mardi 12 juillet 2011

Casser le thermomètre ne résout pas une crise

Face à l’amplification de la crise des dettes souveraines en Europe, de plus en plus de voix se font entendre pour condamner les agences de notations. Elles sont jugées responsables du jeu de domino auquel nous assistons. Elles sont accusées de jouer contre l’Europe car elles sont américaines ; il faut noter que l’agence Ficht est dirigée par un Français. Elles seraient coupables de favoriser les spéculateurs et les oiseaux de mauvais augure.

Certes, la question de l’indépendance des agences de notation peut être soulevée tout comme la compétence des experts en charge de noter les Etats ou les entreprises ; il n’en demeure pas moins que ces agences remplissent un rôle d’information et de transparence capital au sein des marchés financiers. Les investisseurs doivent pouvoir connaître les risques qu’il prend en plaçant son argent.

En vertu de quoi, les agences fermeraient les yeux sur les dangers de l’emballement de la dette dans les pays européens. Leur mission est de conseiller les investisseurs et non de se faire élire. Or, quand un pays masque le niveau réel de son déficit ; quand ce pays est incapable de juguler le travail au noir et quand sa croissance demeure atone ; il est évident que ses facultés de rembourser ses dettes sont amoindries.

Quand des Etats, depuis des décennies, vivent à crédit, quand leur dette publique franchit les 90 % du PIB, quand le service de la dette devient le principal poste de dépenses de l’Etat, est-il surprenant que les prêteurs demandent de nouvelles garanties voire refusent de prêter ? Les Etats ont cru s’affranchir des contraintes financières qui pèsent traditionnellement sur tout emprunteur comme une entreprise ou un particulier. Aujourd’hui, le principe de réalité s’impose.

Casser le thermomètre ne modifierait pas la donne. Les questions resteraient inchangées. En absence de notation, les investisseurs seraient de toute façon obligés d’analyser les risques d la même façon.

La crise de la dette souveraine qui frappe le vieil Occident peut provoquer une véritable crise économique et financière de grande ampleur. Elle traduit l’épuisement du modèle économique mis en œuvre depuis soixante ans. En l’absence de gains de productivité, les pays anciennement industrialisés n’ont réussi à maintenir leur niveau de vie qu’en ayant recours à l’emprunt. Que la dette soit privée ou publique, l’heure des comptes a sonné. Les transferts de capitaux générés par les déséquilibres commerciaux et par la rente des matières premières ne peuvent pas être sans incidence sur le fonctionnement de l’économie mondiale.

L’Europe paie son manque d’organisation et de solidarité, la faiblesse de sa croissance depuis 20 ans. Les Etats-Unis sont dans une situation moins délicate du fait du faible niveau de leurs prélèvements obligatoires mais, en revanche, leur économie semble s’être européanisée avec la cristallisation du chômage et l’envolée sans fin de la dette.

En 1944 et 1945, dans le prolongement des accords de Bretton Woods, les organisations internationales comme le FMI ou la Banque Mondiale avaient été créées par les Occidentaux et essentiellement par les Etats-Unis et le Royaume-Uni. Ce système a perduré malgré l’abandon des changes fixes (1971 et officiellement en 1976), malgré la fin de l’URSS en 1989 et malgré le décollage de l’Asie et de l’Amérique Latine.

Que ce soit en Europe ou au niveau du G20, l’esprit n’est pas à l’innovation et à la construction d’un nouveau système de coopération économique et financière. L’ère est au sauve qui peut ; or en lors de la crise de 1929, c’est justement la montée des égoïsmes à travers le protectionnisme ou la bataille des taux de change qui a plongé l’économie dans la dépression et dans la guerre. En 2008, les Etats après quelques tergiversations, avaient réussi à monter un plan de sauvetage de la sphère financière. En 2011 et 2012, le problème est monté d’un cran car il faut endiguer une crise des Etats.

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