vendredi 15 juin 2007

Demain n'attend pas

Tous les pays qu’ils soient développés ou non, sont confrontés au vieillissement de leur population. Ainsi, la France comptera, en 2012, davantage de personnes de plus de soixante ans que de jeunes de moins de vingt ans. Cet évènement, sans précédent dans l’histoire démographique contemporaine, est la marque d’une révolution lente mais continue, l’allongement de la durée de la vie. Trop souvent, le débat sur le financement des retraites se réduit à la question du papy-boom comme effet miroir du baby-boom d’après la seconde guerre mondiale. Si l’impact des nombreuses naissances des années 1946/1965 n’est pas nul sur l’équilibre de nos régimes de retraites, il est sans comparaison avec celui provoqué par l’augmentation de l’espérance de vie.

Le vieillissement de la population aura de nombreuses conséquences tant économiques, financières que sociales. La société devra évoluer afin de gérer au mieux la cohabitation d’un grand nombre de générations. Des choix collectifs et individuels devront être faits afin d’assurer tant l’équilibre des régimes sociaux que pour garantir à chacun des revenus décents.

L’étirement de la vie

Sous Louis XV, il y a trois siècles, l’espérance de vie atteignait péniblement 35 ans ; la moitié des enfants disparaissaient durant les premières années de leur vie. Aujourd’hui, la mortalité infantile, dans les pays occidentaux, concerne moins de quatre enfants pour mille naissances ; l’espérance de vie est de 77 ans pour un homme et de 83 ans pour une femme. Chaque année, nous gagnons un trimestre..

Si jusque dans les années soixante, les gains d’espérance de vie reposaient essentiellement sur la diminution de la mortalité infantile, depuis, ils reposent sur l’allongement de la vie après soixante ans. En 1914, une personne de 65 ans avait une espérance de vie de 10 ans, en 2000, cette même espérance atteint plus de 21 ans. Il a été longtemps admis que la durée de la vie humaine ne pouvait guère en moyenne dépasser cent ans ; or avec Madame Calment nous avons eu la preuve qu’elle pouvait aller jusqu’à 122 ans. Par ailleurs, le nombre de centenaires double tous les dix ans et s’élevait en 2006 à plus de 15 000. Plus de la moitié des jeunes filles nées en 2007 connaîtront l’année 2107Au-delà des chiffres, il faut souligner que l’allongement de la durée de vie humaine s’accompagne d’une amélioration de l’état de santé aux âges élevés.

Une vie professionnelle rétrécie

Si la durée de la retraite a été multipliée par deux en moins de cinquante ans, c’est aussi que nous arrêtons de plus en plus tôt de travailler. Dès 58 ans, plus de la moitié des hommes ont cessé toute activité. Seulement 36 % des salariés français âgés de 55 à 65 ans travaillent ce qui représente un des taux les plus faibles de l’OCDE. Toutes les études d’opinion montrent que les Français sont très attachés à pouvoir prendre leur retraite à 60 ans voire avant.

A cette réduction de la vie active par le haut s’ajoute celle liée à l’entrée de plus en plus tardive des jeunes sur le marché du travail. Ils commencent à travailler en moyenne à 22 ans alors qu’en 1936, plus de la moitié des jeunes hommes de 13 ans travaillaient. Depuis la seconde guerre mondiale, du fait de ce double mouvement, la vie active a été réduite de 8 ans.

Une nouvelle gestion des âges

Notre société devra s’adapter et prendre en compte la nouvelle gestion du temps qui s’impose à nous. La vie, autrefois, se découpait en trois parties de durée inégale. La première était consacrée à la formation ; elle s’achevait, en moyenne, vers dix huit ans avec le service national et le mariage, la seconde, la plus importante d’une durée d’au moins 40 ans était consacrée au travail, la dernière à la retraite atteignait une petite vingtaine d’années. Aujourd’hui, la période de formation court jusqu’à 24/25 ans ; le travail de 25 à 60 ans et la retraite de 60 à plus de 85 ans. Auparavant, trois générations au mieux cohabitaient ; désormais, elles sont au nombre de quatre.

S’il y avait en 1950, quatre actifs pour un retraité, il n’y en a plus que deux aujourd’hui et en 2040, il y aura un actif pour un retraité. Ces chiffres illustrent parfaitement que les choix effectués, en matière de retraite, il y a soixante ans doivent être reconsidérés.


Le quasi monopole de la répartition

Le premier régime de retraite français a été créé par Colbert sous Louis XIV au profit des mariniers. Il faudra attendre plus de trois cents ans pour généraliser l’assurance-vieillesse dans notre pays, trois cents ans de tergiversations, d’échecs, de lois inappliquées. A la différence de l’Allemagne qui dès 1875 sous l’impulsion de Bismarck a institué un régime général de retraite, la France devra attendre la fin de la seconde guerre mondiale pour faire de même.

En 1945, la France a opté pour un régime de retraite fondé sur la répartition, régime en vertu duquel les salariés acquièrent des droits en versant des cotisations assises sur les salaires ; cotisations qui servent à financer les pensions des retraités. Il s’agit d’un mécanisme de solidarité intergénérationnelle. Ce choix était alors logique. Il y avait peu de retraités, la forte croissance permettait le plein emploi et l’augmentation régulière des salaires garantissant un volume croissant de cotisations.

Le régime de retraite des salariés comporte deux étages, le régime général géré pour les salariés du secteur privé par la Caisse nationale d’assurance Vieillesse ; les régimes complémentaires avec l’Agirc pour les cadres et l’Arcco pour les non cadres. Ces deux étages reposent sur la répartition. Un dispositif de solidarité a été, par ailleurs, institué financé par l’Etat, le minimum vieillesse.

La faillite de rentiers durant la crise des années trente et la suspicion à l’encontre du capitalisme à la fin de la seconde guerre mondiale créaient un climat favorable à la répartition. Les secteurs ou les entreprises qui avaient avant les ordonnances de 1946 mis en œuvre des systèmes de retraite les ont conservé et sont, aujourd’hui, baptisés de régimes spéciaux. Il s’agit en particulier des régimes de la RATP, de La SNCF et d’EDF.

Les systèmes mixtes répartition/capitalisation, la règle au-delà de nos frontières

Nos partenaires ont préféré développer des systèmes mixtes reposant tout à la fois sur la répartition et sur la capitalisation qui permet de payer des pensions grâce aux produits d’un capital accumulé. Ce capital est constitué par le versement d’une partie de l’épargne des salariés et par des versements éventuels de la part des entreprises. La retraite par capitalisation peut prendre la forme de plan individuel d’épargne-retraite, produit présenté directement par les établissements financiers ou être proposé par des fonds de pension qui assurent la gestion des retraites pour une entreprise, un groupe d’entreprises, une administration ou une collectivité locale. Jusqu’à l’adoption de la loi Fillon en 2003, seuls les fonctionnaires avec la Préfon, les indépendants avec les contrats Madelin pouvaient, en France, accéder à des produits de retraite par capitalisation.

Que ce soit en Allemagne, au Royaume-Uni ou aux Etats-Unis, cohabitent un régime de base par répartition et des régimes complémentaires, souvent des régimes propres aux entreprises reposant sur la capitalisation.

La répartition a l’avantage de la simplicité, elle a l’inconvénient d’être sensible aux évolutions démographiques et salariales. La fin des périodes de forte croissance et du baby boom, l’allongement de la durée de la vie, le développement du chômage de masse et la stagnation des salaires remettent en cause son équilibre. Les systèmes par capitalisation le sont moins même si les entreprises américaines du fait de leurs engagements en matière de retraite doivent provisionner des sommes importantes. La forte croissance de l’économie, ces dernières années, joue en sa faveur. Il ne faut pas oublier que même en prenant en compte les krach, le placement actions est le plus rentable.

Les Français sont aujourd’hui favorables, à plus de 60 %, selon le sondage réalisé par l’Institut CSA pour le Cercle des Epargnants en mars 2007, à l’émergence d’un système mixte assis à la fois sur la répartition, gage de la solidarité nationale et sur la capitalisation jugée plus efficace.

Demain n’attend pas

Le besoin de financement des régimes des retraites devrait passer de 12 % à 18 % d’ici 2050. Cette augmentation ne prend pas en compte l’augmentation des dépenses de santé dont 50 % sont imputables aux personnes de plus de 60 ans ni celles liées à la dépendance. Le maintien des régimes spéciaux devrait coûter plus de 120 milliards d’euros.

Les mesures prises en 1993 et la loi Fillon en 2003 ne règlent que 40 % du problème. La période de cotisation est passée de 37,5 années à 40 ans, elle passera d’ici 2012 à 41 ans, puis certainement à 42 ans. Sans changer l’âge légal de départ à la retraite fixée à 60 ans, la France a admis que pour avoir une retraite à taux plein, il faut travailler bien au-delà de cette frontière psychologique. Par ailleurs, la pension du régime de base n’est plus calculée sur les dix meilleures années mais sur les vingt-cinq meilleures années. Enfin, les pensions ne sont plus indexées sur les salaires mais sur les prix. Les régimes complémentaires jouent sur le montant des cotisations et sur la valeur du point.

Le plan Fillon suppose que le taux de chômage revienne sous la barre de 4,5 % ; les cotisations d’assurance chômage étant reversées à l’assurance vieillesse.

En moyenne, d’ici 2020, le taux de remplacement, c'est-à-dire le montant de la pension versée lors de la cessation d’activité par rapport au dernier salaire perçu devrait diminuer de 10 points. Ce sont les cadres moyens et supérieurs qui seront les plus pénalisés avec une réduction pouvant atteindre 20 points.

Que faire ?

Avant de choisir une solution pour améliorer sa future retraite, il convient avant tout de réaliser un diagnostic sur ses revenus et son patrimoine. Un salarié d’un grand groupe de trente cinq ans, locataire de son appartement, n’est pas dans la même situation qu’un cadre de cinquante ans travaillant dans une PME de dix salariés et propriétaire de sa résidence principale. Pour établir ce diagnostic, il peut être utile d’être conseillé par son assureur ou par un expert indépendant. De nombreux sites Internet permettent de réaliser très rapidement des simulations sur le montant de sa future pension.

Quelles sont les solutions pour maintenir son taux de remplacement le plus élevé ?

Pour les salariés, il y a les produits d’épargne retraite collectifs proposés éventuellement par leur entreprise et les produits d’épargne retraite individuels.

Parmi les produits d’épargne collectifs, figurent l’article 83 (du Code général des impôts) et le Plan d’Epargne Retraite Collectif (le PERCO) créé par la loi Fillon de 2003.

L’article 83

L’article 83 peut concerner tous les salariés ou certaines catégories de salariés et fonctionne sous la forme d’un plan collectif dédié à la retraite. L’entreprise s’engage à verser un niveau de cotisations en pourcentage du salaire, versement qui peut être complété par ceux du salarié la sortie d’effectue sous forme de rente.

Le Plan d’Epargne Retraite Collectif

Le PERCO s’inscrit dans la lignée des produits d’épargne salariale, il nécessite qu’au préalable l’entreprise soit dotée d’un plan d’épargne entreprise. Il s’agit d’un produit facultatif avec une sortie en rente ou en capital. Les versements ne peuvent pas excéder 25 % de la rémunération du salarié ; l’entreprise peut compléter en versant un abondement. L’intéressement et la participation peuvent être affectés au PERCO. La rente n’est pas imposable. Il y a aussi la possibilité de transférer son PERCO d’un établissement à un autre.

Les PME d’un même bassin d’emploi ou d’un même secteur peuvent se réunir pour proposer en commun un Plan d’Epargne Retraite Collective Interentreprise à leurs salariés.

Trois autres produits peuvent être également proposés en entreprise : le Plan d’Epargne retraite entreprise qui greffe sur l’article 83 un PERP, l’article 82 et enfin l’article 39.

Les produits individuels, opter pour des produits adaptés en phase avec la croissance de l’économie mondiale

A défaut de produits proposés au sein de son entreprise ou pour les compléter, de nombreuses solutions dites individuelles existent.

Les Français privilégient des produits d’épargne traditionnels et surtout les placements en euros (monétaires ou obligataires) au détriment des placements en actions qui offrent pourtant de meilleurs rendements. Or, la retraite est un risque de long terme ; la période de cotisations peut durer vingt ans tout comme celle de versement de la rente. Il y a donc une logique à opter pour des placements actions.

Le Plan d’Epargne Retraite Populaire, le PERP

La loi Fillon a créé un produit destiné spécifiquement à la préparation de la retraite, le Plan d’Epargne Retraite Populaire, le PERP. Ouvert à tous, ce plan permet de se constituer, en toute sécurité un complément de retraite en déduisant de son impôt sur le revenu le montant de ses versements. Sa sortie s’effectue sous la forme d’une rente sauf pour ceux qui ne sont pas propriétaires de leur résidence principale au moment de la cessation d’activité. Ce produit fait l’objet de critiques injustes. Il est à recommander à tous les contribuables fortement imposés.

L’Assurance-Vie

L’assurance-vie, véritable couteau suisse de l’épargne française, constitue une autre solution. Elle offre l’avantage de préparer sa retraite tout en pouvant utiliser à sa guise le capital constitué. Avec plus de mille milliards d’euros d’encours, c’est le produit d’épargne préféré des Français.

Les intérêts et les plus values sont imposables au taux de 7,5 % après un abattement de 4600 euros par an pour un célibataire ou de 9200 euros pour un couple marié. La durée minimale du contrat est de huit ans mais des possibilités de rachat partiel sont possibles avant ce terme. Afin de bénéficier des meilleurs rendements possibles, il faut privilégier les contrats en unités de compte.

Le Plan d’Epargne en Actions

Le Plan d’Epargne en Actions n’est pas en soi un produit destiné à la retraite. Néanmoins, du fait de son régime fiscal avantageux, exonération des plus-values et des dividendes perçus au sein du plan, il constitue un placement à ne pas négliger. Compte tenu de son exposition au risque plus élevée, il constitue plus un moyen de diversification que la solution type pour préparer sa retraite. Son plafond est fixé à 132 000 euros.

L’immobilier, le refuge classique

51 % des Français sont propriétaires de leur résidence principale. Or, la quasi totalité aspire à l’être. Cet investissement répond plus à des arguments sociologiques ou psychologiques que rationnels. La possession d’un logement génère de la sécurité qui n’a pas de prix. Nicolas Sarkozy a promis de rendre déductible les intérêts des emprunts pris en vue de l’acquisition de sa résidence principale. Cette mesure devrait avoir un double effet : doper l’accession à la propriété et contribuer à la hausse des prix de l’immobilier.

L’investissement immobilier locatif qui a connu un essor avec l’adoption des lois Borloo doit être, en revanche, utilisé avec précaution compte tenu du niveau élevé des prix et des modifications très fréquentes de la législation en la matière.

Le rachat de trimestres
La loi Fillon a autorisé les salariés du secteur privé à racheter jusqu’à douze trimestres d’assurance-vieillesse afin de d’obtenir une retraite à taux plein. Ce dispositif permet de compenser des études longues ou des périodes de chômage, elle permet aussi de partir plus tôt à la retraite. Le montant des rachats est fonction de l’âge.

Sont en revanche à bannir, les produits d’épargne à court terme, comptes sur livret, qui ne peuvent en aucun contribuer à bien préparer sa future retraite. L’épargne retraite est un placement à long voire très long terme.

Les solutions pour les indépendants

Les Contrats Madelin

Ces contrats sont réservés aux travailleurs non salariés et non agricoles ainsi qu'à leur conjoint : il s'agit des professions libérales, des commerçants, des artisans et des dirigeants de société.

Les souscripteurs, moyennant le versement régulier d'une cotisation bénéficient lors de sa cessation d’activité d’une rente fixe jusqu'à leur décès. À la différence du PERP, les versements ne sont pas libres. Ils ont le choix comme pour tout produit d’assurance entre plusieurs types de supports : contrats en euros, contrats multi-supports ou gestion libre. Ils peuvent également opter pour une gestion dite évolutive qui permet de sécuriser progressivement l'épargne. La rente est soumise au régime fiscal des pensions retraites, soit une imposition après un abattement de 10 % à laquelle s'ajoutent les prélèvements sociaux. Les cotisations versées sont déductibles dans la limite de 10 % des bénéfices imposables réalisés jusqu’à hauteur de 8 fois le plafond annuel de la Sécurité sociale.

Par rapport au PERP, les indépendants titulaires de contrats Madelin bénéficient d'une possibilité de déduction supplémentaire : elle est égale à 15 % de la fraction de leur bénéfice, qui est comprise entre 1 fois et 8 fois le plafond annuel de la Sécurité sociale de 2005 (soit entre 30 192 € et 241 536 €).

Comme pour le PERP, une déduction minimale spécifique est appliquée pour les particuliers qui n'atteignent pas les seuils précédents. Leur cotisation est déductible à hauteur 10 % du plafond annuel de la Sécurité sociale.






Trois questions à Jean-Pierre Thomas, associé-gérant à la Banque Lazard, ancien député et auteur de la première loi sur les fonds de pension en France

Quatre ans après l’adoption de la loi Fillon sur les retraites, quel bilan en tirez vous ?

La loi Fillon a permis d’aligner le régime des fonctionnaires sur celui des salariés du régime général. Par ailleurs, elle a prévu de passer la période de cotisations de 40 à 41 ans puis certainement à 42 ans. En revanche, les régimes spéciaux n’ont pas été modifiés ni même l’âge légal de départ à la retraite au moment où les principaux partenaires de la France l’ont porté à 65 voire à 67 ans. De ce fait, la loi Fillon n’est qu’une étape dans la remise à plat indispensable de nos régimes de retraite afin d’en assurer la pérennité.

Sur l’épargne retraite ?

Le PERP avec plus de deux millions de souscripteurs et un encours de plus de 2,4 milliards d’euros rencontre un demi succès. Il a été mal distribué lors de son lancement. De nombreux épargnants ont ouvert un PERP sans bien prendre conscience de la spécificité de ce produit. Il en résulte de faibles cotisations qui ne pourront pas générer des rentes suffisantes d’ici une vingtaine d’années. Par ailleurs, le PERP est avant tout destiné aux contribuables qui se situent dans les tranches supérieures de l’impôt sur le revenu. En revanche, je constate que le PERCO est plébiscité par les salariés comme les employeurs. Il connaît un développement rapide depuis deux ans.

Quelles réformes préconisez-vous ?

En matière d’épargne retraite, la réforme a minima devrait consister à simplifier le PERP, à le libérer de son carcan réglementaire institué au nom de la légitime transparence mais qui aboutit à le rendre inintéressant tant pour les épargnants que pour le gestionnaire. Sinon, je suis favorable à une remise à plat de l’ensemble de l’épargne retraite en vue de constituer de véritables fonds de pension à la française intégrant un volet collectif et individuel avec également comme objectif l’irrigation en capitaux de nos entreprises. Enfin, les pouvoirs publics devront envoyer un signe envers les épargnants non imposables en instaurant un crédit d’impôt.

mardi 5 juin 2007

Retraite, le rendez-vous de 2008

A la fin du quinquennat, en 2012, le nombre de personnes de plus de soixante ans sera supérieur à celui des moins de vingt ans. Cet évènement sans précédent dans l’histoire démographique française est la marque d’une véritable révolution, l’allongement de la durée de la vie. Trop souvent, le débat public se limite à la question du papy-boom, miroir du baby boom, ou à la question du financement des retraites à venir ; or l’allongement de la vie a des conséquences sur l’ensemble de la société. Dans les prochains mois, les pouvoirs publics devront effectuer des choix pour rééquilibrer les comptes des régimes vieillesse, mais aussi pour améliorer les conditions de vie des retraités et faciliter la cohabitation d’un grand nombre de générations.

A la question des régimes spéciaux et à celle du rééquilibrage des régimes par répartition s’ajoutent celles liées à la dépendance et à l’emploi des seniors. Il y a aussi la question lancinante de l’irrigation de notre économie en capitaux.



Philippe Crevel







La révolution démographique au cœur du quinquennat

Sous Louis XV, l’espérance de vie ne dépassait pas 35 ans ; la moitié des enfants mourraient durant les premières années de leur vie. Aujourd’hui, l’espérance de vie atteint 77 ans pour les hommes et 83 ans pour les femmes. Chaque année, nous gagnons un trimestre sur la mort. De ce fait, plus de la moitié des jeunes filles qui naissent cette année vivront jusqu’en 2107.

Jusque dans les années soixante-dix, la vie humaine se distribuait en trois périodes de durée inégale, la période de la formation, d’une vingtaine d’années au maximum, qui s’achevait pour les hommes par le service militaire ou par le mariage - la période dévolue au travail qui s’étirait sur quarante ans - puis enfin la retraite, réduite à une petite dizaine d’années. Ce schéma appartient, depuis vingt ans, au passé. Le temps de la formation s’allonge pour tous les jeunes quelle que soit leur origine sociale ; la crise économique les ayant incités à retarder leur entrée dans le monde professionnel. Pour mémoire, en 1936, plus de la moitié des jeunes hommes de 13 ans travaillaient. L’instauration de la retraite à 60 ans et le développement des préretraites à 55 ans, voire avant, ont conduit à raccourcir également la vie active. En 50 ans, elle s’est réduite de 8 ans. La durée de la retraite, sous le double effet de l’allongement de la durée de la vie et de la cessation précoce de l’activité professionnelle, a doublé. De ce fait, si en 1950, la durée de la retraite était, en moyenne, de dix ans, une personne de 37 ans, en 2007, a toutes les chances de connaître une retraite de plus de 23 ans.

Trop souvent, notre regard sur l’avenir des retraites reste fixé sur la ligne bleue du taux de fécondité ; or les incidences de l’évolution de ce dernier qui restent minimes en France sont marginales face au défi du vieillissement de la population. En effet, malgré un taux de fécondité proche du taux de renouvellement des générations, la part des personnes de plus de soixante ans au sein de la population augmentera rapidement pendant les quarante prochaines années. Même la survenue d’un nouveau baby boom ne changerait que faiblement la donne. Seule l’arrivée massive de jeunes actifs issus de l’immigration pourrait modifier la pyramide des âges qui ressemble de plus en plus à une grosse bonbonne.

La situation française diffère de celle qui prévaut en Allemagne ou en Italie, pays qui enregistrent des taux de fécondité de moins d’1,5 pour mille. La population française continuera de croître jusqu’en 2050 ; elle devrait alors atteindre selon l’INSEE, 70 millions d’habitants.

Le problème ne concerne pas que les pays occidentaux. Ainsi, "La Chine va devenir vieille avant d’être riche, au contraire des pays industrialisés » indique un spécialiste de la question, Stuart Leckie, président d’une société de gestion de fonds de Hong-Kong, Stirling Finance. ."Les plus de 60 ans représentaient 13% de la population en 2005, selon des estimations officielles, soit près de 170 millions de personnes. L’allongement rapide de l’espérance de vie (de 49 ans en 1949 à 71,4 en 2005) couplé à la politique de l’enfant unique et un taux de fertilité tombé à moins de 1,7 expliquent cette situation explosive.

Pour un redécoupage de la vie

Le problème du financement de la retraite n’est donc qu’un des aspects de la mutation que nous allons connaître dans les quarante prochaines années. Une nouvelle gestion des âges s’impose de gré ou de force à nous. La France n’est pas tout à fait consciente de l’ampleur de cette mutation.

Pouvons-nous conserver la frontière des 60 ans quand nos partenaires la reculent au-delà de 65 ans ? Que signifie cette frontière quand elle correspond au deux tiers de la vie humaine ? Pouvons-nous nous satisfaire tant sur un plan individuel que collectif de réduire la vie active à une trentaine d’années soit moins de la moitié de l’espérance de vie moyenne des Français, d’autant plus que les dépenses de santé, les dépenses liées à la dépendance et les dépenses de formation augmenteront ? Il y a des choix de société à opérer, choix qui ne sont pas sans incidence sur notre future croissance. La nouvelle gestion des âges de la vie devrait sans nul doute autoriser un panachage des périodes de formation, de travail ou consacrées à la réalisation de projets personnels. Une vie étirée sur quatre-vingt ans ne peut pas se dérouler comme une vie de cinquante ou de soixante ans.

Vers des familles à quatre générations mais à géométrie variable !

La société a été longtemps un assemblage de trois grandes générations, les petits-enfants, les parents et les grands-parents. Les deux guerres mondiales et les accidents de la vie (automobile, accidents du travail) avaient même au cours du vingtième siècle pour conséquence de restreindre les parentèles à deux niveaux. Au vingt-et-unième siècle, sauf catastrophe, quatre générations seront amenées à cohabiter. Une telle évolution n’est pas sans incidence sur l’organisation des solidarités. La canicule du mois d’août 2003 a démontré tristement que de nombreuses personnes de plus de quatre-vingt ans vivaient coupées du monde. La solitude a été la principale cause de mortalité durant cet été. Dans une société de plus en plus mobile dans laquelle plus d’un mariage sur trois se termine par un divorce, il y a de nouveaux liens sociaux à développer. Entre un adolescent de treize ans et son arrière grand-mère de plus de quatre-vingt-cinq ans dont les enfants et petits enfants auront peut-être divorcé, les relations ne sont pas naturelles. Les familles décomposées et recomposées n’obéissent plus aux vielles solidarités liées à la transmission du capital. Désormais, les enfants héritent à l’âge de la retraite et non plus au cœur de l’âge actif. L’héritage est donc déconnecté de la vie professionnelle ; il devient un élément constitutif de la retraite. Faciliter la donation devient un élément fondamental de la mobilité du capital. La France aurait également tout à gagner à mettre en place une législation favorable au trustee permettant le transfert d’un patrimoine à un tiers, en franchise fiscale, le temps de régler les problèmes familiaux ou lorsque les héritiers ne peuvent ou ne veulent pas assurer sa pérennité et son développement.

Améliorer les petites pensions !

Le nouveau Président s’est engagé à revaloriser les petites pensions comme d’ailleurs l’ensemble des autres candidats. Nul ne pourrait leur reprocher cette promesse qui reçoit l’approbation de 94 % des Français selon le sondage réalisé par l’institut CSA à la demande du Cercle des Épargnants au mois de février 2007. Il faut, en outre souligner que contrairement à certaines idées reçues le montant des pensions reste en France inférieur aux montants des salaires. Ainsi, la pension moyenne d’un homme s’élève à 1455 euros et à 822 euros pour une femme. A ce titre, il faut noter que le prix moyen d’hébergement en maison de retraite avoisine 1500 euros.

Néanmoins, de réels progrès ont été accomplis depuis quarante ans. Ainsi, si en 1970, 27 % des retraités vivaient en dessous du seuil de pauvreté, ils ne sont en 2006 que 4 % selon les statistiques de l’INSEE. Le nombre de personnes bénéficiant du minimum vieillesse est passé de 2,5 millions en 1959 à 600 000 en 2005. Le taux de remplacement pour les salaires modestes est, en France, un des meilleurs de l’OCDE.

Il y a urgence !

Dans les prochaines années, le besoin de financement des seules retraites s’accroîtra irrémédiablement. Aujourd’hui, il représente de 12 à 13 % du PIB ; il devrait d’ici 2050 atteindre 18 % du PIB. Ce calcul ne prend pas en compte la progression des dépenses de santé dont 50 % sont imputables aux personnes de plus de 60 ans. Il faudra trouver pour les seuls régimes spéciaux environ 120 milliards d’euros.

S’ils sont favorables à des mesures de solidarité et à un relatif statu quo, les Français sont de plus en plus inquiets pour l’avenir de leurs pensions (64 % en 2007 contre 61 % en 2006). Ce sont les jeunes actifs et les salariés modestes qui sont les plus angoissés. Pour régler le problème des retraites, les actifs s’en remettent à l’État et à la Sécurité sociale pour 56 % d’entre eux tout en acceptant l’idée d’un système mixte, répartition/capitalisation.

Demain n’attend pas !

Depuis deux ans, la Caisse nationale d’assurance vieillesse ainsi que les deux grands régimes complémentaires que sont l’AGIRC et l’ARRCO enregistrent des déficits. Cette dégradation des comptes est imputable à la cessation d’activité de nombreux salariés de moins de 60 ans ayant cotisé durant 40 ans. Cette disposition de solidarité s’avère pernicieuse car elle conforte l’idée que le départ précoce en retraite est un acquis. Elle ne contribue pas à la remontée du taux d’emploi des 55/65 ans qui est en France un des plus faibles de l’OCDE ; le taux est de 36 % contre au moins 50 % chez nos principaux partenaires. Sur ce sujet, il y a un véritable travail de pédagogie à mener afin que les employeurs et les salariés changent d’attitude. En effet, près de 60 % des Français sont opposés au recul de l’âge légal de départ en retraite à 65 ans quand le Bundestag allemand a adopté un projet de loi le portant à 67 ans.

Le problème n’est pas qu’économique. Le salarié âgé est réputé coûter cher et moins rentable, ce qui reste à démontrer. Le problème est avant tout sociologique. Durant des années, les gouvernements ont tenté de régler le problème du chômage en multipliant les préretraites et en donnant la priorité à l’emploi des jeunes. Cette politique qui a été inefficace en matière de lutte contre le chômage a contribué à discréditer le travail des seniors. L’échec de la taxe Delalande qui visait à pénaliser les entreprises licenciant les salariés de plus de 55 ans a démontré que l’activisme en la matière n’est pas toujours récompensé. Un effort doit être entrepris pour diminuer le coût du travail et pour favoriser l’essaimage à travers le développement des métiers de consultants. Il faut surtout favoriser la retraite à la carte avec des départs progressifs.

« La réforme, toujours…. »

Avec la loi Fillon, la moitié du chemin a été effectuée. L’objectif de l’ancien Ministre des Affaires sociales, devenu Premier Ministre, n’était pas de régler d’un coup de baguette l’ensemble du problème des retraites mais de lancer un processus permettant d’ajuster au fur et à mesure les recettes aux dépenses. Le rendez-vous de 2008 s’inscrit dans ce cadre. Seuls pour le moment les régimes spéciaux échappent au processus d’harmonisation engagé en 2003. La solution qui a été privilégiée par les Gouvernements de Jean-Pierre Raffarin et de Dominique de Villepin a été de transférer la charge des régimes spéciaux au régime général avec le cas échéant le paiement d’une soulte à l’État de la part de l’entreprise concernée. In fine, le contribuable national sera amené à financer les régimes spéciaux qui en plus des conditions exorbitantes du droit commun qu’ils offrent à leurs bénéficiaires connaissent de forts déséquilibres démographiques.

Pour en finir avec les régimes spéciaux, créons un régime exceptionnel

Il est à noter que 71 % des Français sont favorables à une suppression des régimes spéciaux et cela quelles que soient leurs sympathies politiques. Néanmoins, les capacités de blocage des professions concernées constituent un frein à l’engagement de réformes en la matière.

L’instauration d’un système à deux vitesses entre le maintien des droits pour les anciens salariés et l’harmonisation pour les nouveaux entrants constitue une solution mais dont les effets ne seront que très progressifs.

L’autre solution serait d’inciter les salariés bénéficiant d’un régime spécial de rentrer dans le régime de droit commun. Un dispositif d’option pourrait être institué ; les salariés, acceptant l’harmonisation, pourraient bénéficier d’un supplément de retraite par capitalisation avec un abondement majoré de la part de l’employeur.

Des habits neufs pour l’épargne retraite ?

Si l’instauration d’un système mixte est admise, les mots « fonds de pension » sont toujours bannis du langage politique. La loi Fillon, en 2003, avait, à ce titre, pris le soin de contourner le problème en créant deux produits dénommés Plan d’Épargne Retraite Populaire et Plan Épargne Retraite Collective, le premier appartenant à la famille des produits d’assurance individuelle et le second obéissant aux règles de l’épargne salariale. Pour éviter la création de véritables fonds dotés de la personnalité morale, le Gouvernement a choisi de recourir, en ce qui concerne le produit individuel, à des structures associatives, les Groupements d’Épargne Retraite Populaire. Ces associations assurent des fonctions de contrôle et de surveillance. La création des GERP est une source de complexité et de surcoûts ; rares sont ceux qui remplissent comme le Cercle des Épargnants leurs missions.

La montée en puissance du PERCO est progressive et conforme aux prévisions, celle du PERP est en demi-teinte. S’il a été souscrit par plus de deux millions de Français depuis sa création, l’encours reste modeste et surtout le nombre des nouveaux titulaires se réduit d’une année sur l’autre. Ces résultats, en phase avec ceux enregistrés lors de la création des contrats Madelin il y a une dizaine d’années, sont néanmoins décevants au regard des espoirs que ce produit avait généré lors de son lancement. Du fait d’une moindre communication des banques et des assurances, la notoriété du PERP a baissé selon le sondage Cercle des Épargnants/CSA de 42 à 34 % de 2006 à 2007. De même, l’intention de souscrire un PERP s’élevait au mois de février 2007 à 9 % contre 13 % un an plus tôt. Il souffre d’un désamour, en grande partie injuste, lié à un excès de contraintes.

A la question quel est le point fort du PERP, la réponse « la sortie en rente » arrive en tête. A la question, quelle caractéristique du PERP devrait être, en priorité, réformée, la réponse est « la sortie en rente ». Les Français seraient-ils schizophrènes ou normands ? Si les Français admettent le principe de la rente pour un produit retraite, ils veulent aussi avoir la possibilité de sortir en capital. Certes, le législateur autorise désormais pour le PERP une sortie en capital au moment de la cessation d’activité pour ceux qui souhaitent acquérir leur résidence principale, mais cette ouverture est encore trop modeste.

Comme pour le PERCO, il faudrait instituer une réelle option de sortie en capital. Il conviendrait également de pouvoir associer le PERP à la dépendance. Ainsi, les titulaires de ce produit pourraient déduire de leurs impôts, une partie de leurs cotisations à un produit d’assurance dépendance. En effet, l’autre grand enjeu du vieillissement de la population est la gestion de l’épineux dossier de la dépendance.

Le désintérêt des Français vis-à-vis du PERP s’explique également par leur souhait de bénéficier d’un produit d’épargne retraite mis en œuvre par leur entreprise. Ce désir pose le problème de la généralisation du PERCO dans les PME. La loi sur le développement de la participation et de l’épargne salariale de 2006 encourage la diffusion de ce produit au sein des petites structures. Il n’en demeure pas moins que la complexité de gestion d’un PEE ou d’un PERCO et les coûts qu’ils génèrent rendent sa diffusion difficile au sein des petites structures.

Le rendez-vous de 2008 conditionnera le paysage de l’épargne retraite de la prochaine décennie. Des fondations ont été posées avec la loi Fillon, il convient désormais de bâtir un système réellement populaire capable d’attirer les salariés et d’offrir de véritables compléments de revenus.

Retraite et Présidentielle, un mauvais couple

La présidentielle et la question des retraites"
Quel est l’enjeu électoral dans les retraites?
Bilan comparatif des principaux candidats en matière des retraites et de
l'épargne retraite.

La société française face à l’étirement de la vie



« Tout le monde voudrait vivre longtemps, mais personne ne voudrait être vieux »
Jonathan Swift

A la fin du quinquennat, en 2012, le nombre de personnes de plus de soixante ans sera supérieur à celui des moins de vingt ans. Cet évènement sans précédent dans l’histoire démographique française est la marque d’une véritable révolution, l’allongement de la durée de la vie. Trop souvent, le débat public se limite à la question du papy-boom, miroir du baby boom, ou à la question du financement des retraites à venir ; or l’allongement de la vie a des conséquences sur l’ensemble de la société. Face à cette mutation, force est de constater que les candidats à l’élection présidentielle restent prudents voire silencieux. Il est, certes, difficile dans le cadre d’une campagne électorale propice aux promesses, de s’exprimer de manière raisonnée sur l’adaptation de nos structures pour gérer au mieux la cohabitation d’un nombre important de générations.


La révolution démographique au cœur du prochain quinquennat

Sous Louis XV, l’espérance de vie ne dépassait pas 35 ans ; la moitié des enfants mourraient durant les premières années de leur vie. Aujourd’hui, l’espérance de vie atteint 77 ans pour les hommes et 83 ans pour les femmes. Chaque année, nous gagnons un trimestre sur la mort. De ce fait, plus de la moitié des jeunes filles qui naissent cette année vivront jusqu’en 2107.

Jusque dans les années soixante-dix, la vie humaine se distribuait en trois périodes de durée inégale, la période de la formation, d’une vingtaine d’années au maximum, qui s’achevait pour les hommes par le service militaire ou par le mariage - la période dévolue au travail qui s’étirait sur quarante ans - puis enfin la retraite, réduite à une petite dizaine d’années. Ce schéma appartient, depuis vingt ans, au passé. Le temps de la formation s’allonge pour tous les jeunes quelle que soit leur origine sociale ; la crise économique les ayant incités à retarder leur entrée dans le monde professionnel. Pour mémoire, en 1936, plus de la moitié des jeunes hommes de 13 ans travaillaient. L’instauration de la retraite à 60 ans et le développement des préretraites à 55 ans, voire avant, ont conduit à raccourcir également la vie active. En 50 ans, elle s’est réduite de 8 ans. La durée de la retraite, sous le double effet de l’allongement de la durée de la vie et de la cessation précoce de l’activité professionnelle, a doublé. De ce fait, si en 1950, la durée de la retraite était, en moyenne, de dix ans, une personne de 37 ans, en 2007, a toutes les chances de connaître une retraite de plus de 23 ans.

Trop souvent, notre regard sur l’avenir des retraites reste fixé sur la ligne bleue du taux de fécondité ; or les incidences de l’évolution de ce dernier qui restent minimes en France sont marginales face au défi du vieillissement de la population. En effet, malgré un taux de fécondité proche du taux de renouvellement des générations, la part des personnes de plus de soixante ans au sein de la population augmentera rapidement pendant les quarante prochaines années. Même la survenue d’un nouveau baby boom ne changerait que faiblement la donne. Seule l’arrivée massive de jeunes actifs issus de l’immigration pourrait modifier la pyramide des âges qui ressemble de plus en plus à une grosse bonbonne. La situation française diffère de celle qui prévaut en Allemagne ou en Italie qui enregistrent des taux de fécondité de moins d’1,5 pour mille. La population française continuera de croître jusqu’en 2050 ; elle devrait alors atteindre selon l’INSEE, 70 millions d’habitants.

Pour un redécoupage de la vie

Le problème du financement de la retraite n’est donc qu’un des aspects de la mutation que nous allons connaître dans les quarante prochaines années. Une nouvelle gestion des âges s’impose de gré ou de force à nous. La France n’est pas tout à fait consciente de l’ampleur de cette mutation.

Des questions restent, dans cette campagne électorale, sans réponse. Pouvons-nous conserver la frontière des 60 ans quand nos partenaires la reculent au-delà de 65 ans ? Que signifie cette frontière quand elle correspond au deux tiers de la vie humaine ? Pouvons-nous nous satisfaire tant sur un plan individuel que collectif de réduire la vie active à une trentaine d’années soit moins de la moitié de l’espérance de vie moyenne des Français d’autant plus que les dépenses de santé, les dépenses liées à la dépendance et les dépenses de formation augmenteront ? Il y a des choix de société à opérer, choix qui ne sont pas sans incidence sur notre future croissance. La nouvelle gestion des âges de la vie devrait sans nul doute autoriser un panachage des périodes de formation, de travail ou consacrées à la réalisation de projets personnels. Une vie étirée sur quatre-vingt ans ne peut pas se dérouler comme une vie de cinquante ou de soixante ans.

La cohabitation des générations

La société a été longtemps un assemblage de trois grandes générations, les petits-enfants, les parents et les grands parents. Les deux guerres mondiales et les accidents de la vie (automobile, accidents du travail) avaient même au cours du vingtième siècle pour conséquence de restreindre les parentèles à deux niveaux. Au vingt-et-unième siècle, sauf catastrophe, quatre générations seront amenées à cohabiter. Une telle évolution n’est pas sans incidence sur l’organisation des solidarités. La canicule du mois d’août 2003 a démontré tristement que de nombreuses personnes de plus de quatre-vingt ans vivaient coupées du monde. La solitude a été la principale cause de mortalité durant cet été. Dans une société de plus en plus mobile dans laquelle plus d’un mariage sur trois se termine par un divorce, il y a de nouveaux liens sociaux à développer. Entre un adolescent de treize ans et son arrière grand-mère de plus de quatre-vingt cinq ans dont les enfants et petits enfants auront peut-être divorcé, les relations ne sont pas naturelles.



Des Français en attente de réponses de la part des candidats

Selon un sondage réalisé au mois de février par l’institut CSA pour le compte du Cercle des Epargnants, 63 % des Français considèrent que les candidats à l’élection présidentielle traitent, de manière insuffisante, la question des retraites. L’attente est plus forte que pour les autres grands thèmes que sont l’emploi, la protection sociale ou la fiscalité. Ils sont, en revanche schizophrènes sur leurs attentes. Ils veulent plus de solidarité, plus de liberté mais sans l’instauration de nouvelles contraintes.

C’est certainement conscient de cette situation que les candidats à l’élection présidentielle ont occulté le débat de fond en optant pour des mesures plus catégorielles. Dans leur quasi-totalité, ils se sont prononcés pour une revalorisation des petites pensions. Nul ne pourrait leur reprocher cette promesse qui reçoit l’approbation de 94 % des Français selon le sondage réalisé par l’institut CSA à la demande du Cercle des Epargnants au mois de février 2007. Est-elle raisonnable et indispensable ? Bien évidemment, il y a encore trop de personnes âgées qui vivent de manière précaire mais il faut souligner que si, en 1970, 27 % des retraités vivaient en-dessous du seuil de pauvreté, ils ne sont en 2006 que 4 % selon les statistiques de l’INSEE. Le nombre de personnes bénéficiant du minimum vieillesse est passé de 2,5 millions en 1959 à 600 000 en 2005. Le taux de remplacement pour les salaires modestes est, en France, un des meilleurs de l’OCDE. Si la revalorisation des petites pensions constitue une avancée sociale, rien ou presque n’est dit sur les moyens de financer cette mesure, rien n’est dit sur la manière de garantir dans la durée ce progrès. Cette mesure ponctuelle risque un peu plus de dégrader les finances publiques sans régler les problèmes structurels auxquels sont confrontés tous les régimes d’assurance vieillesse.

Demain n’attend pas !

Depuis deux ans, la Caisse nationale d’assurance vieillesse ainsi que les deux grands régimes complémentaires que sont l’AGIRC et l’ARRCO enregistrent des déficits. Cette dégradation des comptes est imputable à la cessation d’activité de nombreux salariés de moins de 60 ans ayant cotisé durant 40 ans. Cette disposition de solidarité s’avère pernicieuse car elle conforte l’idée que le départ précoce en retraite est un acquis. Elle ne contribue pas à la remontée du taux d’emploi des 55/65 ans qui est en France un des plus faibles de l’OCDE. Sur ce sujet, il y a un véritable travail de pédagogie à mener afin que les employeurs et les salariés changent d’attitude. En effet, près de 60 % des Français sont opposés au recul de l’âge légal de départ à retraite à 65 ans quand le Bundestag allemand a adopté un projet de loi le portant à 67 ans.

Dans les prochaines années, le besoin de financement des seules retraites s’accroîtra irrémédiablement. Aujourd’hui, il représente de 12 à 13 % du PIB ; il devrait d’ici 2050 atteindre 18 % du PIB. Ce calcul ne prend pas en compte la progression des dépenses de santé dont 50 % sont imputables aux personnes de plus de 60 ans. Il faudra trouver pour les seuls régimes spéciaux environ 120 milliards d’euros.



« Que faire ? »

Si au début de la campagne, le parti socialiste avait évoqué clairement son intention d’abroger la loi Fillon, la candidate Ségolène Royal se montre prudente sur le sujet en renvoyant la question à la négociation. 36 % seulement des Français sont pour l’abrogation de cette loi prouvant ainsi qu’ils sont sans illusion sur le retour aux règles en vigueur avant 1993.

La loi Fillon n’a réglé que 40 % à 50 % du problème tout en sachant que les hypothèses d’emploi retenues, un taux de chômage de 4,5 %, sont particulièrement optimistes. Il y aura donc pour le nouveau Président des choix à arbitrer. Sur ce sujet, les propositions des candidats diffèrent à la marge. Si Nicolas Sarkozy a déclaré son intention d’harmoniser les régimes spéciaux, il n’a pas précisé la méthode. Il est à noter que 71 % des Français sont favorables à une suppression des régimes sociaux et cela quelles que soient leurs sympathies politiques. François Bayrou souhaite également la banalisation des régimes spéciaux mais dans le cadre d’une réforme globale et d’un basculement du régime général vers un régime à point tel qu’il existe actuellement pour les régimes complémentaires. Les régimes par point sont actuariellement neutres et permettent un équilibre individuel, cotisations perçues par rapport aux prestations versées, mais ne définissent en aucun cas un équilibre collectif et ne sauraient en soi garantir le pouvoir d’achat des futurs retraités.

Ségolène Royal reste évasive dans ses déclarations sur le sujet tout en mentionnant sa volonté de prendre en compte la pénibilité du travail pour la fixation des conditions de départ à la retraite. Cette dernière proposition reçoit l’accord de 87 % des Français. Elle renvoie le sujet des retraites à la négociation qu’elle entend initier entre les partenaires sociaux.

Les propositions des différents candidats sont en phase avec les attentes des électeurs qui ne souhaitent pas de remise en cause violente de leur système de retraite. S’ils sont favorables à des mesures de solidarité et à un relatif statuquo, ils sont de plus en plus inquiets pour l’avenir de leurs pensions (64 % en 2007 contre 61 % en 2006). Ce sont les jeunes actifs et les salariés modestes qui sont les plus angoissés. Pour régler le problème des retraites, les actifs s’en remettent à l’Etat et à la Sécurité sociale pour 56 % d’entre eux tout en acceptant l’idée d’un système mixte, répartition/capitalisation.

Des habits neufs pour l’épargne retraite ?

Si l’instauration d’un système mixte est admise, les mots « fonds de pension » sont toujours bannis du langage politique. La loi Fillon, en 2003, avait, à ce titre, pris le soin de contourner le problème en créant deux produits dénommés Plan d’Epargne Retraite Populaire et Plan d’Epargne Retraite Collective, le premier appartenant à la famille des produits d’assurance individuelle et le second obéissant aux règles de l’épargne salariale. Pour éviter la création de véritables fonds dotés de la personnalité morale, le Gouvernement a choisi de recourir, en ce qui concerne le produit individuel, à des structures associatives, les Groupements d’Epargne Retraite Populaire. Ces associations qui assurent des fonctions de contrôle et de surveillance. La création des GERP est une source de complexité et de surcoûts ; rares sont ceux qui remplissent comme le Cercle des Epargnants leurs missions.

Si la montée en puissance du PERCO est progressive et conforme aux prévisions, celle du PERP est en demi-teinte. S’il a été souscrit par plus de deux millions de Français depuis sa création, l’encours reste modeste et surtout le nombre des nouveaux titulaires se réduit d’une année sur l’autre. Si ces résultats sont en phase avec ceux enregistrés lors de la création des contrats Madelin il y a une dizaine d’années, ils sont néanmoins décevants au regard des espoirs que ce produit avait généré lors de son lancement. Du fait d’une moindre communication des banques et des assurances, la notoriété du PERP a baissé selon le sondage Cercle des Epargnants/CSA de 42 à 34 % de 2006 à 2007. De même, l’intention de souscrire un PERP s’élevait au mois de février 2007 à 9 % contre 13 % un an plus tôt. Il souffre d’un désamour, en grande partie injuste, lié à un excès de contraintes. Si les Français admettent le principe de la rente pour un produit retraite, ils veulent aussi avoir la possibilité de sortir en capital. Certes, le législateur autorise désormais pour le PERP une sortie en capital au moment de la cessation d’activité pour ceux qui souhaitent acquérir leur résidence principale, mais cette ouverture est encore trop modeste.

Comme pour le PERCO, il faudrait instituer une réelle option de sortie en capital. Il conviendrait également de pouvoir associer le PERP à la dépendance. Ainsi, les titulaires de ce produit pourraient déduire de leurs impôts, une partie de leurs cotisations à un produit d’assurance dépendance. En effet, l’autre grand enjeu du vieillissement de la population est la gestion de l’épineux dossier de la dépendance.

Le désintérêt des Français vis-à-vis du PERP s’explique également par leur souhait de bénéficier d’un produit d’épargne retraite mis en œuvre par leur entreprise. Ce désir pose le problème de la généralisation du PERCO dans les PME. La loi sur le développement de la participation et de l’épargne salariale de 2006 encourage la diffusion de ce produit au sein des petites structures. Il n’en demeure pas moins que la complexité de gestion d’un PEE ou d’un PERCO et les coûts qu’ils génèrent rendent sa diffusion difficile au sein des petites structures.
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Le temps électoral est celui des passions, des humeurs ; après l’été, une autre période commencera, de nouvelles équipes auront la lourde charge de préparer le rendez-vous de 2008 prévu par la loi Fillon et de prendre les mesures nécessaires pour garantir la pérennité de notre système de retraite. Le catastrophisme n’est certes pas de rigueur ; il n’y a pas de péril en la demeure ; simplement le nouveau Gouvernement devra fixer les règles du jeux, décider ce qui relève ou non de la solidarité nationale et comment gérer non pas le vieillissement de la population mais l’étirement de la vie.

Philippe Crevel
Secrétaire général du Cercle des Epargnants