jeudi 23 mai 2013

Un autre monde est possible


Au-delà de la récession et de ses graves conséquences en particulier en matière d’emploi, la France souffre d’un manque de confiance ainsi qu’un manque d’audace. Nous sommes des spectateurs passifs d’un déclin économique. Nous subissons la mondialisation, la crise financière, la crise économique. Nous accusons à tort ou à raison l’Etat, l’Europe, les Etats-Unis, la Chine, l’Allemagne de nos déboires mais beaucoup plus rapidement nous osons nous remettre en cause. C’est bien connu, c’est la faute des charges sociales, des impôts, du coût du travail, de l’administration si tout va mal. Les discours remplis de fiel se répandent avec à la clef un pays de plus en plus fragmenté qui ne s’aime plus. Les élites sont décriées, les riches sont considérés comme des profiteurs et les pauvres sont accusés d’être des assistés.

Certes, la France a un coût du travail élevé mais à quelques pour cents près il est identique à celui de l’Allemagne, de la Belgique ou de la Suède. Nous disposons d’une des meilleures productivités mondiale et nos atouts en termes d’infrastructures sont reconnus tout comme la compétence du personnel. Si défaite il y a, elle est avant tout dans nos têtes. Nous refusons l’obstacle de peur de la chute.

L’immobilisme devient la planche de salut du pouvoir, des partis politiques, des syndicats, de toutes les catégories sociales, de tous les lobbys. Si nous sommes des champions pour l’état des lieux ; en revanche, nous sommes d’une timidité incommensurable pour les réformes. Même les programmes électoraux s’affadissent d’élections en élections pour devenir de simples manifestes démagogiques.

Les pouvoirs publics à défaut de pouvoir bénéficier d’un consensus jouent les arbitres à la petite semaine en infléchissant le gouvernail du navire en fonction des tempêtes médiatiques. Il godille à vue avec à la clef une politique économique peu lisible et surtout peu ambitieuse. Quand il y a réformes, elles sont a minima pour éviter d’affronter les oppositions en tout genre. Les mesures indolores, masquées sont préférées à celles qui auraient l’inconvénient de ne pas passer inaperçues. Quand le pouvoir tente de prouver qu’il existe, c’est bien souvent contreproductif et en vain, la défense de Gandrange, la fermeture de l’usine d’Aulnay… Quand il entend influer sur l’économie, il n’arrive pas à faire simple. Il se doit de créer des dispositifs complexes et donc peu efficaces comme avec le crédit d’impôt compétitivité qui ne réjouit ni les patrons, ni les syndicats. L’économie repose sur la confiance et suppose que le futur soit balisé. L’Etat semble avoir peur de tracer des perspectives qui dépasseraient les échéances électorales. Aujourd’hui, le défi de la France, c’est non pas d’imiter l’Allemagne d’aujourd’hui mais d’essayer d’être parmi les gagnants de 2020 ou de 2030. L’objectif du Gouvernement est certes d’atténuer autant que possible la crise de 2013 mais sans pour autant empêcher la croissance des 20 prochaines années. Le Gouvernement devrait prendre des risques et mettre la priorité sur certaines technologies, génie génétique, nanotechnologie, impression 3D… Il est inutile de réindustrialiser sur la base de ce qui était il y a vingt ans ; il faut en revanche trouver de nouveaux secteurs d’activités offrant de forts gains de productivité. Le vieillissement de la population mondiale constitue un marché important pour la santé avec le développement, sans nul doute, des robots d’assistance. La France souffre d’un manque de PME innovantes, de PME de taille intermédiaire qui exportent. Face à ce problème, le Président de la République entend orienter une partie de l’épargne vers les PME tout en négligeant qu’il faut des intermédiaires pour assurer la jonction entre le dirigeant d’entreprise et l’épargnant. La France ne dispose pas suffisamment de business angels, de structures pouvant jouer le rôle d’interface. Il conviendrait d’inciter plus fortement les grandes entreprises à se doter de pépinières d’entreprises ; les grandes écoles et les universités devraient également accroître leurs efforts en la matière. La recherche et l’innovation devraient être placées comme priorité nationale. L’augmentation des impôts peut se justifier sous réserver que l’argent soit utilisé pour préparer demain. Qu’il faille vingt ans pour construire quelques lignes de métro en région parisienne apparaît surréaliste. Comment une France bien plus pauvre a réussi à lancer, en quelques années au début du 20ème siècle, la construction de plusieurs lignes dans Paris intramuros ? La France qui dispose d’un des plus forts taux d’épargne d’Europe et qui demeure un des principaux pays d’accueil des investissements étrangers devrait arriver à financer les liaisons ferroviaires du Grand Paris et à rénover ses infrastructures assez facilement. A cet effet, il faudrait revoir les modes de gestion et de décision. De même, pour les retraites, en lieu et place de laisser le taux de remplacement (montant de la pension par rapport au dernier salaire) diminuer de manière implicite, ne faudrait-il pas comme en Allemagne développer un étage supplémentaire par capitalisation qui justement permettrait d’irriguer l’économie en épargne. Aujourd’hui, les Français sont incités à épargner sur le Livret A pour un rendement faible ; ne serait-il pas plus ambitieux d’épargne pour sa retraite en bénéficiant de rendements supérieurs ?

Certains attendent que la sortie de la récession proviendra de la reprise en Europe du Sud, d’autres espèrent un geste de l’Allemagne. Certes, il est fort possible qu’une éclaircie apparaisse d’ici la fin de l’année mais elle ne saurait suffire à changer la donne en France. La formule de la croissance est simple, c’est du travail, du capital et du progrès technique avec une enveloppe de confiance. La France gaspille son potentiel en récusant le progrès et en utilisant très mal ses ressources en capital et en travail. Le pari des prochains mois est de changer collectivement la donne.

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