L’Europe a été la zone économique la plus touchée par la crise économique ; elle ne bénéficie qu’avec modération de la reprise qui se dessine à la différence des Etats-Unis et de l’Asie.
Par facilité et par souci de faire porter la faute d’autres, il a été complaisamment répété que la crise était d’origine américaine et qu’elle n’était que le fruit de comportements spéculatifs et pervers de banquiers anglo-saxons.
Force est d’admettre que la crise avant d’être financière est économique. Cette dernière avait commencé avant même les révélations sur les défaillances de certaines banques ou de certains fonds. La multiplication des déséquilibres, l’affaissement des gains de productivité en occident ainsi que la hausse des matières premières ont tissé une trame de fond propice au déclenchement d’une crise majeure dont les premiers signes remontent à 2007.
Les responsables européens en reportant les torts sur les Etats-Unis ont négligé d’étudier la réalité économique.
L’Europe est gangrénée par une dérive des comptes publics d’un grand nombre de ses Etats, par de faibles gains de productivité et par une atonie de la croissance entretenue également par une stagnation de sa population.
En 2008/2009, les dirigeants européens ont répété que la crise marquait la victoire du modèle européen reposant sur un système développé d’Etat providence. Ce système n’a pas empêché la crise, le chômage, la pauvreté… Ce système est aujourd’hui une chape de plomb qui empêche l’Europe de renouer avec la croissance.
A la différence des Etats-Unis, les marges de manœuvre d’un grand nombre d’Etat européens sont faibles. Les déficits publics étaient élevés avant la crise. La norme des 3 % du PIB fixé par Maastricht était, sans nul doute, trop laxiste en période de croissance ; elle a été, en outre, contournée par de nombreux Etats. L’endettement n’a pas cessé de croître depuis le milieu des années 70, seuls quelques Etats ont réussi à le réduire ou à la stabiliser mais à des niveaux élevés. Face à la crise, les Etats ont tout à la fois accru la dette publique en acquérant des participations dans des entreprises et en multipliant les dépenses de soutien. Le patient européen était déjà drogué ; il a été décidé d’accroître la dose de morphine au risque de le plonger en léthargie.
A l’heure de régler les comptes, car le transfert massif de dettes du privé vers le public ne pouvait pas laisser les investisseurs indifférents, les Européens sont démunis. Le niveau élevé des prélèvements obligatoires (plus de 40 % du PIB en moyenne) rend l’utilisation de cette arme difficile. L’augmentation des impôts et taxes ampute le pouvoir d’achat des consommateurs ou pénalise la compétitivité déjà faible des entreprises. Les Etats-Unis avec un taux de prélèvements obligatoires de 30 % du PIB n’ont pas le même problème.
Il ne reste donc comme possibilité que de réduire les dépenses comme il est demandé de le faire à la Grèce avec comme conséquence de plonger l’Europe encore plus dans la stagnation.
Ce qui est en cause c’est bien le modèle européen d’économie mixte avec un système large de protection sociale qui coûte plus qu’il ne protège.
Avec une population vieillissante accrochée à ses droits et avec une jeunesse peu nombreuse et sans illusion, l’Europe est en proie aux doutes.
Le succès allemand semblerait prouver que des solutions existent. L’Allemagne a réussi à surmonter le coût de la réunification et de maintenir sa compétitivité afin de rester le leader des exportations mondiales au prix d’une maîtrise poussé des salaires et d’une gestion stricte des finances publiques. Le régime des retraites a été réformé en fixant un taux maximum de cotisation et en prévoyant de relever l’âge légal à 67 ans. Il n’est pas surprenant que l’Allemagne ait réussi à maintenir son déficit public autour des 3 % du PIB en pleine crise. L’Allemagne est aidée par sa démographie. Depuis 2003, l’Allemagne se dépeuple ; elle peut supporter plus facilement une réduction de son système d’Etat providence. Les gains de PIB sont plus faciles à partager avec une population en diminution qu’avec une population en croissance.
Il n’est pas étonnant que les Allemands rejettent l’idée d’aider les pays laxistes ayant laissé filer leurs déficits depuis des années. En vertu de quoi les fourmis devraient aider les cigales. Déjà méfiants lors de l’instauration de l’euro et de l’abandon du mark, ils sont aujourd’hui hostiles à se transformer en pompiers européens.
Dans une zone euro où il n’y a pas de gouvernement économique, où la mobilité des travailleurs est faible, où il n’y a pas de fonds de soutien, tout écart de compétitivité, tout écart en matière de gestion publique se paie directement et cher. La zone monétaire européenne n’a jamais été optimale au sens des monétaristes. Il y a urgence de trouver des solutions pour instaurer des soupapes de sécurité. Il y a eu défaillance des organes de contrôle qui n’ont pas anticipé les risques que les Etats membres faisaient prendre aux autres à travers des politiques laxistes. Les Etats souverains n’acceptent pas l’immixtion dans leurs affaires publiques ; le problème est que depuis 1999, l’euro est le bien commun de 16 Etats qui en sont collectivement responsables. La mise sous tutelle d’Etats membres n’est pas prévue d’où le recours au FMI comme gardien du temple. Jusqu’à maintenant ses interventions étaient liées à des problèmes de changes, de déficits de balance des paiements courants, avec l’euro, il doit intervenir pour régler des problèmes de déficits et de dettes excessifs. Certes, cette problématique existe dans ses autres interventions. Le Royaume-Uni et plus récemment l’Islande ont fait appel au FMI pour surmonter des crises financières. Il n’en demeure pas moins que l’Europe semble démunie pour juguler un mal qui ronge depuis plus de 30 ans un grand nombre de ses membres.
Le retour à un modèle moins laxiste, moins démagogique, plus ciblé, moins étatiste constitue une nécessité pour faire face à la crise de l’endettement public mais aussi pour reprendre le chemin de la croissance mondiale.
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