui prennent la forme de rachat par des groupes étrangers ou à des liquidations.

Le fonds souverain est la dernière idée à la mode. Après les mauvais souvenirs de l’Etat actionnaire, rappelons nous du Crédit Lyonnais, d’Air France…., l’Etat veut revenir dans le jeu économique.

Le fonds souverain est un fonds qui est dirigé par la puissance publique. Dans les pays nordiques, ces fonds ont été créés afin de financer les retraites. Dans les pays du Golfe, ils doivent préparer l’après pétrole. En France, ils auraient pour vocation à sauver notre économie des prédateurs et justement de ces affreux fonds souverains. Hier, l’ennemi, c’était le fonds pension ; aujourd’hui, c’est le fonds souverain.

Lancé le 20 novembre dernier, le Fonds souverain français reçoit essentiellement des actifs en provenance de la Caisse des Dépôts et Consignation, 7 milliards d’euros, l’Etat apportant 10 milliards d’euros. La Caisse des Dépôts qui depuis sa création est placée non pas sous le contrôle de l’Etat mais du Parlement se voit ainsi déposséder d’une partie de ses moyens même si elle possède 51 % du capital de ce nouveau fonds.

Les fonds souverains étrangers n’ont pas vocation à aider les canards boiteux mais au contraire à préparer l’avenir. Qu’en sera-t-il pour le fonds français ? Servira-t-il de béquille aux entreprises en difficulté, facilitera-t-il les phases d’adaptation, financera-t-il les PME à forte croissance ? Ces moyens limités ne devraient pas de toute façon d’agir sur tous les tableaux.

Sa taille reste, en effet, très modeste au regard de celle des autres fonds souverains. Ainsi, le Government Pension Fund Global de Norvège dispose d’un actif évalué à 322 milliards de dollars. Les fond d’Arabie Saoudite pèsent 400 milliards de dollars ; ceux des Emirats Arabes Unis, 875 milliards de dollars. Brunei possède également d’un tel fonds (330 milliards de dollars).