Le rapport sur les retraites dite « chapeaux » avait été commandé au Gouvernement par le Parlement dans le cadre de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010. Il devait servir de base de réflexion pour une éventuelle réforme.
Force est de constater que le rapport est en-deçà des objectifs que lui avaient assignés ses commanditaires. En effet, les rapporteurs ont été contraints d’admettre qu’ils ne disposaient pas de bases statistiques fiables pour établir un panorama complet des régimes relevant du L.137-11. les pistes de réformes sont lacunaires et certaines propositions sont déjà insérées dans les textes en cours de discussion.
1. le champ du rapport
Le rapport se concentre sur les systèmes de retraite supplémentaires à prestations définies et à droits aléatoires, ces systèmes pouvant être additionnels ou différentiels.
2. statistiques
Les auteurs du rapport ont eu recours aux statistiques de l’AMF, de l’Urssaf de Paris, de la FFSA et de la DRESS pour tenter d’avoir une vision quantitative de l’article 39.
Selon un rapport de l’AMF, 83 % des dirigeants des entreprises cotées bénéficiaient d’un régime de retraite à prestations définies. Dans 89 % des cas, les bénéficiaires constituent une catégorie plus large que les dirigeants stricto-sensu (cadres dirigeants, membres du comité de direction générale, membres du comité exécutif…). Dans 37 % des cas, une condition d’ancienneté de 5 à 10 ans a été posée. 30 % des entreprises concernées donnent une information individualisée sur les engagements relatifs à ces retraites.
Les systèmes couvrant tout ou partie du personnel sont, en règle générale, issus des anciennes IRS. Le cumul des engagements est évalué à 20 milliards d’euros pour cette dernière catégorie. Les IRS ont été créées à la suite de la privatisation d’entreprises publiques afin de maintenir les règles de la fonction publique. L’employeur s’engageait au moment du basculement dans la sphère privée à maintenir la règle des 75 % du dernier salaire.
Certaines entreprises avaient mis en place dans les années 60 et 70 des régimes L137-11 hors IRS.
Du fait de l’exonération applicable aux rentes inférieures à 1000 euros, le décompte du nombre de rentiers est complexe car il n’y a pas d’obligations statistiques.
Par ailleurs, entre le nombre potentiel d’ayants-droits et le nombre réel des futurs rentiers, il y a une différence non négligeable du fait de l’obligation d’être présents dans l’entreprise au moment de la cessation d’activité. Le nombre de salariés couverts est très différent de celui des bénéficiaires.
Selon la Direction des Etudes Statistiques et Sociales, 826 entreprises ont déclaré en 2009 une des trois contributions prévues au L 137-11 avec un rendement de 35,8 millions d’euros. 93 % des ressources proviennent de la contribution à l’entrée. Les entreprises concernées sont essentiellement situées en Ile de France et ont plus de 2000 salariés. Elles relèvent des secteurs suivants : activités juridiques, conseil, ingénierie, activités financières et assurances.
La contribution à la sortie est acquittée par des entreprises de taille plus modeste et qui sont situées en Ile de France mais aussi en Provence-Alpes-Côte-D’azur et région Rhône-Alpes.
La DRESS n’appréhende qu’imparfaitement les retraites chapeaux car elle ne dispose pas de statistiques pour les rentes inférieures au plafond de taxation et pour les régimes n’ayant pas de rentier.
L’Urssaf de Paris dénombre 2 528 établissements ayant un système à prestations définies.
Conclusion sur les statistiques
Les rapporteurs ont noté que depuis 2003 le nombre de régimes à prestations définies a tendance à augmenter. Par ailleurs, la fin des Institutions de retraite supplémentaire a contribué à augmenter le nombre de régimes L 137-11.
En fonction des données recueillies de 7400 à 10 500 entreprises possèderaient un régime supplémentaire à droits aléatoires avec comme caractéristiques :
• 89 000 bénéficiaires de rentes viagères ;
• 1,7 milliard d’euros de provisions mathématiques constituées ;
• 4,1 milliards d’euros de provisions mathématiques liquidées ;
• 345 millions de rente de prestations ;
• 97 % des entreprises ont externalisé leur mode de gestion.
• 9 % des bénéficiaires auraient moins de 60 ans ;
• 22 % auraient entre 60 et 64 ans ;
• 25 % entre 65 et 69 ans ;
• 32 % entre 70 et 79 ans ;
• 12 % plus de 80 ans.
Les deux tiers des bénéficiaires seraient des hommes.
• 18 % des bénéficiaires toucheraient moins de 1000 euros
• 20 % entre 1000 et 2000 euros
• 16 % entre 2000 et 3000 euros
• 12 % entre 3000 et 4000 euros
• 10 % entre 5000 et 7000 euros
• 15 % au-delà de 7000 euros
Le montant moyen de la rente est de 3 875 euros par an.
10 % des entreprises acquittent la taxe à l’entrée et 2 % sur les rentes (chiffre faible du fait de l’abattement).
3. le régime social et fiscal
La contribution spécifique sur le L 137-11
L’article L 137-11 du code de la sécurité sociale prévoit une contribution spécifique finançant le Fond de solidarité vieillesse. Les employeurs doivent choisir de manière irrévocable soit :
• Une taxe sur les primes versées à un organisme d’assurances ou sur les dotations de provisions ou le montant annexé au bilan de l’entreprise. Le taux initialement de 6 % est passé à 12 % en cas de gestion externe et de 12 à 24 % en cas de gestion interne.
• Une taxe sur les rentes pour la partie excédant un tiers du plafond de la sécurité sociale avec un taux initial de 8 % porté depuis le 1er janvier 2010 à 16 %.
Depuis le 1er janvier 2010, les nouveaux régimes sont obligatoirement gérés en externe.
Enfin quel que soit l’option prise, l’employeur doit acquitter une taxe de 30 % assise sur les rentes (sur leur montant total) excédant 8 fois le plafond annuel de la sécurité sociale (276 900 euros en 2010).
Les rapporteurs soulignent que les entreprises ont majoritairement opté pour le paiement de la contribution à la sortie. Du fait de l’existence de l’abattement sur les mille premiers euros de rente, la base taxable est faible. Ils considèrent cet état de fait inéquitable et se prononcent en faveur de la suppression de l’abattement (prévu dans le PLF 2011).
4. Evolutions possibles du régimes
Le caractère non portable et non individualisable des charges
La condition de présence à l’achèvement de la carrière dans l’entreprise est contestable mais les rapporteurs ont souligné qu’elle permettait aux PME d’attirer des cadres de qualité et de stabiliser leur équipe.
En revanche, elle est une source d’incertitudes sur l’effort d’épargne à réaliser pour sa future retraite et elle constitue un frein indéniable à la mobilité. Par ailleurs, le rapport mentionne que ce régime est en contradiction avec la notion de portabilité des droits, notion que la Commission de Bruxelles tente d’imposer aux pays membres.
Les auteurs du rapport ont mentionné que la clause de fin de carrière est contournée dans un certain nombre de cas à travers le maintien dans les effectifs même si le bénéficiaire n’a plus aucune fonction.
Les régimes à prestations définies permettent l’acquisition de droits élevés pendant une période faible passée dans l’entreprise ce qui rend leur pilotage délicat. L’aléa porte sur la présence du salarié en fin de carrière et sur le montant du salaire ainsi que pour les régimes différentiels sur l’évolution des régimes obligatoires. Il en résulte que les entreprises n’externalisent qu’en partie le régime.
Les rapporteurs jugent l’externalisation insuffisante et soulèvent les problèmes comptables au regard des normes internationales.
La déductibilité des cotisations n’est possible qu’à travers leur aliénation auprès de l’assureur. De ce fait, les entreprises limitent au maximum leur contribution. La nature même de l’article 39 aboutit à une sous-externalisation car il dépend de la volonté de l’employeur et du salarié et non de l’assureur qui ne peut s’engager à couvrir un aléa non identifié. Il en résulte qu’en pratique au départ à la retraite, le contrat d’assurance est alimenté des sommes issues des contrats des actifs avec le cas échéant une prime de l’employeur.
Selon les rapporteurs, l’externalisation complète exigerait un délai d’au moins 5 ans voire plus (15 ans) vu les problèmes constatés avec la transformation des IRS.
Possibilité d’individualisation de la contribution assise sur les primes ou versements
L’individualisation permettrait d’aligner le régime sur celui du 83 en matière de taxation et d’instituer une progressivité. L’individualisation pourrait être menée à travers les clauses des contrats de travail qui mentionnent les éventuels bénéficiaires. Le problème serait de fixer un montant moyen par tête qui serait soumis à taxation. La tentation des entreprises serait alors d’accroître le nombre de bénéficiaires potentiels pour diminuer le montant des taxes.
L’autre voie étudiée est de supprimer l’aléa liée à l’achèvement de sa carrière dans l’entreprise. Une telle mesure permettrait l’identification et pourrait rendre portable le régime. Une telle réforme ne serait pas sans risque sur un plan juridique et atteindrait à la liberté d’entreprendre.
La taxation
Les rapporteurs prennent acte que 90 % des entreprises acquittent la taxe à la sortie sur les rentes. Ils soulignent néanmoins qu’un système de contribution à l’entrée serait plus efficace et permettrait de mieux influencer le choix des employeurs. Il pourrait être également instituée une taxation au moment de la liquidation pour solde de tout compte.
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