lundi 10 octobre 2011

Entre l'abandon et la démission collective

Arnaud Montebourg a gagné son pari en arrivant en 3ème position aux primaires socialistes et surtout en imposant son thème de la démondialisation au cœur des débats. Ce thème se veut être une déclinaison moderne et raffinée du protectionnisme qui sent la naphtaline et qui n’a jamais été couronné de succès. La démondialisation, façon Montebourg, reviendrait à réaffirmer la préférence communautaire à l’échelle de l’Union européenne, à mettre un terme à certaines pratiques financières. La démondialisation a, avec l’écologie militante, un point en commun, l’exploitation des peurs, le refus du progrès ; l’idée qu’hier, c’était mieux. Avec la démondialisation, les Français considèrent qu’ils pourraient conserver leur société, rester à l’abri des tourments mondiaux mais comme dans la vie, en économie, il est difficile de dire stop, je refuse de jouer, je sors de la partie ; j’y reviendrai demain… La Chine après le 16ème siècle a refusé de participer aux échanges mondiaux avec à la clef une marginalisation ; elle était en 1700 la première puissance mondiale en avance au niveau des techniques sur tous les autres Etats. Il a fallu la décision de Deng Xiaoping, en 1978 avec l’ouverture au capitalisme, pour permettre le retour de la Chine et l’amélioration des conditions de vie. Les Français ont toujours été fâchés avec l’économie et encore plus avec les règles du commerce international. Lé développement économique repose sur l’échange et sur sa sécurisation. Quand l’échange n’est pas possible, il y a irrémédiablement déclin. Nul n’imagine, aujourd’hui, ne pouvoir vivre qu’avec les biens et services produits au niveau de sa ville, de son canton voire de sa région. Les Français qui rejettent majoritairement le libéralisme, le marché comptent parmi les plus gros acheteurs de Smartphones et parmi les plus gros consommateurs de big mac. La mondialisation est de plus perçue sous l’angle des destructions d’emplois. Ce phénomène ne date pas d’hier. Il était déjà en marche à la fin du 19ème siècle. Déjà dans les années 70, il était demandé au gouvernement de sauvegarder l’acier et le charbon. Le coût fut astronomique pour le contribuable. Il aurait mieux val investir ailleurs, dans les infrastructures, dans les universités, dans la formation.... Cela aurait coûté moins cher et aurait été plus rentable. De même, au nom de la protection du marché intérieur, les voitures japonaises ont été limitées à 3 % du marché européen et les magnétoscopes bloqués à Poitiers par Edith Cresson. Le protectionnisme sauve rarement des emplois mais pénalise les consommateurs. La mondialisation a été, contrairement à certaines idées reçues, ces dernières années, génératrice de croissance. Elle a permis de compenser la faiblesse des gains de productivité et a procuré du pouvoir d’achat aux Français. Avec le recours à l’endettement via la dépense publique, elle a été un des grands moteurs de la croissance. Mais, certains pourront crier à quoi bon car son bilan est supposée négative en raison des destructions d’emplois qu’elle aurait provoquée. Avec le décollage de la Chine devenue l’atelier du monde, nous ne sommes condamnés à ne plus rien produire et donc à ne plus pouvoir acheter. Or, il ne faut pas oublier qu’en matière de commerce, ce qui compte, c’est certes la compétitivité prix mais aussi la spécialisation. En vertu de la théorie des avantages comparatifs, il faut se spécialiser dans les domaines où nous avons le plus d’atouts. Que faire si la Chine a tous les atouts et nous aucun ? Premièrement, nous sommes loin d’être dans cette situation. Deuxièmement, il est indispensable de retrouver la voie de l’offre et de l’investissement pour justement se donner de l’espace. Arnaud Montebourg prône le protectionnisme aux frontières de l’Europe. Ainsi, la France se priverait des marchés à fort potentiel de croissance. Les entreprises de BTP, EADS, Alsthom devraient se contenter des marchés européens de renouvellement. A la clef, il n’y aurait pas plus d’emplois mais certainement moins de recettes fiscales et de croissance. Nos emplois sont en France complètement mondialisés. Les Airbus intègrent des composants provenant des Etats-Unis, du Japon, de Chine ; les Boeing sont également constitués de pièces françaises et allemandes… La polémique sur l’achat par Air France d’avions de Boeing était puérile au regard du mode de fabrication des avions et du fait qu’Airbus vend plus d’avions aux Etats-Unis qu’en France… De toute façon, pourquoi s’arrêter aux frontières de l’Europe ? Pourquoi ne pas ressortir le plombier polonais, le maçon portugais, le peintre italien et le couvreur roumain, la concurrence des pays de l‘Europe de l’Est et pourquoi pas la trop forte productivité du salarié alsacien… ? Si notre économie est au bord du gouffre, c’est bien connu la faute des banquiers et des financiers. Si aujourd’hui, la dérégulation est placé au pilori, il ne faut pas oublier qu’elle a été initiée par les Etats dans les années 80 pour pouvoir emprunter plus et à moindres coûts. D’un côté, il est demandé aux banques de financer l’économie, les prêts immobiliers et de renforcer leurs fonds propres pour faire face à la volatilité des marchés, de l’autre elles sont vouées aux gémonies car elles osent réaliser des bénéfices. Nous avons un problème avec la notion de profit. Il est considéré comme un vol réalisé sur le dos des salariés or il est avant tout un indicateur de bonne gestion. Le profit sert tout à la fois à rémunérer le détenteur du capital qui a pris un risque en investissant et à financer le développement de l’entreprise. Les Français hurlent au scandale quand un grand groupe annonce un résultat en milliard d’euros tout en oubliant de le rapporter sur le montant du chiffre d’affaires. Les Français devraient être heureux de disposer de grands groupes internationaux présents sur plusieurs continents. Or tel n’est pas le cas. Il y a un rapport complexe au succès. Steve Jobs est préféré aux chefs d’entreprise français qui ont réussi. Apple est par définition l’entreprise, enfant de la mondialisation. A la différence de Sony qui était le symbole des années 80, Apple s’est développée sur la base du réseau en utilisant au mieux les compétences et les écarts de coûts à l’échelle mondiale. Apple capte le progrès technique issu de ses sous-traitants pour l’agglomérer. Apple est avant tout une entreprise en charge de la recherche de l’innovation et du marketing quand Sony veut maîtriser l’ensemble de la chaîne. De ce fait, Apple est plus agile et rentable que Sony. De l’extrême droite aux verts, la thèse du renoncement, de l’abandon ou de la démission parcourt l’électorat usé par des années d’illusions se muant en autant de désillusions. Les Français croient qu’il est possible d’arrêter le train de la mondialisation et de conserver les soi-disant acquis. Face aux succès des Allemands qui en moins de 10 ans ont amélioré leur compétitivité, il y a une résignation. S’ils ont réussi, c’est justement parce qu’ils sont allemands. Il est assez surprenant qu’aujourd’hui que le seul consensus qui semble se dégager au sein des dirigeants politiques et l’opinion, c’est plus d’impôts (à condition que ce soit le voisin qui soit taxé). Le recours aux vieilles recettes semblent rassurer. Il y a un refus d’innover tant sur le plan des idées qu’au niveau de l’économie. Il est dommageable que la seul idée neuve de la campagne des primaires socialistes soit dans les faits très rétrogrades.

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