mercredi 19 octobre 2011
De profundis
De jour en jour, au-delà du risque de plus en plus fort de récession, c’est le grippage complet de l’économie européenne qui se profile. Comme en 2008 et 2009, la méfiance généralisée des acteurs financiers se propage à l’ensemble des intervenants économiques.
Les banques refusent de se prêter entre-elles mais aussi restreignent l’accès au crédit pour leurs clients. Elles veulent augmenter leurs liquidités tout en réduisant au maximum leurs engagements. Les taux d’intérêt n’ont jamais été aussi bas ou presque mais cette situation ne profite pas aux emprunteurs.
Le blocage de l’économie par asphyxie nous guette. Les Etats européens, à la fois sous le regard des agences de notation et de l’Allemagne, n’ont pas d’autres choix que d’adopter des plans d’assainissement de leurs comptes publics avec à la clef un fort risque d’enclenchement d’une spirale récessionniste. La Grèce est confrontée à cet écueil, la récession rendant toujours plus difficile la réduction des déficits. Cette règle se vérifiera d’autant plus que ce n’est plus la Grèce, l’Irlande, le Portugal qui mettent en œuvre des plans de réduction des déficits publics mais l’ensemble des Etats européens. L’effet cumulatif de ces plans sera élevé dans les prochains mois. L’idée qu’une purge est nécessaire pour stabiliser une économie pourrait être séduisante à condition qu’elle soit maitrisable et maitrisée or tel n’est pas le cas.
La zone euro paie au prix fort la divergence de certaines économies. Au-delà de la question de l’endettement, c’est bien la compétitivité des Etats du sud de l’Europe qui est posée vis-à-vis de l’Allemagne et des autres Etats de l’Europe du Nord. L’absence de mécanisme d’ajustement, mobilité de la population, fonds d’intervention, rend périlleux le retour à l’équilibre. Ce dernier ne peut être obtenu que par une réduction des salaires et de la protection sociale. Or, l’Europe se caractérise également par une rigidité de ses salaires à la baisse. Le recours à la dette n’a permis que de masquer les faiblesses économiques de la Grèce, du Portugal ou de l’Espagne voire de l’Italie ou de la France. Les allocations, les subventions ou les crédits immobiliers ont pallié à l’absence de gains réels de pouvoir d’achat. La productivité des actifs grecs, espagnols, portugais, italiens et français s’est dégradée depuis le début des années 2000 avec une accélération depuis cinq ans.
La position allemande peut apparaître égoïste mais elle n’est pas illogique. Les Allemands ont consenti des efforts pour stabiliser leurs coûts et améliorer le taux de marge de leurs entreprises. Ils ont engrangé de la croissance, des excédents commerciaux et ont pu limiter le recours au déficit. Ils considèrent que les autre Etats doivent suivre leur politique. Les réminiscences du passé sont encore fortes. Toute utilisation de la planche à billets sous la forme d’intervention de la Banque centrale leur rappelle les charrettes de billets qui traversaient villes et villages dans les années 20. Les facilités monétaires sont associées à la faillite de la démocratie et à l’arrivée d’Hitler. Certes, les Allemands d’aujourd’hui ont besoin de l’euro, des marchés de l’Europe du Sud mais les démons du passé hantent encore de nombreuses maisons Outre-Rhin.
Cette crise protéiforme semble pour le moment échappé aux pouvoirs publics. Les menaces, il faut l’avouer, sont multiples. Certains craignent le retour de la stagflation avec cohabitation de l’inflation et de la stagnation, d’autres de la déflation.
L’économie mondiale est sujette aux évolutions des cours des matières premières et de l’énergie. Il y a depuis 1973 et le premier choc pétrolier une concomitance entre augmentation des cours des matières premières et ralentissement économique. La crise de 2008 est survenue avec l’augmentation des taux d’intérêt provoqué par la résurgence des tensions inflationnistes liées à l’augmentation des cours du pétrole et des produits agricoles. Fin 2010 et début 2011, du fait de la progression de la croissance mondiale nourrie par celle des pays émergents, la même cause entraina la même conséquence. Avec des taux de chômage élevé et un trend à la baisse des actifs financiers, les risques inflationnistes sont à court terme exagérés. Un scénario à la japonaise est plus vraisemblable et guère plus enthousiasmant.
Une course contre la montre est en route avec en filagramme un poker menteur. Les Allemands refusent de payer tout en souhaitant sauver l’euro, les autres attendent que les Allemands paient en sachant qu’ils ont besoin d’eux. Mais, le temps presse car la facture s’alourdit et la récession risque de prendre ses quartiers. Renvoyer le règlement de la crise à l’adoption d’un nouveau traité qui permettrait la mise sous tutelle aux Etats impécunieux ne résoudra rien voire au contraire ne pourra accélérer la marche vers le précipice et donner raison aux partisans des scénarii extrémistes.
Le seul objectif d’assainissement des comptes publics ne saurait suffire à régler la crise qui est avant tout une crise de divergence économique au sein de la zone euro. Des mécanismes d’intervention doivent être créés pour permettre à des économies en situation de faiblesses structurelles de retrouver le chemin de la croissance. L’intégration économique est restée au milieu du gué depuis 1999. Depuis le départ de la monnaie unique, la zone monétaire n’était pas optimale surtout en cas de choc de grande ampleur. L’euro a survécu à l’éclatement de la bulle Internet, au 11 septembre 2001 mais face à la crise de 2008, les forces centrifuges éloignent les pays des uns des autres. Les réponses en agissant sur les taux, sur la demande publique, en stop and go, ont échoué. La nécessité d’intervenir sur l’offre avec un chômage qui s’installe à 10 % voire beaucoup plus, devrait être une priorité de l’Europe qui dispose des marges pour investir dans des politiques d’infrastructures, de formation, de développement de certains porteurs…
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