mercredi 14 septembre 2011

Le poker menteur

La monnaie unique avait vocation à parachever le marché unique en éliminant les risques de change et à réduire les variations de taux d’intérêt. Si les dévaluations ont par nature disparu, les variations de taux sont de retour avec la crise des dettes souveraines.

La monnaie unique faute d’avoir été accompagnée d’une politique économique unique et d’instruments de régulation bute sur les réalités nationales. Les divergences économiques et de finances publiques sont sanctionnées par la pratique des écarts de taux. Autrefois, le mark servait de référence dans les dévaluations et les réévaluations monétaires au sein du Système monétaire européen. Aujourd’hui, c’est le taux d’intérêts des emprunts d’Etat allemands qui joue le rôle de pivot. La Grèce, l’Italie, l’Espagne, le Portugal ou l’Irlande doivent supporter des taux supérieurs de plusieurs points à celui pratiqués en Allemagne ce qui renchérit d’autant le coût de la dette.

Le marché de la dette s’est donc renationalisé au point que les Etats en difficulté éprouvent les pires difficultés à placer leurs titres au-delà de leurs frontières sauf à consentir des taux d’intérêt élevés.

La zone financière de l’euro vole donc en éclat sans que les Etats membres aient pris des initiatives pour l’empêcher. La création du Fonds européen de stabilité financière ne vise qu’à colmater la crise en répondant au cas par cas aux situations d’urgence. Les décisions prises depuis deux ans ont abouti à l’instauration d’un véritable cercle vicieux qui en outre contamine l’ensemble de la zone. L’aide européenne à la Grèce est conditionnée à la mise en œuvre de plans d’assainissement drastiques des finances publiques qui freinent voir annihilent toute activité. Censés faciliter le remboursement de la dette, ces plans le rendent impossibles. Le principe « soigne toi d’abord » nous verrons ce que nous pouvons faire pour toi après aboutit à aggraver sans fin l’état du malade.

L’Europe souffre de ses divisions. Il n’existe pas de marché unique de la dette comme aux Etats-Unis. Il y a dix sept marchés différents. Il n’y a pas de fonds d’actions comme aux Etats-Unis venant en aide à des Etats en difficulté. L’absence de mobilité de la population rendrait plus nécessaire qu’outre atlantique de tels fonds. Le budget européen est ridicule, 1 % du PIB dont 60 % sont affectés à l’agriculture.

La déliquescence de la zone euro est favorisé par le retour en force du populisme et du nationalisme. L’absence de projets communs et de consensus renforce l’europessimisme et le rejet de toute nouvelle avancée vers le fédéralisme.

Entre Etats membres, un véritable poker menteur s’est institué. L’Allemagne qui exporte avant tout au sein de la zone euro a tout à perdre d’une disparition de la monnaie unique qui conduirait à une dépréciation des nouvelles monnaies des Etats endettés.

De ce fait, ces derniers considèrent qu’un moment où à un autre l’Allemagne fera un geste et acceptera les eurobonds. Le Gouvernement allemand ne veut pas compte tenu des échéances électorales, montrer qu’il est le payeur en dernier ressort pour les Etats qui ont failli. L’Allemagne reste fidèle à sa ligne : commencez à assainir vos finances publiques et nous étudierons les moyens pour vous aidez. Les Allemands conservent en leur sein les très mauvais souvenir de l’hyperinflation. Ils sont donc opposés à toute création monétaire artificielle d’où le refus des interventions directes de la Banque centrale. Il n’en demeure pas moins qu’avec une population en diminution, notre partenaire d’Outre-Rhin ne peut pas faire cavalier seul. Ce jeu de poker à l’échelle européenne est destructeur.

Il est évident que nous sommes entrés dans une zone monétaire allemande et que nous devons en tirer les conséquences en terme de gestion. L’Allemagne a mené depuis près de dix ans une politique de compétitivité axée sur la maîtrise budgétaire et sur celle des coûts salariaux. Cette politique qui n’a pas été empruntée par les Etats du sud s’impose à eux aujourd’hui. Si les eurobonds sont créés, ils se traduiront par la mise en tutelle des Etats qui en bénéficieront. La perte de souveraineté est inévitable. Il faudra fixer les conditions et les modalités d’octroi des eurobonds, le plafond autorisé et l’autorité qui aura comme missions de les superviser. Les interventions du FMI sont souvent mal vécues par les peuples et les gouvernements, il en sera certainement de même pour les conditions d’obtention des eurobonds

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