En moins d’une semaine, le Président de la République entend
instituer deux nouveaux prélèvements qui auraient des vertus morales : la
TVA sociale visant à améliorer la compétitivité de l’outil productif français
et la taxe sur les transactions financières qui taxeraient un secteur jugé
responsable de la crise actuelle.
Aujourd’hui, un impôt se doit d’être moral. Il doit
combattre tous les bas instincts du contribuable, il doit aller à l’encontre
des comportements déviants. Ce caractère éthique passerait devant l’objectif
numéro un d’un impôt, celui de faire entrer dans les caisses publiques de l’argent.
Les gouvernements vont jusqu’à prétendre qu’ils seraient heureux si par des
changements de comportements, le rendement de l’impôt devenait nul. Bien
évidemment, c’est juste de la communication ou de l’effet de style. Il n’en
demeure pas moins que pour faire passer des augmentations de prélèvements, ils
usent et abusent de l’éthique, de l’équitable, du développement durable.
La liste est longue de ces impôts moraux et la liste n’en
finit pas de s’allonger. Il y avait la taxe sur le tabac, sur les alcools, la
taxe sur la pornographie ; il y a depuis le début de l’année, la taxe sur
les sodas. Il faut ajouter les taxes ou les impôts qui frappent des secteurs
d’activité qui sont accusés de se faire l’argent sur le dos de la société. Bien
évidemment, dans cette catégorie, il y a les taxes sur les paris, les casinos
et les lotos. Il faut bien taxer cette activité peu morale afin de dissuader
les Français de s’y adonner sans raison. En renchérissant le prix des jeux, les
Français joueront moins tout en donnant plus à l’Etat. D’une autre manière, le
secteur pharmaceutique est abonné aux taxes spécifiques car il est censé gagner
trop bien sa vie. La France est le pays où les médicaments sont les plus chers
tout en imposant le plus les laboratoires pharmaceutiques. Au temps du
développement durable, la taxe intérieure sur les produits pétroliers peut être
rangée dans la catégorie des contributions éthiques. Toujours dans le même
esprit, les riches sont désormais viser par une fiscalité spécifique à travers
une contribution exceptionnelle de 3 et de 5 % qui s’ajoute à leur impôt sur le
revenu. Cette contribution a été instituée en mettant en relief que les riches
étaient trop riches et qu’ils devaient au nom de la solidarité fournir une dime
exceptionnelle au nécessaire redressement des finances publiques.
Le sucre, le pétrole, les transactions financière, les jeux
ont remplacé le sel d’hier qui supportait la gabelle.
Dans tous les cas, le contribuable final est le payeur que
ce soit dans l’incorporation de l’impôt ou de la taxe dans la chaîne de
production ou directement de l’achat. Un impôt quel qu’il soit est payé par le
contribuable qui est tout à la fois un consommateur, un épargnant ou un
entrepreneur.
La TVA sociale n’échappe pas à la règle. Pour la faire
accepter par le plus grand nombre, elle a été affublée du terme « social »
un peu comme au temps des démocraties populaires de l’est. Il s’agit donc d’un
impôt social. Il vise également à nous punir d’acheter chinois, japonais ou
allemand. Il faut dire que les Français sont, en la matière, assez irrationnels.
D’un côté, ils demandent plus de protection aux frontières et de l’autre ils se
ruent sur toutes les nouveautés importées.
La TVA sociale a donc comme objectif d’atténuer le poids des
charges sociales, de manière très réduite par ailleurs, et de taxer non plus le
cycle de production mais la consommation. Ce tour de passe-passe vise à
améliorer la compétitivité française mise à mal ces dernières années. A défaut
de jouer sur le positionnement de l’appareil productif, les pouvoirs publics
modifient à la marge les règles du jeu fiscal.
Le problème de l’outil productif français n’est pas ses
coûts fiscaux et sociaux mais bien son mauvais positionnement. De toute façon,
à défaut de s’attaquer aux dépenses publiques, il faut trouver des ressources.
La France a un niveau de dépenses publiques supérieur de quatre points à celui
des autres pays de l’Union européenne. Il faut donc adapter par voie de
conséquences les ressources.
En économie, il y a une vieille règle, un outil ne doit pas
poursuivre plusieurs objectifs faute de quoi il n’en atteint aucun. La TVA
sociale n’échappera pas à cette règle. A rechercher tout à la fois, sans l’avouer,
de nouvelles recettes et une amélioration de la compétitivité de l’économie, le
Gouvernement risque avant tout de perdre en croissance à travers une baisse de
la consommation et obtenir de faibles gains à l’exportation.
En effet, en passant la TVA de 19,6 à 22,6 %, le
gouvernement peut opérer un transfert de 5 à 6 points de cotisations sociales.
S’il y a augmentation salariale à la clef, la TVA sociale affectera les
retraités et plus globalement les inactifs. C’est une manière déguisée de créer
un impôt sur les retraités. S’il n’y pas d’augmentation salariale (dans le cas
d’un allégement des cotisations patronales), les entreprises pourront arbitrer
entre la reconstitution de leurs marges (qui ont diminué depuis trois ans) et
donc investir ou diminuer leurs prix afin de maintenir leur demande.
A terme, l’opération TVA sociale sera neutre sur l’économie
du fait des jeux de compensations sauf si l’exportation enregistrerait une
forte augmentation. Malheureusement compte tenu de la concurrence mondiale et
du mauvais positionnement de nos biens et services, cette contribution
extérieure risque d’être faible.
La taxe financière que veut instituer le Président de la
République obéit également à la logique de la moralisation. Elle vise à lutter
contre la spéculation et les institutions financières jugées coupables de la
crise actuelle. Nicolas Sarkozy est prêt à l’instituer dans la seule France avec
comme slogan que ceux qui m’aiment me suivent. Or, la taxe sur les transactions
financières reste d’être inefficace voire être dangereuse. Si Londres, Luxembourg,
Berlin, New-York n’appliquent pas la taxe Tobin, comment empêcher les banques
françaises de continuer à opérer en offshore ? Le risque n’est-il pas de
pénaliser la place financière de Paris qui est déjà bien faible ? Qui
paiera cette taxe ? Pas les banques car in fine, elles reporteront son
coût sur ses clients c'est-à-dire les particuliers et les entreprises, avant
tout les PME qui ne peuvent pas se financer sur les marchés internationaux. Par
ailleurs, d’un côté, les banques sont aux abois du fait de la crise des dettes
souveraines, de l’autre, elles sont taxées car jugées immorales.
Un bon impôt est un impôt efficace, simple, admis de tous.
La TVA et la CSG sont de bons impôts. Certes, la CSG est, en ce qui concerne
son affectation, un véritable mille-feuille servant tout à la fois à l’assurance-vieillesse,
aux assurances familiales ou à l’assurance-maladie… Il serait absurde de
fusionner la CSG avec l’impôt sur le revenu car par définition au fil du temps
et de la démagogie, elle subirait le même sort que ce dernier. Le nombre des
exonérés et des niches augmenterait année après année. De même, il ne faut pas
faire de la TVA un impôt attrape-tout. Au-delà d’un cinquième du prix de vente,
le risque de fraude devient important. En se rapprochant du quart, il est
certain que les tentations iront croissantes.
L’impôt moral serait celui qui s’appuierait sur une
diminution des dépenses mais par nature il est bien plus difficile à mettre en œuvre
que les contributions sur les sodas ou les jeux. Il faut donc souhaiter que les
Français développent tous les vices possible afin qu’ils contribuent au
renflouement de l’Etat. A la limite, au nom de la TVA sociale, continuons d’acheter
à l’étranger, si possible du Coca Cola ou du Whisky.
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