L’analyse porte essentiellement sur les pays de l’Union européenne, les quinze pays d’avant l’élargissement ainsi que sur la Norvège. Les Etats-Unis et le Canada ont été également étudiés. Les données statistiques sont issues d’Eurostat, de l’OCDE et d’Eurofound. Les principales informations ont été recueillies auprès de Hewitt, et de l’Observatoire des Ressources Humaines du Canada ainsi qu’auprès de la Fondation Adenauer.
Les politiques de rémunération des salariés des grandes entreprises ne donnent pas lieu à de nombreuses études au sein de l’OCDE ou de l’Union européenne.
L’hétérogénéité des législations sociales, des données et l’absence d’analyse nationale sur la fixation microéconomique des salaires ne facilitent pas la réalisation d’un benchmarking sur le sujet. Les comparaisons sont hasardeuses du fait que les systèmes de protection sociale sont différents d’un pays à un autre. La place des entreprises dans la couverture sociale est plus importante en Allemagne qu’en France ; le rôle de l’individu étant plus élevé au Royaume-Uni et aux Etats-Unis qu’en France ou en Allemagne.
Les grands instituts économiques ainsi que les partenaires sociaux privilégient l’étude macroéconomique, le suivi du partage de la valeur ajoutée et l’évolution générale des salaires au détriment d’une étude des pratiques concrètes. Les différences sectorielles et en fonction de la taille des entreprises rendent délicates l’agrégation des données
Cette relative faiblesse de la recherche économique et sociale s’explique par ailleurs par les pratiques qui ont prévalu jusque dans les années quatre-vingt. Le recours à des conventions ou à des accords à haut niveau ainsi que l’application de dispositifs d’indexation plus ou moins évoluée limitaient le champ d’analyse. L’individualisation des salaires et le développement de pratiques plus fines de rémunération étaient, jusqu’à une date récente, réservés aux cadres de direction ou aux commerciaux.
Depuis vingt ans, en Europe, la tendance en matière de rémunération est
- À l’individualisation
- À la décentralisation des négociations salariales
- À l’accroissement de la flexibilité salariale
Ce processus est le plus abouti, sans surprise, dans les pays où les syndicats sont les plus faibles et les plus divisées. Il est, par ailleurs, constaté une convergence des augmentations et des pratiques salariales au sein de l’Europe.
I. EVOLUTION DES PRATIQUES SALARIALES
1.La convergence salariale
La convergence des prix au sein de l’OCDE, depuis une quinzaine d’années, s’accompagne d’une convergence des salaires.
Au sein de l’Union européenne, l’augmentation des salaires réels se situait dans une fourchette de 2,5 à 7,1 % dans les années soixante, l’écart a été profondément réduit 0,2 à 2 % en moyenne pour les dix dernières années.
L’augmentation des salaires réels depuis 1990 se situe en moyenne selon les pays entre 1 à 2 %.
Dans les années soixante, les salaires réels augmentaient au même rythme que la productivité, dans les années soixante-dix, cette augmentation était supérieure à celle de productivité. Depuis les années 80 et 90, la croissance des salaires réels est inférieure à celle de la productivité (un point en moyenne).
Le Royaume-Uni demeure une exception ; ainsi la part des salaires au sein de la valeur ajoutée reste supérieure à celle enregistrée en moyenne au sein de l’Union européenne. Cette situation est liée à la forte croissance de l’économie anglaise sur la période et à l’importance du secteur des services dans ce pays.
2. Une décentralisation de plus en plus forte
En Finlande et en Irlande, la négociation est nationale. En Belgique et en Grèce, elle concerne l’ensemble du secteur privé. En Belgique et Irlande, les accords interprofessionnels définissent des augmentations maximales établissant ainsi la marge de négociation au sein des entreprises ou au sein des secteurs d’activité.
Dans six pays (Espagne, Grèce, Italie, Pays-Bas, Portugal et Suède), le niveau sectoriel est privilégié. Deux pays se démarquent avec des négociations au niveau de l’entreprise, la France et le Royaume-Uni.
Les accords interprofessionnels ou sectoriels sont de plus en plus indicatifs et ne comportent bien souvent que des recommandations (11 pays sur 16 de l’étude). Seuls l’Autriche, l’Espagne, la France, le Luxembourg et le Royaume-Uni ne recourent pas à des accords de ce type. Au Danemark, au Luxembourg, en Finlande et en Norvège, il n’y a pas de niveau dominant.
Depuis vingt ans, une décentralisation accrue en matière de négociation est constatée. Ainsi, au Royaume-Uni, les accords interprofessionnels ont presque tous disparus, de même en Suède, pays qui privilégie les accords sectoriels.
En Italie, un accord tripartite (Etat, syndicats, employeurs) prévoit que la négociation salariale doit s’effectuer au niveau sectoriel. La disparition des clauses d’indexation s’est accompagnée d’un renforcement de l’entreprise comme lieu de négociation pour les accords salariaux.
En Espagne, il est constaté en revanche une augmentation des accords sectoriels en relation avec la bonne tenue de la conjoncture et la diminution du taux de chômage.
Le niveau de négociation est lié à la force ou à la faiblesse des partenaires sociaux.
La place à la négociation est plus faible dans les pays ayant des dispositifs règlementaires fixant le niveau du salaire minimum. Sept pays (Espagne, France, Irlande, Luxembourg, Pays-Bas, Portugal et Royaume-Uni) disposent de salaire minimum fixé par la loi.
Deux pays ont conservé des mécanismes d’indexation automatique : la Belgique et le Luxembourg.
3. Le contenu de la négociation diffère fortement selon les pays
En Finlande, les partenaires sociaux retiennent une formule intégrant la productivité et l’inflation pour calculer un coefficient d’augmentation collective auquel s’ajoute un coefficient d’augmentation individuelle. Dans les pays d’Europe du Nord, ce dernier coefficient comprend des critères de contribution au bon fonctionnement de l’équipe ou d’intensité dans le travail.
En Suède comme en Norvège, les critères qualitatifs se développent même si la notion d’égalité de revenu reste prégnante.
Au Pays-Bas comme en Irlande, les partenaires sociaux établissent une formule prenant en compte la productivité du travail et l’inflation.
II. LE DEVELOPPEMENT DE LA REMUNERATION VARIABLE
1. La généralisation de la rémunération variable
Au sein de l’Union européenne, la rémunération variable se développe avec la prise en compte de la performance de l’entreprise et de la performance individuelle.
Elle repose sur trois types de système de rémunération :
• Rémunération au rendement
• Rémunération en fonction de critères qualitatifs
• Rémunération en fonction de la rentabilité de l’entreprise ou en fonction de la réalisation d’objectifs.
Des critères éthiques comme ceux liés au développement durable ainsi que la réalisation de projets, la cohésion de groupe, le respect du client sont au Royaume-Uni comme en Allemagne de plus en plus utilisées.
Des pays comme l’Allemagne, le Portugal ou le Royaume-Uni pratiquent de longue date la rémunération variable ; en France, initialement associée à l’intéressement et à la participation, elle tend à concerner un nombre croissant de salariés au-delà des cadres et à intégrer l’ensemble des avantages dont ils peuvent bénéficier.
L’entreprise est, de longue date, en Allemagne, la clef de voute de la socialisation et de la protection sociale. De ce fait, le salaire ne recouvre qu’une partie des droits dont bénéficie les salariés. L’intéressement à travers la cogestion mais aussi le financement de nombreux loisirs (sports, vacances, formation) est la règle dans les grandes entreprises mais aussi dans les PME.
Ainsi, dans un Land comme la Bavière avec un taux de chômage de 5 %, la rémunération type au sein d’une entreprise de taille moyenne (secteur machine outil) s’établit pour un salarié (équivalent cadre) de la manière suivante :
- Rémunération fixe à laquelle s’ajoute le paiement des heures supplémentaires
- Primes de vacances, primes de fin d’année
- Variable de 25 à 30 % du montant annuel du salaire libérable en fonction de la réalisation des objectifs (entreprise, équipe et individuel)
- Participation aux bénéfices, options sur actions, actions à prix privilégié
- Prise en charge de la prévoyance, de la participation au fonds de pension pour le salarié et son conjoint
- Abondement sur un contrat d’assurance-vie
- Voiture de fonction, téléphone et formation (nombre de jours déterminés annuellement),
La France est le pays dont le plus grand nombre d’entreprises pratiquent la rémunération variable : 51 % contre 28 % au Royaume-Uni, 12 % en Allemagne ou 3 % en Italie. En prenant en compte le nombre de salariés, plus de 20 % des salariés français ont une rémunération liée aux performances de leur entreprise, 15 % en fonction de leurs performances individuelles.
En Autriche, 25 % des cadres et 15 % des employés ont une rémunération intégrant une part variable.
Aux Pays-Bas, près de 50 % des salariés sont concernés par la rémunération en fonction du rendement et 23 % en fonction des qualifications acquises.
En Espagne, 25 % des salariés reçoivent des primes de productivité.
En Italie, 20 % des entreprises utilisent des critères fondés sur les performances ; 20 % utilisent des critères reposant à la fois sur les performances économiques et des indicateurs quantitatifs.
Au Royaume-Uni, plus du tiers des cadres sont rémunérés en tenant compte de leur productivité et plus de 60 % pour les ouvriers qualifiés. Dans ce pays, il est fréquent que la participation en fonction des résultats de l’entreprise donne lieu à la répartition suivante :
- un tiers à la discrétion de la direction
- un tiers sous forme d’un pourcentage fixe attribué à tous les salariés
- un tiers sous forme d’une prime en valeur absolue
2. Les nouveaux critères de la rémunération variable
En Allemagne, de nouveaux critères de rémunération sont développés afin, par exemple, de prendre en compte des objectifs de développement durable (économie de matériaux, gestion des déchets, utilisation des matériels…).
En Italie, Espagne et Allemagne, les critères qualitatifs se généralisent. Le respect des délais, la qualité des prestations sont de plus en plus pris en compte dans les grilles de rémunération.
Au Royaume-Uni et aux Pays-Bas, l’acquisition de qualification est également intégrée dans le processus de rémunération individuelle des salariés.
La rémunération variable peut être accordée dans certains pays en fonction de l’absentéisme ou en fonction du nombre de congés maladie. Par exemple, au-delà de quatre congés maladie, la prime de fin d’année est supprimée (Canada).
3. La rémunération variable et négociation collective
En Grèce, Finlande, Royaume-Uni, Finlande et au Portugal, les systèmes de rémunération variable sont majoritairement définis de manière discrétionnaire par les employeurs.
Dans les pays scandinaves, la négociation sectorielle ou au niveau de l’entreprise est de rigueur.
En Autriche, la mise en œuvre d’une politique de rémunération variable ne peut être mise en œuvre qu’après négociation.
En Allemagne, dans 40 % des cas, il y a un accord au niveau de l’entreprise.
En Italie, l’échelon de la négociation est l’entreprise même si quelques accords sectoriels existent sur le sujet.
III. LA REMUNERATION FLEXIBLE OU A LA CARTE APPELEE REMUNERATION « CAFETARIA »
Aux Etats-Unis, au Canada et au Royaume-Uni mais aussi en Belgique, la pratique du salaire « cafétéria » s’étend. L'entreprise propose à ses managers des packages individualisés. Chacun peut arbitrer entre les différentes composantes, temps de travail, voiture de fonction, avantages en nature, actions, retraite, prévoyance... et choisir la structure de rémunération qui lui semble la plus proche de ses besoins. Chaque salarié dispose d’un nombre de points à consommer et donc à répartir en fonction de choix établis sur une base annuelle.
Ainsi, un jeune cadre célibataire privilégiera des avantages en nature ou un accès privilégié à un prêt immobilier au détriment d’une large couverture pour la prévoyance ou la retraite. Un salarié de plus de 40 ans pourra réaliser un choix inverse.
Selon le cabinet Hewitt, 40 % des grandes entreprises canadiennes recourent aux rémunérations flexibles. 12 % des entreprises, en France, auraient des programmes de rémunération à la carte. Dans la rémunération à la carte, il y a une véritable individualisation des parcours salariaux ce qui la distingue des simples accords de flexibilité qui s’appliquent à des catégories de salariés au sein de l’entreprise.
1.Le contexte
Aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, le plein emploi oblige les entreprises afin d’attirer les meilleurs éléments à renouveler leur politique de rémunération. Les jeunes salariés considèrent que les politiques mises en œuvre par les employeurs favorisent les baby-boomers et ne prennent pas suffisamment en compte leur spécificité. Le salaire à la carte constitue une réponse de la part des responsables des ressources humaines à destination des moins de 35 ans.
La nouvelle génération est plus mobile, mieux informée et plus alerte pour demander des augmentations individuelles. Dans des pays à faible taux de chômage, la menace de démission est fréquente.
Nortel a ainsi créé un «portefeuille vie professionnelle» composé de programmes de loisirs et santé.
AstraZeneca, le Groupe RBC Banque Royale et la Banque du Canada ont également mis en œuvre des packages salariaux.
2.Avantages/inconvénients
La rémunération flexible permet de s’adapter aux besoins des différentes générations qui composent l’effectif d’une entreprise et constitue un élément non négligeable de fidélisation. Elle permet aussi l’atteinte d’objectifs organisationnels stratégiques.
L’arbitrage entre plusieurs éléments peut permettre à l’employeur d’économiser en masse salariale et en charges sociales.
Cette pratique permet également de mieux maitriser les dépenses sociales des entreprises. Les dépenses de santé et les dépenses de retraite, étant vouées à augmenter, les entreprises anglo-saxonnes souhaitent un suivi plus fin de ces dépenses et réduire leurs engagements.
Les syndicats sont assez réticents face à ces nouvelles pratiques qui à leurs yeux aboutissent à rendre opaques les politiques salariales des entreprises et à supprimer les liens de solidarité au sein des entreprises. Ils craignent que la rémunération flexible aboutisse à réduire le montant de leur salaire et limite le montant des augmentations.
Néanmoins, la satisfaction à leur encontre est élevée : 94% des entreprises qui offrent de tels régimes considèrent avoir atteint leurs objectifs sociaux (ressources humaines), et 97% des employés bénéficiaires ont qualifié le régime de bon à excellent (Hewitt et associés, 2003).
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