mercredi 2 janvier 2008

Kafka au pays du PERP

Deux millions de Français ont ouvert un PERP mais combien savent que derrière leur produit d’épargne retraite, il y a un Groupement d’Épargne Retraite Populaire, un Comité de surveillance, une Assemblée des participants ? Peu ! Combien participent réellement aux instances ? Encore moins !

Le législateur a souhaité instituer des mécanismes de surveillance pour chaque PERP afin d’associer les épargnants et de contrôler les compagnies d’assurances. Pour assurer ces missions, il a opté pour la formule associative. Plus de quatre ans après l’adoption de la loi Fillon, la démocratie de l’épargne existe mais se doit d’être confortée.

L’association pour rassurer et pour sécuriser l’épargne retraite

Si les sondages, depuis des années, soulignent que les Français sont nettement favorables à l’instauration d’un système mixte de retraite associant capitalisation et répartition, il n’en demeure pas moins que notre pays éprouve les pires difficultés à instituer un régime général d’épargne retraite.

La capitalisation renvoie tout à la fois à la faillite des rentiers des années trente et aux fonds de pension anglo-saxons honnis en raison de leur comportement soi-disant prédateur. Les syndicats se sont opposés à la création de produits d’épargne retraite de peur qu’ils ne cannibalisent les régimes par répartition.

Ces craintes étaient si fortes qu’il a fallu plus de quinze ans de débats et deux textes pour aboutir à la création du PERP et du PERCO. En effet, la loi Thomas sur l’épargne retraite, adoptée au mois de février 1997, fut abrogée par le Gouvernement de Lionel Jospin. En 2003, François Fillon n’était pas très enthousiaste à l’idée d’intégrer dans son projet de loi une partie consacrée à l’épargne retraite. Il ne l’accepta que sous la pression des parlementaires et par voie d’amendements.

Cette méfiance explique la complexité du système qui a été choisi en 2003. A la différence de la loi Thomas, il fut décidé de créer trois produits, le PERP, le PERCO et le PERE tout en laissant subsister les produits existants : article 83, Prefon…Ces produits s’inspirent de produits existants et reconnus : l’assurance et l’épargne salariale. Par ailleurs, pour éviter toute malversation, pour empêcher la survenue de scandale façon Maxwell ou Enron, le Gouvernement encadra le PERP, le produit d’épargne individuelle, d’un carcan de règles ; le PERCO, produit d’épargne salariale destiné à la retraite étant placé sous le contrôle des partenaires sociaux.

Si le PERP obéit aux règles de l’assurance, il est, en plus, doté d’une machinerie associative. Les deux grands principes qui ont guidé le législateur ont été indépendance et transparence.

Tout PERP est ainsi une émanation d’un Groupement d’épargne retraite populaire et d’un comité de souscription.

Le GERP est une association, loi 1901, soumise à une réglementation spécifique. Il doit obéir à des règles particulières en matière de composition du Conseil d’administration, de convocation de ses adhérents, de transparence financière… Ainsi, le Conseil d’administration doit être composé pour plus de la moitié de ses membres de personnes n’ayant pas de lien direct ou indirect avec l’assureur. Dans les faits, cette indépendance peut être contournée en recourant à des personnes ayant quitté la compagnie d’assurance depuis plus de deux ans ou à des personnes qui ont des liens privilégiés avec la compagnie.

La construction du PERP, une histoire assez byzantine

Pour créer un PERP, il faut rassembler au moins cent personnes membres du GERP qui déclarent avoir l’intention de souscrire un PERP. Cette formule est digne de la fable de la poule et de l’œuf. Dans les faits, les responsables des compagnies d’assurances ont demandé à leurs salariés de donner leur nom pour participer à l’aventure du PERP. Logiquement, ils doivent adhérer au GERP, ce qu’ils ne font pas. Par ailleurs, leur intention de souscrire un PERP ne signifie pas qu’ils souscriront un PERP, tout salarié conserve la liberté de placer où il veut son argent !

La seconde hypocrisie est constituée par la création, en vue de la souscription du plan, d’un comité chargé de déterminer les dispositions essentielles du plan. Selon l’arrêté, « la composition et le mode de désignation des membres de ce comité sont définis par le conseil d'administration de l'association ». Bien évidemment, ce sont les services en charge de la production des produits d’assurances qui fixent les cahiers de charges. De même, comment imaginer que l’assemblée des potentiels souscripteurs n’approuve pas le choix de l’organisme d’assurance gestionnaire du futur PERP ? Imagine-t-on sérieusement qu’une compagnie d’assurance qui a l’intention de lancer un PERP se fasse désavouer en interne, par ses salariés ?

Cette procédure est très artificielle voire ubuesque. Initialement, elle visait à favoriser l’émergence de PERP issus de la société civile. Mais, dans les faits, seuls les compagnies d’assurances, les banques ou les mutuelles pouvaient construire et distribuer un produit aussi compliqué et réglementé. A partir du moment où le Gouvernement a également créé un produit d’épargne retraite collective avec le PERCO, les entreprises, les fédérations professionnelles n’ont aucun intérêt à se lancer dans un PERP. La procédure de création d’un PERP peut apparaître absurde.

Chaque PERP est donc la résultante d’un contrat qui lie un GERP avec une compagnie d’assurance. Le GERP a la responsabilité de mettre en place un comité de surveillance et de veiller à la tenue des assemblées de participants rassemblant les titulaires d’un même PERP.

Les fonctions exécutives et législatives du PERP

Le Comité de surveillance joue le rôle du Gouvernement du PERP en assurant le contrôle de l’organisme d’assurance et en fixant les grandes orientations de gestion. Il est composé pour plus de la moitié de ses membres de personnes indépendantes de la compagnie d’assurance parmi lesquelles sont désignés son président ainsi qu’un membre chargé de l’examen des comptes du plan, un membre chargé des nominations et des rémunérations et un membre chargé des orientations de gestion du plan. Plus de la moitié des membres sont élus par l’Assemblée des participants.

Quelles sont les missions dévolues à un Comité de surveillance ? Elles sont nombreuses. Ainsi, il est notamment chargé d’émettre un avis sur le rapport de gestion de l’assureur et de rédiger également un rapport annuel, de décider la mise en œuvre d’expertises juridiques, comptables, actuarielles et financières du plan et d’en assurer le suivi. Il doit examiner les modalités de transfert du plan et élaborer les propositions de modification du plan, proposer la reconduction ou le changement de l'organisme d'assurance gestionnaire du plan et organiser le cas échéant, la mise en concurrence des organismes d'assurance en vue de la gestion du plan. Il émet aussi un avis sur la proposition, faite par l'organisme d'assurance gestionnaire du plan, de rémunération de l'épargne des participants du plan selon leur profil d'épargne. Il doit émettre, par ailleurs, un avis sur le traitement des réclamations des participants du plan par l'organisme d'assurance gestionnaire. Le Comté de surveillance tend dans les faits à réécrire le rapport de l’assureur. Il veille dans les faits à ce que ce dernier respecte le calendrier et établisse son rapport.

Le comité de surveillance fait également procéder au moins tous les cinq ans à des études actuarielles du plan. Il désigne à cet effet un actuaire agréé. Ces études ont essentiellement pour but d'évaluer les risques susceptibles d'affecter le plan. Elles portent en particulier sur les frais et commissions prélevés, sur la structure et les perspectives démographiques du plan, sur la politique d'investissement, la structure des placements du plan et l'adéquation entre ces placements et les engagements de l'organisme d'assurance au titre du plan.



Ses différentes missions doivent être exercées par les membres du Comité de surveillance qui sont, en règle générale, de 8 à 10. Bien évidemment, ils ne peuvent les assurer seules ; ils ont besoin de l’appui technique de l’assureur. Se réunissant en moyenne deux fois par an, ils n’ont guère la faculté d’étudier en profondeur les documents techniques. Les membres ayant des missions particulières ne les assument guère avant tout pas le fait que les missions n’ont aucun intérêt. La personne en charge des nominations et des rémunérations ne croule pas sous le travail car il y a peu de nomination et peu de rémunération à distribuer dans le cadre d’un comité de surveillance de PERP. A quoi pensait le législateur au moment de la rédaction de ce texte ? Les débats parlementaires ne sont pas très prolixes sur le sujet.

Pour valider les décisions, le législateur a prévu qu’au moins une fois par an, tous les titulaires d’un même PERP soient convoqués en Assemblée des participants. A cette occasion, ils doivent approuver le rapport annuel sur la gestion et la surveillance du plan établi par le comité de surveillance, ainsi que les comptes annuels, approuver le budget du plan établi par le comité de surveillance, procéder à l'élection et au renouvellement des membres élus du comité de surveillance et, le cas échéant, approuver la désignation par ce comité ou par le conseil d'administration de l'association des personnalités qualifiées en qualité de membres de ce comité.

Cette assemblée peut également révoquer à tout moment tout membre de ce comité.

Pour les décisions les plus importantes, l'Assemblée des participants d'un plan est convoquée à titre extraordinaire pour statuer, par exemple, sur les modifications à apporter, sur proposition du comité de surveillance et après avis de l'organisme d'assurance gestionnaire, aux dispositions essentielles du plan ou sur la reconduction du contrat souscrit auprès de l'organisme d'assurance gestionnaire.

Des règles de quorum ont été instituées tout comme la convocation des adhérents par lettre individuelle. Elles sont censées empêcher la tenue de réunion en catimini. Ces obligations sont avant tout sources de coûts. Qui, après une journée de travail, accepte de perdre plusieurs heures pour assister à une réunion sur son produit d’épargne ? Sommes nous convoqués à des assemblées de titulaires de Renault Mégane ? Dans ces conditions, rien d’étonnant que le quorum pour la tenue des assemblées des participants ne soit jamais atteint lors de la première réunion. Le quorum a été fixé à 25 % des titulaires d’un même PERP, or en moyenne, un pour mille adhérents effectue le déplacement et il n’est pas rare qu’il s’agisse d’un salarié de la compagnie d’assurance.

Le PERP n’est pas un produit classique

Certes, il y a bien des assemblées des actionnaires et à celles des copropriétaires. Pour des raisons différentes, ces assemblées peuvent donner lieu à des débats passionnés. Il faut l’avouer épargner pour sa retraite n’est pas un geste anodin. La période de versement peut s’étirer sur plus de vingt ans tout comme celle du versement de la rente. Un PERP peut accompagner son titulaire sur plus de 40 ans. La durée moyenne d’un produit retraite dépasse 28 ans. Le PERP n’est pas un PEA voire un contrat d’assurance-vie dont la durée de vie est en moyenne inférieure à 10 ans. Dans ces conditions, il est logique que des dispositifs particuliers de contrôle aient été institués.

Les spécificités du PERP exige donc l’organisation de structures de contrôles. Le dispositif actuel répond-il aux besoins et aux attentes. Il est évident que les Français qui entretiennent une relation plus que complexe avec la science économique ne se préoccupe guère du quotidien de leur épargne. Pourtant, ils épargnent plus que le moyenne européenne. Ils y consacrent plus de 15 % de leur revenu disponible brut.


Des moyens limités

Le budget de toute la machinerie associative repose sur les droits d’entrée versés par les titulaires de PERP lors de la souscription. Ils doivent financer le GERP, le comité de surveillance et l’Assemblée des Participants durant toute la vie de leur PERP. Le montant des droits se situe en moyenne entre 15 et 30 euros ce qui ne saurait suffire, du moins sur la durée de vie du PERP. En outre, selon les dispositions réglementaires, le budget établi par chaque Comité de surveillance doit veiller à ne pas dégager des excédents excessifs. De ce fait, en période de souscription, les droits d’entrée qui ne sont versés qu’une fois affluent sur le compte associatif du PERP qui ne peut que soit les dépenser, soient les reverser sur les actifs du plan. En période de maturité du marché ou de faible croissance du PERP, les ressources associatives se tarissent. Il faut également noter que le GERP association réceptrice qui peut posséder plusieurs PERP, se doit aussi d’organiser des Assemblées générales, toujours convoquées par lettres individuelles. Pour se financer, elle n’a pas d’autres solutions que de prélever sa dîme sur les budgets des PERP qu’elle héberge.

Compte tenu de la législation, en tant que besoin, le Comité de surveillance peut décider un prélèvement sur l’actif du plan ce qui n’est guère populaire ; en outre il faut l’accord de l’assureur. L’indépendance souhaitée et affichée devient d’un coup très relative.

Refondation ou amélioration à la marge, à vous de choisir !

Le législateur a tenté d’instaurer un cordon sanitaire autour du PERP. Est-il possible d’améliorer la situation ou faut-il refonder ce système ?

Le PERP est un contrat d’assurance et non un fonds de pension or la loi n’oblige pas les assureurs à recourir à des associations, à des comités de surveillance, à des assemblées de participants pour leur assurance-vie. La volonté d’imposer de la transparence est censée se justifier par la durée des contrats PERP qui peut s’élever à plusieurs dizaines d’années.

Le contrôle de l’épargne retraite s’impose. Il faut simplement mieux l’organiser afin qu’elle gagne en efficacité.

A cette fin, une simplification des règles en vigueur est nécessaire. La forme associative est-elle incontournable ? Elle a été choisie car elle est connue de tous et qu’elle est simple. En revanche, elle apparaît peu adaptée à la surveillance d’un produit financier, technique comme peut l’être le PERP. Philippe Marini, le rapporteur général du budget au Sénat préconise de doter les comités de surveillance de la personnalité morale. De ce fait, ils ne pourraient plus être logés au sein du GERP sauf au risque d’avoir des conflits entre personnalités morales au sujet d’un même PERP.

Réinventons les fonds de pension ?

Le plus simple serait de faire du PERP une personnalité morale contrôlée par une instance indépendante, le comité de surveillance. Le cantonnement des fonds pourrait justifier une telle pratique. Les sociétés de gestion ne créent-elles pas des SICAV ? D’adhérents à une association, les titulaires du PERP deviendraient des actionnaires. Par cette réforme, la France réinventerait les fonds de pension.

Simplifions le quotidien !!!

A défaut de bouleverser le paysage de l’épargne retraite, il est souhaitable d’assouplir le cadre actuel en supprimant les doubles réunions, assemblées des participants au niveau de chaque PERP et assemblées générales au niveau du GERP. Ce qui compte pour l’épargnant, c’est son PERP et non le GERP. Par ailleurs, les règles de quorums ne sont sources que de coûts. Il faut sans nul doute les supprimer.

Pour le financement, un droit annuel perçu au niveau de l’association serait plus sain que la formule actuelle. En effet, les dépenses sont organisées au niveau de l’association qui les mutualise. L’établissement de budget spécifique au niveau de chaque PERP n’a pas beaucoup de signification. Ces budgets retracent essentiellement des dépenses de convocation de réunion. Dans les prochaines années, ils intègreront également des dépenses d’expertises, expertises dont l’ampleur sera limitée par la rareté des ressources mobilisables.

Pour le comité de surveillance, la composition actuelle incite à des nominations de membres factices. A l’image des pratiques en cours pour les conseils d’administration, le recours à des experts indépendants serait bienvenu.
Entrer dans l’ère du web2. 0

Le principe d’une surveillance par les titulaires de PERP de la gestion de la compagnie d’assurance s’intègre parfaitement dans le mouvement participatif actuel. Que les épargnants puissent contrôler la gestion de leur épargne constitue un progrès à condition qu’ils puissent exercer réellement leurs pouvoirs. La formule des assemblées convoquées une fois par an et du rapport annuel pré-formaté apparaît dépassé.

A partir du moment où au moins la moitié des Français sont connectés à Internet, il convient de mettre en place de nouvelles procédures de consultation et d’information en s’inspirant des pratiques du Web2.0.

Aujourd’hui, l’envoi de lettre de convocation individuelle aux adhérents, qui apprennent à l’occasion qu’ils sont membres d’une association dont ils ne connaissent ni le nom, ni les fonctions, est une opération fastidieuse et coûteuse, environ un euro par membre soit pour l’ensemble des PERP, un coût annuel d’environ 2 millions d’euros. Cet argent devrait être utilisé pour informer réellement les adhérents.


Pour une institution de contrôle ?

Les GERP sont aujourd’hui obligatoirement enregistrés auprès de l’Autorité de Contrôle de l’assurance et des mutuelles. Elle ne dispose pas de pouvoirs de contrôle et de sanction sur les GERP qui ne respecteraient pas la réglementation. Elle est une boite au lettre pour les rapports annuels des comités de surveillance mais ne peut pas logiquement déclencher une procédure à l’encontre d’un GERP qui omettrait de les lui envoyer.

Afin de veiller aux respects des droits des adhérents et une égalité de traitement, l’instauration d’une autorité de contrôle ou l’augmentation des pouvoirs de contrôle de l’ACAM en la matière seraient un progrès.

Que fait le Cercle des Epargnants ?

Le Cercle des Epargnants a, dès sa création, choisi de développer l’information et la formation de ses membres avec la création d’un Observatoire de l’épargne retraite et la constitution d’un Conseil scientifique composé de personnalités ayant des compétences en matière économique et sociale comme Jean-Paul Fitoussi, François Héran, Jacques Barthélémy, Robert Baconnier, Florence Legros et Jean-Pierre Gaillard. Le Cercle organise régulièrement des réunions sur le thème de l’épargne et des retraites. Par ailleurs, toujours dans un souci de transparence et d’information, le Cercle s’est doté d’un site Internet et propose des services à ses adhérents (simulation de pension, reconstitution de carrière). Avec des moyens accrus et la simplification des textes en vigueur, les groupements d’épargne retraite populaire et donc le Cercle des Épargnants, pourraient remplir plus efficacement leurs missions