jeudi 24 novembre 2011
Face à la défiance, refonder les sources de financement de l'économie
Les crises bancaires sont toujours délicates à gérer car elles concernent le moteur même de l’économie. Le système bancaire repose sur un facteur très fragile, difficilement quantifiable, la confiance. Donner son argent à une banque afin qu’elle le conserve en sécurité et qu’elle le gère en contrepartie de quoi elle peut prêter en ayant recours à l’effet de levier. La banque est à la source du processus de création de valeur en amplifiant la richesse qui est déposée sur les comptes. Qu’un grippage intervienne dans les mécanismes bancaires du fait d’un étiolement de la confiance, c’est l’ensemble de l’économie qui est menacé de paralysie. Or, depuis 2008, la confiance est entamée. Les subprimes et leur diffusion à l’ensemble des produits financiers ont entraîné une contagion du doute au point que les banques ne se font plus confiance. Le système bancaire repose en grande partie sur les relations interbancaires, relations indispensables pour assurer la liquidité et la compensation. Depuis 2008, les banques et plus globalement les entreprises financières privilégient la relation directe avec les banques centrales au détriment des relations internes à la sphère financière.
Le blocage des relations bancaires explique l’arrêt net de l’économie en 2009, le recul du commerce mondial et la dégradation rapide de l’emploi. Les plans mis en œuvre depuis plus de deux ans ont réussi par injection de liquidités à déstresser l’ensemble des relations bancaires sans pour autant réinstaurer un réel climat de confiance.
En effet, des doutes subsistent sur la qualité des bilans des banques, sur le volume des créances douteuses présentes dans les coffres. Depuis 2010, la question de la dette souveraine est venue casser la frêle confiance qui s’était créée. Jusqu’à ces derniers mois, la règle voulait même si elle était largement contredite par l’histoire qu’un Etat ne faisait pas faillite. Désormais, avec l’abandon de 50 % de la dette grecque, cette règle est caduque avec conséquence que les banques fortement exposées en matière de dettes publiques à risque sont des brebis galeuses.
La chasse aux valeurs sûres, la recherche de liquidités sont devenues les sports préférés des institutions financières. La forte répulsion aux risques des vieux pays occidentaux s’accroit de jour en jour au point de plonger l’économie de nombreux pays en atonie. Le rendement n’est plus le point clef en matière de placement, c’est la garantie du capital qui compte. Ce comportement de risque zéro qui correspond au principe de précaution en matière de développement durable est extrêmement pervers. La politique des taux d’intérêt faibles pratiquée par les banques centrales depuis dix ans a, tout à la fois, généré des comportements spéculatifs pervers avec les bulles Internet ou immobilière, elle a favorisé le recours massif à l’endettement privé et public au point de rendre insolvable les Etats. Elle a surtout concouru ce au recul de l’investissement productif. La frénésie du court terme a tué le long terme. Pourquoi prêter à risque à 10 ou 15 ans quand il est possible d’avoir un rendement assez proche et sans risque à court terme ?
Les entreprises françaises qui à la différence des entreprises anglo-saxonnes se financent essentiellement sous forme de crédits bancaires sont très sensibles à la politique des banques en la matière. Les PME sont évidemment les premiers concernées. Le recul de l’investissement au mois de septembre 2011 confirme cette sensibilité au-delà du contexte économique dégradé.
Au minimum, chaque année, 10 % des entreprises françaises seraient rationnées en termes de crédit contre 2,5 % aux Etats-Unis. Du fait du risque de rationnement bancaire, les PME sont contraintes de conserver un volant plus important de trésorerie, 5 % du bilan en moyenne contre 2 % en Allemagne.
Du fait d’un problème d’accès au crédit, les PME françaises pour se développer s’adossent à des groupes de taille supérieure. 35 % des PME étaient adossées à un groupe en 1999, 44 % en 2004. Les PME adossées représentent plus de 60 % des effectifs salariés et de la valeur ajoutée des PME. Les dirigeants de PME préfèrent la cession à l’ouverture de leur capital. Le manichéisme est de rigueur, être totalement chez soi ou vendre. La fiscalité et les règles comptables favorisent ce type de comportement. L’adossement est souvent perçu de manière négative. Ce jugement n’est pas confirmé par les résultats. Les 5 % des PME ayant connu la plus forte croissance sont à 78 % des filiales de grands groupes. L’adossement apparaît comme une solution pour les PME de moins de 50 salariés. Le taux de croissance est de 8 à 14 % en rythme annuel de 1985 à 2010 contre 1 % sans adossement. Cette situation nous distingue des pays anglo-saxons.
Néanmoins, si dans le passé, la voie de l’adossement permettait de contourner les freins au développement et les blocages bancaires. Il n’est pas obligatoirement la meilleure solution pour la nouvelle décennie. L’accès aux crédits bancaires sera défavorable pour tous les acteurs. Le recours au marché sous forme d’obligations ou d’ouverture du capital constitue un des moyens à étudier. Certes, compte tenu de la difficulté d’accéder aux marchés financiers, le regroupement autour des grandes entreprises pourrait s’accélérer au détriment de notre tissu de PME. L’autre voie sera de faciliter l’accès directs des PME aux marchés financiers. Alternext qui a remplacé le nouveau marché reste encore de taille modeste et ne joue pas son rôle dans le financement des PME ; de même, les business angels sont en nombre trop réduit, autour de 4000. Le capital risque et le fonds d’investissement spécialisé dans les PME sont essentiellement des niches fiscales. Notre industrie financière, à l’image de notre pays, est orientée vers les pouvoirs publics et vers les grandes entreprises. Le private equity est embryonnaire. La crise que nous connaissons depuis 2008 devrait inciter à revoir les modes de financement et rapprocher l’épargne des investissements productifs en simplifiant les circuits, les régimes juridiques et fiscaux.
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