samedi 11 avril 2009

ET S’IL FALLAIT REINVENTER LE MARCHE

La répétition des bulles spéculatives est la preuve d’un dérèglement chronique des marchés lié à une mauvaise appréciation des risques et des valeurs. Les corrections brutales que nous subissions depuis plus de vingt ans doivent être mises en parallèle avec l’amoindrissement de la concurrence et des contre-pouvoirs sur les marchés.

La mondialisation ainsi que les nouveaux secteurs d’activité nés avec les technique de l’information et de la communication, au lieu de favoriser la concurrence, ont permis la constitution de rentes de situation. Les oligopoles voire les monopoles sont redevenus légion. Cette absence de concurrence n’est pas sans conséquence sur le désordre que nous enregistrons dans le domaine de la hiérarchie des valeurs.

Les nouvelles technologies ont appauvri la concurrence

La création de nouveaux marchés donnaient lieu dans le passé à l’arrivée d’un grand nombre d’acteurs. Ce n’était que dans la phase de maturité qu’une concentration intervenait.

Avec les techniques de l’information et de la communication, quelques entreprises se sont arrogées des situations de monopoles ou de quasi-monopoles de fait.

Les autorités de contrôles de la concurrence nationales avaient réussi à casser des situations de monopole dont ceux de ATT et de ITT par exemple aux Etats-Unis. La mondialisation avec en corolaire l’obligation d’avoir des champions nationaux a réduit ce contrôle. Ainsi Microsoft a réussi à maintenir, malgré plusieurs procès, sa situation de monopole.

Ainsi, une entreprise détient presque à 100 % le marché des interfaces pour les ordinateurs individuels. Microsoft a créé une norme et a réussi à empêcher d’éventuels concurrents de s’engouffrer sur ce marché. Les coûts en termes de conception et de commercialisation ont réduit à néant la concurrence si l’on excepte Linux.

Les acheteurs d’ordinateurs n’ont qu’un seul souhait, l’utiliser le plus rapidement et le plus facilement possible. En outre, en cas de changement de machines, ils veulent en quelques secondes retrouver leur environnement de travail ou de loisir.

Casser le monopole de Microsoft nécessitait de créer un standard de normes sur lesquelles les concurrents auraient développés leurs plateformes. Cela aurait nécessité de casser Microsoft en plusieurs sociétés en distinguant ce qui relève des interfaces, des logiciels d’application et des navigateurs…

De même, aujourd’hui Google est devenu incontournable. 80 % des recherches sont effectuées grâce au moteur de recherche de Google. L’exploitation du fameux algorithme à des fins commerciales et la « scanérisation » de la toile ont créé un rapport de force sans précédent. En mémorisant un nombre croissant d’informations, Google s’est mué en aspirateur qui peut aboutir à réduire à néant la concurrence dans les domaines par exemple de l’information comme en témoigne la polémique lancée récemment par le New York Times.

Comme pour Microsoft, la création d’un standard de recherche aboutit à une situation de monopole offrant des rentes de situation sans précédent. Ces rentes ont permis et permettent à l’empire Google de s’agrandir.

Affadissement de la concurrence liée à la mondialisation

Du fait de la chute du mur de Berlin et de l’ouverture du capitalisme de la Chine et du décollage économique de nombreux pays comme le Brésil, l’Inde, l’Argentine…, deux phénomènes ont été constatés : l’arrivée de nouveaux concurrents et une concentration au niveau des vieux pays industriels pour à la fois conquérir de nouvelles parts de marché et pour résister aux nouveaux entrants.

Les Etats, en particulier en Europe, ont encouragé la constitution de champions nationaux, voire de champions européens. Ainsi, les entreprises sidérurgiques françaises ont été regroupés ; elles étaient encore deux à la fin des années quatre-vingt, puis elles ont été fusionnées avec leurs concurrentes du Benelux et de l’Allemagne.

Ce processus de fusion a été constatée dans de nombreux secteurs comme l’aluminium, la chimie, le pétrole, la pharmacie… En France, il ne reste plus qu’une seule compagnie pétrolière, Total qui a absorbé Elf et Antar.

La disparition de la concurrence au niveau national a été légitimée par l’existence de prédateurs internationaux.

Cette marche vers la concentration ne s’est pas arrêtée du fait de la libre circulation des capitaux et de la nécessité pour entrer sur de nouveaux marchés de réaliser des alliances. En outre, la faiblesse en fonds propres de certaines entreprises, en particulier françaises (absence de fonds de pension ou de fonds souverains) et la volonté des actionnaires de mieux valoriser leur capital a provoqué de nombreuses opérations de concentration. C’est ainsi que Mittal a mis la main sur la sidérurgie européenne.


Le secteur de l’automobile avait jusqu’à maintenant été presque à l’abri de ce vent de concentration. Il y avait encore en 2008 3 constructeurs américains, six constructeurs européens et trois constructeurs japonais auxquels il fallait ajouter les constructeurs indiens, coréens et chinois. La concurrence n’en demeurait néanmoins relative ; les constructeurs ayant décidé de se partager le monde en sphère d’influence.

L’érosion de concurrence a ouvert la porte à toutes les dérives

Sur de nombreux secteurs, énergie, sidérurgie, construction navale, pharmacie…, un cartel d’entreprises domine le marché. Evidemment, une telle situation ne favorise pas l’innovation et la baisse des prix. Elle ouvre la voie à de nombreuses dérives : spéculation, hausse des salaires des dirigeants.
La productivité stagne depuis une dizaine d’année selon l’OCDE. L’arrivée à maturité de certaines techniques explique cet état de fait. Mais, les bénéfices en forte croissance des grandes entreprises auraient du permettre la découverte de nouveaux gisements de croissance. Or, il a été constaté que des profits ne sont pas générateurs d’investissements obligatoirement rentables. Les rentes de situation ne favorisent pas l’innovation. Les économistes classiques ont toujours été méfiants vis-à-vis des bénéfices et de l’auto-investissement. Force est de constater que les situations de monopole ont avant tout favorisé les actionnaires. La multiplication, ces dernières années, des procédures de rachat d’actions par les entreprises et les cascades de LBO en sont les meilleures preuves.

Le G20 n’a pas traité la question clef de la concurrence sur les différents marchés ; or elle est capitale pour lutter contre la spéculation et contre des pratiques peu vertueuses.

Seule une concurrence vive sur des marchés transparents peut amener croissance et plus de moralité.

Malheureusement, les gouvernements, pour sauver à court terme, des emplois risquent au contraire d’encourager de nouvelles concentrations. Or, en aucun cas, la fusion d’entreprises n’est une garantie pour les emplois et encore moins pour ceux de demain. Il est important de redonner du souffle au capitalisme. Il serait utile de travailler sur un code international de la concurrence et de casser les monopoles ou les oligopoles qui se sont institués. En est-il encore temps car ces firmes sans patrie appartiennent à une caste dont le pouvoir dépasse les autorités publiques.

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