mardi 3 janvier 2012

Les fantasmes de la TVA sociale ou le retour du jeu de bonneteau



Ce n’est pas en mettant une taxe sur la vache que cette dernière la paiera. La création de la TVA sociale ne changera pas en soi la donne économique et financière de la France.

La TVA sociale qui hante le débat public depuis près de 20 ans repose sur le principe d’un transfert d’une partie des cotisations sociales assises sur les salaires sur la TVA.

L’objectif est de réduire les coûts de production en France à travers une taxation de la consommation.

La TVA sociale pèsera sur tous les biens et services produits ou non en France. La TVA est un impôt qui taxe le consommateur final et non les consommateurs intermédiaires. C’est une tournure de l’esprit de mentionner que la TVA sociale frappera les produits importés et notamment les produits chinois. En effet, elle s’appliquera à tous les biens produits en France ou importés. Il est impossible de distinguer les produits en fonction de leur origine du fait de la réglementation européenne et de celle de l’Organisation mondiale du Commerce.

Le transfert de charges sociales peut prendre deux formes en concernant soit les cotisations patronales, soit les cotisations salariales. Dans le premier cas, le montant des salaires reste inchangé mais le coût du travail est diminué. Les salariés subissent une perte de pouvoir d’achat du fait de l’augmentation de la TVA sauf si les entreprises diminuent les tarifs. En jouant sur les cotisations salariales, les salariés bénéficient d’une augmentation permettant de compenser en partie la hausse de la TVA.

La TVA est génératrice d’inflation. Certes, en période de crise, les tensions inflationnistes sont plus faibles mais il ne faut pas sous-estimer le risque. Il faut souligner que les augmentation des cours des matières premières et de l’énergie ont été supporté par les consommateurs et ont abouti à une dégradation du pouvoir d’achat. La réussite de la TVA sociale suppose une modération des prix et donc également une maîtrise salariale.

La TVA sociale pénalisera le consommateur d’autant plus que la France est un pays importateur de produits finis à la différence de l’Allemagne. Cette dernière importe deux fois plus que la France mais avant tout dans le cadre du processus de production. Les Allemands ont conservé l’assemblage des produits finaux quand la France a privilégié la délocalisation. Or, de nombreux d’origine étrangère ne sont pas substituables avec des produits made in France. De ce fait, l’augmentation de la TVA embêtera peu les Chinois mais plus les consommateurs français.

Les Allemands ont eu recours à la TVA sociale, il faut donc les imiter. Il faut souligner que la politique de compétitivité allemande repose sur plusieurs axes, la maîtrise des coûts salariaux, la réduction des déficits, le développement de l’investissement. A cette fin, le taux normal de TVA est passé de 16 à 19 % en 2007. Seulement un point de cette hausse a été affecté à la baisse des charges sociales ; les deux autres ont été utilisés pour réduire les déficits publics et pour réduire le taux d’impôt sur les sociétés. Par ailleurs, le taux de la TVA allemande était de 3,6 points inférieur à celui de la France.

Quel taux pour la TVA sociale ?

La France est confrontée à un déficit structurel de la Sécurité sociale d’environ d’une dizaine de milliards d’euros. Avant même de transférer quoi que ce soit, il faudrait réduire ce déficit. Un point de TVA normal rapporte environ 7 milliards d’euros.

Il apparaît difficile d’aller au-delà de 22 % pour le taux normal soit environ 21 milliards d’euros. Le simple transfert des cotisations familiales représente environ 33 milliards d’euros sur un total de cotisations de plus de 215 milliards d’euros. De toute façon, la TVA sociale ne modifiera qu’à la marge les coûts salariaux.

L’effet sur la croissance de la TVA sociale est difficilement mesurable. La consommation représente 80 % du PIB en France. Pénaliser la consommation aura un effet récessionniste évident d’autant plus si l’allègement de charges concerne la part patronale et qu’il n’est pas répercuté en baisse de prix ou en augmentation de salaires. A travers le transfert de TVA, les pouvoirs publics chercheront à réduire les déficits ce qui jouera par nature contre la croissance à court terme mais serait favorable à l’économie à moyen et long terme.

Les exportations françaises seraient marginalement dopées à condition que la différence de prix soit un critère suffisant dans le choix des importateurs. La France serait ainsi à la recherche d’un effet dévaluation sans recours à la monnaie. Il faut souligner que compte tenu du montant potentiel du transfert, l’impact sera limité.

Il n’y a pas d’impôts et de taxes parfaites. Il faut trouver ceux qui ont l’effet le moins négatif sur l’économie. Le problème majeur de la France se situe au niveau non pas de son système de prélèvements mais au niveau du montant global de ses dépenses publiques qui est de 4 points supérieur à la moyenne européenne. Ce n’est pas en recourant au jeu de bonneteau que le problème sera résolu. La compétitivité de la France passe par un retour à la moyenne en matière de dépenses publiques et non la recherche d’expédients pour dépenser plus.


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