dimanche 7 février 2016

La France en mal de productivité !

Si la croissance est faible en France, c’est avant tout à cause de la diminution, depuis la fin des années 90, des gains de productivité horaire. Ce déclin de la productivité n’est pas spécifique à la France, il concerne l’ensemble de l’Europe au point que le décrochage avec les Etats-Unis devient criant.

En 1950, la productivité horaire était en France inférieure de 50 % par rapport à celle des Etats-Unis. Grâce à une forte accélération des gains de productivité, ce retard a été comblé en grande partie dans les années 80. La productivité augmentait de 5 à 6 % durant les années 50-60.Elle s’est érodée de décennie en décennie. Elle est passée de 3-4 % dans les années 70 à 2-3 % dans les années 80. Elle était comprise entre 1,5 -2 % dans les années 90 et jusqu’au milieu des années 2000. Depuis, elle est passée en-dessous de la barre du 1 %. Le taux moyen de croissance entre 2003 et 2014 est de 0,7 %.

Les Etats-Unis ont connu une évolution semblable mais avec un rebond dans les années 90 avec la diffusion des nouvelles technologies. L’Europe a été moins sensible à ces technologies à l’exception de la Suède.

L’Europe et tout particulièrement la France ont opté pour une intensification de la croissance en emploi. En multipliant les systèmes d’aide à l’emploi, les pouvoirs publics ont réduit, par voie de conséquence, les gains de productivité. Par ailleurs, du fait des contraintes réglementaires et de la pression sociale, les entreprises n’ont pas adapté totalement leur effectif à leurs ventes. Selon une étude « Ducoudré et Plane – OFCE » de 2015, les sureffectifs concerneraient, à la fin du deuxième trimestre 2015, plus de 100 000 personnes.

Au-delà de ces facteurs, le retard de productivité des entreprises françaises s’explique par la faible diffusion des techniques de l’information et de la communication. Selon une étude « Cette, Clerc et Bresson », le stock de capital en matériel informatique et de communication ainsi qu’en logiciels serait inférieur de 25 % à celui des Etats-Unis. Il correspondrait au stock des Etats-Unis de la fin des années 80 soit bien avant la révolution numérique.

Les entreprises, en raison de leur petite taille, ne sont pas des acteurs du Net. En 2014, 63 % des entreprises françaises ont un site Internet contre 75 % en moyenne au sein de l’OCDE et 90 % dans les pays d’Europe du Nord. Seules 17 % des entreprises françaises sont présentes sur les réseaux sociaux contre 25 % en moyenne au sein de l’OCDE. Le taux d’équipement des entreprises, en France, en robotique est deux fois plus faible qu’aux Etats-Unis ou en Allemagne. Selon une étude de France Stratégie, la France ne souffre pas d’un sous-investissement mais avant tout d’un mal-investissement.

La France n’a pas suffisamment renouvelé son tissu économique. Les positions de rente, les protections diverses et variées n’ont pas permis l’enclenchement d’un processus de destruction créatrice. Aux Etats-Unis, de nombreuses entreprises ont disparu remplacées par de nouvelles qui ont pu attirer des capitaux afin de s’accroître. Dans le secteur manufacturier, 50 % de la croissance a été tirée, aux Etats-Unis, par cette réallocation des capitaux en faveur de nouveaux acteurs. Pour le commerce de détail, ce taux est de 90 %. En Europe, les entreprises productives n’arrivent pas à grandir quand les moins productives ne périclitent que lentement. Il y a stagnation par absence de respiration du tissu économique.

La France souffre d’une insuffisante qualification de sa population active. La massification de l’enseignement supérieur est récente. Le faible niveau de qualification des générations plus anciennes pèse sur la productivité. En outre, la formation constitue une autre faiblesse. En 2013, 36 % de la population active a bénéficié d’une action de formation contre 50 % en moyenne au sein de l’OCDE et 70 % au sein des pays d’Europe du Nord. 56 % des diplômés de l’enseignement supérieur bénéficient d’actions de formation contre 17 % des actifs qui n’ont atteint que le deuxième cycle.

L’enseignement délivré n’est pas, en outre, en phase avec les besoins générés par les techniques de l’information et de communication. Il demeure très académique, la priorité étant donnée à l’acquisition des connaissances quand dans de nombreux pays dont ceux de l’Europe du Nord, l’accent est mis sur les méthodes. En France, le système éducatif est élitiste avec une valorisation du travail individuel à travers la notation, à travers l’acquisition de connaissances. La sélection s’effectue soit par concours pour les grandes écoles soit par la capacité à se frayer un chemin dans le parcours universitaire. Dans ces conditions, le poids de l’environnement familial voire géographique est déterminant. Dans de nombreux pays, le parcours scolaire repose avant tout sur l’acquisition de méthodes avec une part importante accordée au travail collaboratif. Le système éducatif français tend à s’adapter à la nouvelle donne même si des résistances existent (intégration des moyens d’information et de communication, travail en groupe…) mais il faudra plusieurs années afin que cette évolution se diffuse au sein de la population active. Toutes les réformes scolaires qu’elles portent sur l’organisation du système éducatif ou sur les programmes freinent font l’objet de contestation quasi-idéologiques.

La France protège trop ses entreprises et ses emplois. Les pouvoirs publics afin d’atténuer les conséquences des fermetures d’établissement ont pris de nombreuses mesures qui dans les faits se retournent contre les actifs. La rotation des entreprises et des emplois est trop faible en France. La protection des emplois existants empêche à ceux qui sont sur le marché du travail de trouver un nouveau poste. Le droit français protège les actionnaires et l’emploi à court terme au détriment des entreprises naissantes qui auraient besoin de plus de flexibilité. L’emploi à vie est un principe admis en France. Le poids de la fonction publique, plus de 5 millions de salariés, soit près de 20 % de la population active occupée, explique sans nul doute la popularité de ce principe. Les Français occupent plus longtemps le même emploi que leurs homologues européens, 11,4 ans contre une moyenne de 10 ans en Europe et 9 ans au Royaume-Uni. En France, malheur à l’exclu. Un actif sorti du marché du travail éprouve les pires difficultés à retrouver un emploi. Le chômage est vécu comme une tare.

La dualisation du marché du travail pèse également sur la productivité sur le long terme. Afin de contourner la rigidité du droit du travail, les entreprises recourent de plus en plus, pour les nouveaux entrants, aux CDD ou à l’intérim. Notre système est constitué d’un cœur d’emploi stables et protégés. En périphérie, un monde d’emplois précaires s’est développé avec à la clef peu de formation et peu d’investissement dans le capital humain. Les membres du premier club n’ont aucune raison de prendre des risques de peur de se retrouver dans la deuxième catégorie. Face à cette situation, le débat sur la sécurisation des parcours professionnels prend toute sa signification.

Les allégements de charges sur les bas salaires contribuent également à réduire les gains de productivité. Ils ne favorisent pas la montée en gamme des entreprises françaises, ni même la progression professionnelle des actifs. Il conviendrait, en la matière, de lisser les effets de seuil en instituant un abattement sur les 500 ou 800 premiers euros de salaire, applicable à tous les salariés.
La concurrence demeure insuffisante au sein de plusieurs secteurs d’activité dont  le secteur de la grande distribution.

Si la France dispose d’une politique en faveur de la recherche ambitieuse avec notamment le crédit d’impôt recherche, elle demeure malgré une réorientation ces dernières années trop concentrée sur quelques secteurs d’activité et quelques entreprises. La France est, en matière de diffusion des résultats de la recherche développement au sein des PME, distancée par l’Allemagne ou la Suède.


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