D’ici 2050, le monde devra régler quatre chocs majeurs. Aujourd’hui, nul ne sait exactement comment l’humanité pourra relever ces défis. Les plus pessimistes jugent que la multiplication des conflits armés est inévitable, d’autres que nous allons devoir réviser en profondeur nos comportements. Les plus optimistes considèrent que face à la multiplication des contraintes et grâce à l’élévation des compétences, le monde s’engagera dans les prochaines années dans un nouveau cycle de croissance.
Le choc démographique
Le choc démographique est double.
En 2050, la terre devrait compter plus de 9 milliards d’habitants contre 6 aujourd’hui. Certes, le rythme de progression de la population se ralentit, 50 % en 40 ans contre 150 % de hausse de 1950 à 2000. Il n’en demeure pas moins que nous atteindrons un pic de population qui sera d’autant plus difficile à gérer que le phénomène heureux de rattrapage économique des pays autrefois sous-développés ne peut que générer que des tensions sur les marchés alimentaires, d’énergie et de matières premières.
Le choc démographique se caractérise également par un vieillissement sans précédent de la population. De 2009 à 2040, les personnes âgées de plus de 65 ans passeront à l’échelle mondiale de 506 à 1,3 milliards. Ce vieillissement bien connu en Europe concernera tous les pays, et en premier lieu des pays émergents comme la Chine. L’Allemagne, la Russie et plusieurs pays d’Europe de l’Est sont déjà engagés dans un processus de décroissance démographique.
Pour la première fois, hors période de guerre et hors épidémie mondiale, la population active commencera à décroître à l’échelle mondiale après 2030. Cette inversion a pour conséquence automatique qu’un nombre réduit d’actifs devra subvenir à un nombre croissant d’inactifs. L’équation de l’économie moderne qui reposait sur le travail, le capital et le progrès technique devient de plus en plus bancale d’autant plus que les gains de productivité tendent à se réduire.
Le choc environnemental
Le choc environnemental n’est pas sans lien avec le précédent. La finitude du monde prend toute sa signification à partir du moment où l’espèce humaine met en jeu sa vie en surexploitant son lieu de vie au risque de rendre cette dernière plus difficile. L’alignement des modes de vie sur le modèle le plus polluant ou le plus énergivore a une double conséquence :
- il n’est pas certain que la planète, toute chose étant égale par ailleurs, puisse fournir en quantité suffisante et à un coût raisonnable les matières premières et énergétiques nécessaire ;
- il apparaît de plus en plus certain que le mode de croissance actuelle est dangereux à moyen terme pour la planète et pour l’espèce humaine.
Le choc de la dette publique
Avec l’explosion de la crise financière et afin d’éviter la répétition de la crise de 1929, un transfert de dette a été opérée aboutissant à accroitre le niveau d’endettement des Etats. Jamais, en période de paix, les Etats n’avaient été confrontés à des taux d’endettement aussi élevés. Au sein de l’OCDE, le taux moyen dépassera les 100 % du PIB d’ici 2013. Compte tenu du vieillissement de la population, les engagements des pouvoirs publics ne peuvent qu’augmenter dans les prochaines années avec à la clef un risque de perte de contrôle de la dette.
Actuellement, ce sont les pays dits émergents qui financent les Etats ex-industrialisés dits encore riches. Les « pauvres » paient les factures, les impayés des Etats-Unis ou de l’Europe. Ce financement s’appuie sur l’obligation de maintenir en état les centres de consommation que sont les pays occidentaux. En outre, les vieilles démocraties, par leur stabilité, offrent de la sécurité aux investisseurs ce qui n’a pas de prix.
A terme le développement des classes moyennes chinoises ou indiennes, le besoin de la Chine et de l’Inde de mettre en place un véritable système de sécurité sociale devrait réduire les flux de financement, portant atteinte au système occidental.
Le système actuel est faussé en grande partie par la non existence d’un système monétaire mondial rationnel. L’inconvertibilité du Yan et sa sous-évaluation freinent voire empêchent les ajustements économiques de se réaliser. Les excédents commerciaux de la Chine devraient aboutir à une revalorisation du Yan tout comme il est logique que le dollar se déprécie au regard des fondamentaux des Etats-Unis.
Le choc de croissance
La croissance depuis vingt ans s’est nourrie de la baisse des coûts de production offerte par la mondialisation. Cette mondialisation a revêtu deux visages, la chute de l’URSS et du mur de Berlin, le décollage de la Chine, de l’Inde et de l’Amérique Latine.
Elle s’est nourrie du 11 septembre 2001 qui a débouché sur un cycle d’argent pas cher, favorisant ainsi la spéculation et des dépenses de guerre américaines.
La logique de court terme l’a emporté dans bien des domaines du fait que l’échelle des risques a été altérée. L’innovation d’industrielle est devenue financière au point que les meilleurs chercheurs se sont orientés vers la banque ou la finance.
L’affaissement des gains de productivité réelle n’est que l’expression de cette orientation de l’économie. Ce n’est pas le libéralisme qui est en cause car le comportement des acteurs a été influencé en grande partie par des décisions publiques. La mondialisation couplée aux faibles taux d’intérêt a eu des effets comparables à l’arrivée de l’Or des Andes en Espagne ou au Portugal. Il y a initialement un indéniable effet richesse qui génère, par facilité, un affaissement des capacités d’innovation et d’adaptation. L’Espagne tout comme le Portugal ont connu plusieurs siècles de déclin avant de renouer avec le développement.
Il est fort à parier que les questions liées à la dette, à l’environnement et au vieillissement accapareront les prochaines années. Cette accumulation de chocs peut stimuler ou paralyser. Mais au-delà du pessimisme facile, il faut avoir à l’esprit que jamais l’humanité n’avait disposé d’autant d’atouts pour surmonter cette série de chocs.
Le niveau des connaissances ainsi que le nombre de chercheurs n’ont jamais été aussi élevés. La mutualisation des connaissances, le travail en réseau à l’échelle internationale sont des sources de découvertes, d’innovation dont nous n’avons pas conscience. Malgré les tensions, malgré les séismes financiers, la concertation internationale demeure et s’est même accrue. La menace d’une guerre généralisée pour accéder aux matières premières n’est pas aujourd’hui d’actualité. Les rencontres sur le climat même si les résultats sont faibles témoignent néanmoins de l’existence d’une prise de conscience mondiale ainsi que de la nécessité pour les dirigeants de coopérer.
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