Pour une sécurité sociale européenne
Le 25 mai prochain auront lieu, en France, les élections
européennes. L’Europe a mauvaise presse car elle a été, au fil des années, transformée
en bouc émissaire. Les gouvernements se sont cachés derrière l’Europe pour
imposer à leurs concitoyens des réformes impopulaires. La rigueur, les
prélèvements sociaux en hausse, le taux de change de l’euro trop élevé, la
réglementation européenne, les reproches ne manquent pas. Il est si facile de
penser que si l’Europe n’existait, les contraintes économiques et financières
disparaitraient d’un coup de baguette magique. Avec son petit budget qui
atteint 1 % du PIB au moment où la France consacre à la dépense publique plus
de 56 % de son PIB, s’il y a un reproche que nous pouvons faire à l’Europe, c’est
celui de sa faiblesse, son incapacité à écrire l’histoire de demain. L’Europe
est malade de l’impuissance des Etats, de l’absence de projets ; la
communauté de destin se délite sous nos yeux sans que les dirigeants qu’ils
soient français, allemands, italiens ou anglais ne réagissent. L’Europe, cette
construction osée après la seconde guerre mondiale s’ensable faute d’ambition.
Après la monnaie unique, il y a bien eu le Traité constitutionnelle, création
voulue par la France et morte à cause de la France avec son rejet par référendum.
Depuis près de dix ans, l’Europe est au point mort. Elle ne fait plus rêvée.
Elle est passée au travers de la crise de 2009 et a failli périr en 2012 avec
la crise des dettes souveraines. Néanmoins, elle a survécu en mettant sur pied
un arsenal afin d’aider les Etats indélicats.
Aujourd’hui, sans une nouvelle impulsion, les Etats
européens risquent de s’enfoncer dans le déclin avec à la clef la montée des
égoïsmes et des nationalismes.
L’Europe se doit d’oser, de se refonder, de trouver de
nouvelles frontières. Elle se doit aussi de résoudre les problèmes du
quotidien. L’affaire des emplois détachés risquent de jalonner la campagne
électorale. En effet, de plus en plus d’entreprises dans les pays ayant des
coûts sociaux élevés comme en France ou en Allemagne recourent de manière
croissante à des salariés affiliés à une entreprise située en Europe de l’Est,
en Roumanie ou en Bulgarie par exemple. Si le salaire versé ne peut pas être
inférieure au SMIC, en revanche, les charges sont celles du pays d’origine. Il
ne s’agit pas d’un emploi mais d’une prestation de services. Au nom de la libre
prestation de services, ce recours est légal. De nombreux secteurs, la
restauration, l’hôtellerie, l’agriculture, le bâtiment… utilisent cette
technique. Le problème provient des différents niveaux de cotisations au sein
des pays membres de l’Union. Certains veulent interdire les salariés détachés ;
d’autres rêvent d’une harmonisation des taux de cotisations sociales. Les premiers
veulent la fin de l’Europe quand les seconds oublient que les productivités ne
sont pas les mêmes en Europe de l’Ouest qu’en Europe de l’Est. Imposer des taux
de cotisations sociales élevés tuerait les économies des pays de l’Europe de l’Est.
Ce n’est pas pour autant qu’il faut rester les bras croisés. En effet, il y a
distorsions de concurrences qui nuisent à l’emploi et à l’équilibre des comptes
sociaux.
Pour sortir par le haut de ce problème, il conviendrait que
tous les travailleurs européens qui ne travaillent pas avec un contrat de
travail du pays dans lequel ils sont employés soient soumis à un régime social
européen. Ainsi, un salarié roumain travaillant pour un restaurateur français
serait soumis à des charges sociales qui ne seraient ni celles de la France, ni
celles de la Roumanie. Les Etats européens devraient s’entendre sur les taux à
pratiquer. Les sommes ainsi perçues pourraient être réparties par l’Europe
entre les deux régimes sociaux, le Français et le Roumain dans le cas cet
exemple.
L’harmonisation sociale se ferait pas la création d’un étage
européen de protection sociale qui à terme pourrait se substituer aux échelons
nationaux. En effet, aujourd’hui, l’Europe souffre de son incapacité à
organiser des transferts financiers entre Etats membres afin de résorber des
chocs économiques. En France comme en Allemagne, les prestations sociales
jouent le rôle d’amortisseur et de régulateur des crises infranationales. Rien
de tout cela en Europe. En mettant en place le 29ème régime de
protection sociale qui se surajoute aux régimes nationaux, l’Europe
construirait un mécanisme de solidarité puissant et efficace. Il serait assez
logique que sur un marché où la libre circulation du capital et du travail est
prônée que l’indemnisation du chômage soit de la responsabilité européenne. Un
tel système permettrait de faire jouer la solidarité entre les Etats du Nord et
les Etats d’Europe du Sud. De même, afin d’accroître les transferts financiers,
il serait assez logique à terme que le régime de pension de base soit également
placé sous l’autorité de l’Europe. L’Allemagne et l’Italie qui connaissent un fort
vieillissement pourrait tirer profit de pays plus jeunes.
La création du 29ème régime de sécurité sociale n’est
pas un gadget, c’est certainement la solution la plus simple pour mettre un
terme au déclin de l’idée européenne. Avec la crise et la mobilité accrue des
Européens, la concurrence s’effectue sur le marché du travail avec un risque de
remettre en cause un des principes fondateurs de l’Union européenne, la libre
circulation. Si l’harmonisation n’est pas possible, il est possible de franchir
un cap en établissant un statut du travailleur européen en mobilité ou détaché.
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