Est-il raisonnable d’épargner en 2011 ?
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Face à l’épargne, les gouvernemen s qu’ils soient de droite ou de gauche éprouvent les pires difficultés à fixer un cap. Ainsi, les épargnants peuvent être appelés à l’aide pour accroître les fonds propres des entreprises à travers des incitations en faveur de l’épargne longue mais aussi encouragés à consommer en leur demandant de puiser, par exemple, dans leur épargne salariale. Il peut leur être demandé d’augmenter leur effort d’épargne en vue de financer la retraite ou la dépendance et, dans le même temps, des mesures sont prises pour alourdir, par exemple, la fiscalité de l’assurance-vie.
L’épargne est, en France, mal considérée et mal appréhendée. Implicitement, renoncer à consommer immédiatement l’argent reçu est un acte quasi antiéconomique. La consommation qui représente 80 % du PIB est, dans un pays pourtant peu porté à glorifier le modèle américain, privilégiée du fait de l’impact supposé immédiat de mesures visant à la soutenir. L’investissement, même si le multiplicateur keynésien penche en sa faveur, a un effet à moyen et long terme qui n’est pas en phase avec le temps politique.
Même si plus de 92 % des ménages épargnent, même si un ménage sur deux possède un contrat d’assurance vie, les clichés ont la vie dure. L’épargnant gagne sa vie en dormant ou sur le dos des autres. A force de lire que le capital est moins taxé que le travail, il est aisé de croire que derrière l’épargnant se cache un profiteur doublé d’un fraudeur.
Malgré toutes ces récriminations, force est de constater que les Français restent des fourmis.
Le taux d’épargne des ménages, 15,8 % du revenu disponible brut à la fin de l’année 2010, demeure un des plus élevé d’Europe. Malgré l’existence d’un large système de protection sociale qui couvre la quasi-totalité des risques, les Français jugent nécessaire de disposer d’un matelas de sécurité. Le taux d’épargne des ménages se décompose en trois parties, la première correspond à l’investissement en logement et représente la moitié de l’effort d’épargne, la seconde à l’investissement des entreprises individuelles qui est aujourd’hui de 1 % (ce taux était de 3 % jusque dans les années soixante-dix). La troisième partie qui s’élève à 6,8 % du revenu disponible brut correspond à l’épargne financière. Son taux fluctue en fonction des marchés financiers. En 1987, après le krach, il était tombé à 0,4 %. En 2002, il était de 8 % avant de redescendre après la dernière crise financière à 4,8 % en 2008.
Le climat actuel n’est pas, à priori, très porteur pour les épargnants. En effet, le niveau du CAC 40 se maintient à celui qu’il avait en 1998. Du fait de l’aversion aux risques de tous les acteurs, les investisseurs choisissent les titres offrant le maximum de sécurité ce qui conduit à peser sur le niveau des taux obligataires et à encourager les Etats à s’endetter.
Même si la notion d’excès de liquidités est à manier avec précaution, les actions des banques centrales et des autorités publiques pour juguler la crise ne favorisent pas le rendement, à court terme, de l’épargne.
De même, les déséquilibres commerciaux provoqués par le décollage de la Chine, de l’Inde et de quelques autres pays ainsi que par l’amplification de la rente, liée à l’augmentation des cours des matières premières, entraînent d’importants transferts de capitaux. Jusqu’à maintenant, les bénéficiaires de ces capitaux en replacent une grande partie dans les pays occidentaux qui procurent un rendement plus sûr.
Cette recherche du zéro risque est encouragée par les pouvoirs publics. Ainsi, les futures normes prudentielles applicables à compter de 2013 au secteur de l’assurance ne favoriseront pas ce secteur à investir dans des actions cotées et encore moins dans des actions non cotées.
La faible propension envers les actions est renforcée par les incertitudes économiques liées aux tensions provoquées par les dettes souveraines. Il est admis que la généralisation des plans de rigueur pourrait tuer la croissance en cours de renaissance. Nul n’est prêt à payer très cher pour une entreprise quelle qu’elle soit.
Il est admis que la Chine, pour poursuivre son développement et améliorer la couverture sociale de sa population, devra rapatrier une partie de ses capitaux tout comme les autres pays émergents. Pour les pays producteurs de pétrole, de gaz ou de matières premières, tout dépend de leurs réserves et de la taille de leur population. Leurs investissements à travers leurs fonds souverains visent à perpétuer la rente après la fermeture des gisements.
Le vieillissement de la population pourrait jouer également contre une appréciation des actifs financiers. En effet, les prestations versées par les fonds de pension devraient s’accroitre avec l’arrivée des classes nombreuses du baby-boom et du fait de l’allongement de l’espérance de vie après 65 ans. Même si ce processus sera étalé dans le temps, cela pourrait jouer contre le rendement de l’épargne.
L’autre facteur qui pourrait jouer contre l’épargne est l’accroissement des prélèvements du fait de l’indispensable assainissement des comptes publics et au nom de l’antienne « le capital est moins taxé que le travail », formule à but électoral qui reste à prouver. A l’exception de l’épargne dite réglementée (Livret A...), les régimes dérogatoires ont été, ces vingt dernières années, réduits ou plafonnés. Ainsi, l’avantage fiscal dont bénéficie l’assurance-vie est évalué à un milliard d’euros pour plus 1300 milliards euros de placements.
Si aujourd’hui, de multiples facteurs semblent jouer contre l’épargne, tout devrait concourir à l’encourager.
Si la note de l’Etat français n’a pas été dégradée, cela est imputable au bon niveau de son taux d’épargne. Certes, aujourd’hui, plus de la moitié de la dette de l’Etat est détenue par des non-résidents ; il n’en demeure pas moins que l’assurance-vie accueille, à travers les fonds euros une partie non négligeable des titres d’Etat acquis par des investisseurs français. L’épargnant français est donc un bon citoyen qui s’ignore.
Par ailleurs, jusqu’à maintenant, les entreprises françaises ont privilégié le financement bancaire or ce dernier est et risque de demeurer de plus en plus difficile. Le recours au financement obligataire ou par actions constitue de plus en plus une nécessité. Les assureurs, à travers notamment l’assurance-vie, sont de plus en plus les financeurs de l’économie réelle. Ainsi, fin 2010, les titres d’entreprises représentaient 56 % des placements des compagnies d’assurances (37 % sous forme d’obligations et 17 % sous forme d’actions, 2 % sous forme d’immobilier).
L’épargnant veut bien être utile à son pays mais encore faut-il qu’il y trouve son intérêt. En ce qui concerne la rémunération des fonds euros qui a été de 3,4 points en 2010 soit 1,6 point de plus que l’inflation ou le Livret A, un point bas est certainement atteint. La remontée des taux si elle est progressive devrait permettre une amélioration du rendement dans les prochaines années. Par ailleurs, il faut souligner que si le CAC 40 ne résume pas à lui seul les marchés financiers. Les unités de compte des contrats d’assurance-vie ont progressé l’année dernière de 5,3 % quand le CAC faisait -3,3 %.
De nombreuses PME et entreprises qui ne sont pas encore cotées au CAC 40 ont de forts potentiels de développement ; la faible valorisation des cours devrait inciter les épargnants à étudier les valeurs dites moyennes. Trop souvent, les épargnants ne regardent que l’évolution des cours des actions sans prendre en compte les dividendes versés. Or si sur long terme, le placement « action » est plus avantageux, cela est en raison du versement du dividende.
La vision court-termiste est souvent reprochée aux entreprises et aux fonds d’investissement mais elle s’applique aussi à l’ensemble de la population. L’allongement de la durée de la vie n’est qu’imparfaitement pris en compte. Ainsi, la durée de la retraite atteint 27 ans contre une quinzaine d’années en 1950. L’espérance de vie à la naissance, en 2050, devrait être de 85 ans pour les hommes contre 78 ans aujourd’hui et respectivement de 90 ans et 85 ans pour les femmes. Les actifs de 2011 calent leurs comportements sur celui de leurs aînés ; ils anticipent mal les gains d’espérance de vie et celle de leurs revenus. Le long assainissement des comptes publics entraînera un report sur les ménages d’une partie des charges vieillesse, santé ou dépendance. L’effort d’épargne pourra être mutualisé et collectif ou individuel. Il pourra, par ailleurs, tenir compte du niveau de revenus. De ce fait, l’épargne a de belles années devant elle.
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