Pour les Keynésiens, l’endettement n’est pas en soi condamnable. Le transfert de charges sur les prochaines générations se justifie par le fait qu’elles profiteront soit des investissements réalisés, soit de la croissance générée par le recours à l’emprunt.
L’endettement qu’il finance des dépenses de consommation ou des dépenses d’équipement peut donc être favorable tant à ceux qui en profitent aujourd’hui qu’à ceux qui demain devront le rembourser. L’endettement déplacerait la courbe de création de richesses vers le haut.
Ce côté vertueux de la dette suppose qu’elle soit bien génératrice de croissance et que le surcroit de richesses permette son remboursement sans obérer la croissance à venir.
Il ne fait pas de doute que la croissance de ces dernières années a été achetée à crédit sans pour autant qu’elle aboutisse à générer un équilibre tant sur le plan de l’offre (chômage), sur le plan de la croissance que sur celui des finances publiques. Certes, contrairement aux idées reçues, le niveau de vie a progressé dans les pays occidentaux. Le rythme varie de 1 à 2 % par an, inférieur à celui des Trente Glorieuses mais supérieur à celui de longue période. La croissance achetée à crédit aurait pour certains accru les inégalités. C’est faux en grande partie, le niveau moyen des revenus et de patrimoine a augmenté sur vingt ans. En revanche, aux deux extrémités, les personnes à faibles revenus éprouvent les pires difficultés à s’extraire de leur situation quand les 0,1 % les plus riches ont accaparé une part plus élevée de richesses.
Il est indéniable que l’efficacité marginale de l’emprunt public tend à baisser et que son coût réel pour la société augmente. Cette baisse du rendement marginal de l’emprunt explique les hésitations des investisseurs à fermer les yeux devant l’envolée des dettes publiques que ce soit en Grèce, en Espagne, au Portugal, en Irlande ou aux Etats-Unis.
Les Etats ont de plus en plus de mal à mobiliser de nouvelles ressources pour rembourser leurs emprunts d’autant plus que le recours à l’impôt freine la croissance. Sommes-nous au début d’une ère de banqueroute des Etats comme Jacques Attali le pressent avec à la clef un risque de réapparition du protectionnisme et de nationalisme ou sommes-nous au début d’une ère de coopération mondiale afin de mettre la gouvernance en phase avec l’économie mondialisée ?
Du fait du vieillissement et de la montée en puissance sans précédent des Etats providence, les passifs sociaux des Etats au sens large du terme ont atteint des niveaux difficilement compatibles avec une croissance de 1 à 2 % par an. Les tenants de la décroissance devraient également souligner que l’application de leur thèse suppose une décrue des politiques sociales et des politiques publiques qui n’ont pas cessé de progresser depuis la fin de la seconde guerre mondiale.
Les niveaux de dépenses publiques différents d’un pays à un autre au sein de l’OCDE ne sauraient masquer que dans les faits les situations sont quasi-identiques. Ainsi, aux Etats-Unis, les dépenses retraite et maladie ne sont pas comptabilisées dans les dépenses publiques car financées soit par les ménages, soit par les fonds de pension ou par des compagnies d’assurance. En Allemagne, les régimes professionnels de retraite sont assimilés à des régimes privés et ne sont donc pas comptabilisés comme dépenses publiques à la différence des régimes complémentaires en France.
En réintégrant toutes les dépenses, l’ensemble des pays se situe à un niveau de dépenses publiques et sociales qui avoisinent les 50 % de la richesse produite. D’ici 2050, compte tenu de la progression des dépenses retraite, maladie et dépendance, il faut trouver en moyenne entre 4 à 7 % du PIB. Pour cela, il faut soit jouer sur la croissance, c'est-à-dire l’association du capital, du travail et des gains de productivité ou opter pour une autre allocation des dépenses.
Les solutions keynésiennes de jouer sur la dépense publique pour relancer l’économie semble dans leur forme actuelle être usées car elles nourrissent plus le déficit que la croissance. L’espoir d’une coopération internationale ou au niveau de chaque grand marché (Europe, Alena, Asie..) apparaît aujourd’hui ténu.
La nécessité de favoriser une croissance productive suppose tout à la fois la reconnaissance du capital composé par l’accumulation de l’épargne comme un des facteurs clef de la croissance. Le débat sur la répartition des bénéfices démontre que l’opposition entre travail et capital demeure vivace. Pourtant, différents rapports ont démontre que la répartition a faiblement évolué ces 20 dernières années mais le ressenti est tout autre. De même, en matière de taxation, il est admis que le capital est mieux traité que le travail. Il faut souligner que le capital dans sa phase de constitution est issu des revenus du travail et a déjà subi en tant que tel des prélèvements. Par ailleurs, mises à part les niches fiscales, il n’est pas évident que le capital soit mieux traité. Il n’y a pas de chiffres qui le prouvent comme l’a démontré le récent rapport de la Cour des Comptes sur la compétitivité fiscale entre la France et l’Allemagne.
L’épargne longue investie en actions n’a pas la cote au moment même où la nécessité de favoriser l’appareil productif est répétée. Les nouvelles normes prudentielles applicables aux assureurs et aux banquiers auront un effet négatif tout comme la volonté des pouvoirs publics de favoriser la consommation par tous les moyens au nom d’un réamorçage de la croissance. D’un côté, l’épargne doit financer les pouvoirs publics soit directement par souscription de titres publiques, soit par l’impôt ; de l’autre les entreprises sont appelées à se substituer à l’Etat en accordant des allocations sous la forme de primes plus ou moins obligatoires…
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