mardi 19 juin 2012

La guerre des deux mondes


Après le gouffre des dettes, l’Union européenne s’enfonce dans une crise diplomatique qui à défaut d’être feinte pourrait avoir de fortes conséquences. Il suffit de se déplacer au sein de la zone euro pour percevoir la lassitude de l’opinion. A force de lui répéter que l’Europe est la cause de tous ses maux, elle le croit au point d’espérer la fin de l’euro. L a stratégie du bouc-émissaire fonctionne bien mais elle a des limites que nous sommes entrain d’atteindre. Les Allemands fiers à juste titre de leur réussite n’entendent pas être les payeurs en dernier ressort des turpitudes de leurs voisins. Ces derniers conscients que la richesse des Allemands provient de leur soif de consommation à crédit veulent continuer à pouvoir s’endetter tranquillement. Ils ne comprennent pas les raisons de l’arrêt des transferts du Nord vers le Sud car ils sont devenus habituels. Deux définitions de la croissance s’oppose ; la version allemande constituée de travail, de capital et de progrès technique face à la version française composée de beaucoup de consommation et d’un peu d’investissement. Ces deux conceptions ne sont pas fausses mais peu conciliables. De même, deux conceptions de l’Europe se font face. D’un côté, il y a la volonté allemande de progresser vers le fédéralisme politique ; de l’autre, celle de la France qui souhaite un gouvernement économique. L’Allemagne défend son modèle fédérale en place depuis 1949. Elle imagine une Europe d’Etats avec au sommet une structure de contrôle et de sanction. La France rêve d’une Europe interventionniste dotée de fonds permettant de relancer l’économie de la zone euro ou de certains des Etats membres. La France s’est dans le passé opposé à des avancées institutionnelles aboutissant à plus de fédéralisme politique. Il en fut ainsi avec le rejet du traité constitutionnel en 2005. Pour l’Allemagne, il est hors de question de créer des eurobonds sans avoir au préalable verrouillé leur utilisation.

Il y a, de plus, entre les deux protagonistes un réel problème de calendrier. La France juge prioritaire la relance de l’économie quand l’Allemagne demande aux Etats dispendieux d’assainir leurs comptes. La France remet à demain le retour aux équilibres quand l’Allemagne en fait un préalable au soutien aux économies défaillantes. La France considère que seule la croissance même si elle accroît les déficits et les dettes peut venir à bout des déséquilibres. L’Allemagne juge que les Etats déficitaires doivent ajuster leur niveau de consommation à leur niveau de production.

Les Allemands n’entendent pas être les dindons de la farce du jeu de poker menteur. Ils savent que nous savons qu’ils ont besoin de nous pour exporter et avoir de la croissance. Mais ils savent également que nous savons que sans eux l’Europe s’enfoncerait dans une spirale récessionniste.

Deux mondes et deux calendriers s’opposent avec pour le moment pas de terme à la montée aux extrêmes comme en témoigne l’échange de propos peu amènes entre Français, Anglais et Allemands.

Avec la victoire des libéraux grecs le 17 juin, l’Europe s’est donnée un peu d’air mais le répit sera de courte durée, au mieux quelques semaines avant que de nouvelles tensions ne réapparaissent en Grèce, en Espagne, en Italie et en France. La potion fiscale annoncée en France aura un effet négatif sur la croissance et devrait porter le taux de croissance vers zéro d’autant plus que le ralentissement se généralise autour de la planète.

L’Europe économique suppose de fortes avances fédérales avec des transferts de souveraineté mais pour cela il faut refonder les organes de direction au niveau européen. La Commission européenne a en effet disparu des écrans radars et le Conseil européen à 27 est l’otage des petits Etats qui font de la surenchère pour monnayer leur soutien. Le fédéralisme suppose des sacrifices de la part de tous les acteurs…

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