lundi 15 décembre 2008

Retrouver l'esprit du capitalisme

LA CRISE NE DATE PAS DES SUBPRIMES
OU LA NECESSITE DE RENOUER AVEC L’ETHIQUE DU CAPITALISME


Les banquiers sont depuis le début de la crise financière de parfaits boucs émissaires. Ils sont responsables de tous les maux et bien évidemment de la récession qui s’annonce rendant aux yeux de nombreux citoyens l’intervention des Etats en faveur des établissements bancaires illégitimes. Bien évidemment, leurs réactions seraient tout autre si leur épargne disparaissait en cas de faillite bancaire.

Depuis l’éclatement de la bulle Internet, nul ne s’était plaint de l’apport de la finance à la reprise économique, nul ne s’était plaint de l’effet dopant de la construction massive de logements aux Etats-Unis mais aussi en France avec les dispositifs fiscaux incitatifs (Robien, Borloo).

Depuis six ans, l’économie mondiale battait des records de croissance qui ont permis à des millions de personnes d’améliorer sensiblement leurs conditions de vie.

Cette croissance s’est nourrie du développement rapide des pays émergents transformés en ateliers du monde aidés en cela par la possibilité pour les investisseurs de se procurer des ressources financières à bas coûts. La multiplication des délocalisations a accru le pouvoir d’achat des entreprises et des particuliers occidentaux. Les économies américaine et européenne se sont comportées en rentiers. Elles ont récupéré un gain qu’elles ont réinjecté dans les secteurs financier et dans l’immobilier au destin lié à travers la titrisation.

L’accélération du processus de désindustrialisation a été masquée par l’augmentation du nombre de départs à la retraite des actifs juste après la seconde guerre mondiale durant la période appelée « baby boom ». Ainsi, en sept ans, le nombre de départ annuel est passé, en France, de 500 000 à 750 000 en France. Par ailleurs, le bâtiment a contribué à porter l’emploi tout comme le secteur financier et des services. En effet, les gains générés par la baisse des coûts des produits industriels a permis une redistribution au profit des sociétés de conseil, au profit du secteur de la communication….

Néanmoins, la période 2001-2008 n’a été marquée par l’arrivée à maturité de techniques et de processus apparues, du moins sur la scène économique, dans les années quatre-vingt. En effet, l’impact en termes de gains de productivité des « nouvelles techniques de l’information et de la communication » s’affaiblit. La progression en Occident du taux d’équipement en informatique et en connexion Internet se ralentit.

Plusieurs signes tangibles prouvent cette maturité. Ainsi, Vista de Microsoft a été perçu comme une opération marketing et non comme un saut technologique. Le succès des versions dites « open » démonter la banalisation des logiciels. Par ailleurs, la surenchère en termes de puissance, de rapidité, de capacité que les producteurs d’informatique pratiquaient depuis des années s’achève. La mode en cette fin d’année 2008 est la mise sur le marché de portables à bas prix et ne comportant que le strict minimum.

Si le secteur de l’informatique est entré dans une phase de maturité, celui de l’automobile du fait d’une incapacité de se renouveler est entré dans un déclin qu’il est trop tôt pour qualifier de définitif.

Il n’est pas étonnant que les Big Three soient les plus affectés par la crise actuelle. Handicapées par le portage des droits à la retraite de leurs salariés, elles ont bénéficié d’une rente de situation qui les a dissuadés d’investir et d’analyser l’évolution du marché. Il a suffit d’un renchérissement du coût du pétrole et le durcissement de la politique du crédit pour jeter les firmes automobiles américaines au bord du gouffre. L’automobile depuis près de cent ans tourne autour du moteur à explosion qui a été perfectionné. Des éléments de confort ont été ajoutés au fil des décennies au sein des voitures sans pour autant en changer les grandes lignes. Avec la mondialisation, il est apparu possible de construire dans tous les pays des automobiles, devenues un bien de consommation commun. Enfermées dans leur citadelle, les compagnies américaines n’ont pas depuis les années soixante su se remettre en cause. L’installation sur leur territoire d’usines de constructeurs japonais ou européens les a confortés plus qu’elle ne les a inquiétés. Or, le Royaume-Uni a connu le même processus vingt ans auparavant. Aujourd’hui, il n’y a plus de constructeurs anglais.

Il est symptomatique que l’industrie phare du 20ème siècle soit ébranlée à ce point. Accusée de polluer la planète, elle a perdu sa capacité de se renouveler. Les firmes européennes et japonaises ont opté pour la délocalisation de leur production au sein des nouveaux marchés de consommation et pour des produits low cost à l’image de la Logan de Dacia-Renault. Mais, sans nouvelle innovation, la production de voitures en Occident n’est plus rentable. En France, le contribuable participe au maintien d’usines en France du fait que les deux constructeurs, Renault et PSA, sont les principaux bénéficiaires des allègements de charges sur les bas salaires. Mais, Renault ne fabrique déjà plus une grande partie de ses petites voitures en France.

Après le départ du textile, de la sidérurgie…, celui de l’automobile avec tous les sous-traitants qui y sont attachés, marquerait une étape importante du processus de désindustrialisation commencé au début des années soixante-dix. Demeureraient comme secteurs porteurs les secteurs aéronautique, spatial, pharmaceutique… Le secteur informatique faible en Europe reste un point fort pour les Etats-Unis mais il est aujourd’hui incapable de renouveler le saut technologique des années quatre-vingt.

La croissance des années 2000 a buté comme celle des années soixante sur les tensions inflationnistes liées à la montée rapide des cours du pétrole. A la différence de crise de 1973, il n’y a pas eu, en 2008, d’enclenchement d’une spirale inflationniste, du fait de la non revalorisation des salaires. Lors du premier choc pétrolier, ce sont les entreprises qui ont été lourdement touchées ; en 2007/2008, le fardeau a été partagé entre ces dernières et les actifs dont le pouvoir d’achat a été entamé.

En France, le pouvoir d’achat comme le taux de marge des entreprises décroche dès la fin de l’année 2007 soit bien avant la montée en puissance de la crise financière. La récession actuelle s’est construite durant le premier semestre de l’année 2008. Les entreprises ont cessé d’investir il y a déjà près d’un an en prévision de jours sombres. La FCBF des entreprises avaient augmenté de plus de 7 % en 2007 mais est étale depuis.

La croissance des années 2000 a eu son lot d’innovations mais essentiellement financières. Il est donc logique que l’endettement l’ait nourri. Comme le souligne l’OFCE, que ce soit la France, les pays de la zone euro ou les Etats-Unis, l’endettement de tous les acteurs a progressé en huit ans.


Evolution des taux d’endettements bruts
en % du PIB

France Zone Euro Etats-Unis
2000 2007 2000 2007 2000 2007
Ménages 32,2 35,4 47,1 58,7 65,1 71,8
Entreprises 62,7 72,4 73,2 88,7 72,4 66,9
Administrations Publiques 64,3 71,0 75,2 71,8 55,2 62,8
total 159,2 178,8 195,5 219,2 192,7 199,7
Sources Comptes nationaux et OFCE

L’endettement n’est pas en soi condamnable si le retour sur investissement est réel or la crise immobilière puis financière a démontré qu’il reposait sur un château de cartes. Le retour sur investissement était lié à l’appréciation spéculative des valeurs mobilières ou immobilières.

La France comme les Etats-Unis disposent de marges de manœuvre pour s’endetter encore plus ; le problème est de savoir comment et pourquoi.

L’argent facile n’a jamais généré des révolutions technologiques, il nourrit avant tout la spéculation. Le défi pour l’ensemble des acteurs est donc de renouer avec l’éthique du capitalisme au sens schumpetérien du terme. Il ne faut pas, en revanche, tomber dans une paranoïa anti-bancaire car sans intermédiaire financier, il n’y pas d’entreprises ; il n’y a pas de marchés… La remise en cause de certaines pratiques ne doit pas entraîner la condamnation de l’ensemble du secteur financier. Il n’en demeure pas moins que l’accent doit être mis sur la recherche, l’investissement productif. L’occident a perdu, sans nul doute, son quasi monopole en matière d’innovations mais il conservera néanmoins un leadership durant de nombreuses années à condition de remettre au cœur de son processus l’entrepreneur en lieu et place du rentier.


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