samedi 22 mai 2010

Ne pas avoir peur du mot "faillite"

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Depuis 2007, le terme « faillite » hante le débat politique et économique. Les propos de François Fillon avait choqué quad il avait parlé que la France courrait à la faillite. Depuis ce sont des banques qui ont fait faillite ou qui ont été sauvé de la faillite. L’affaire grecque a démontré durant le printemps 2010 que des Etats n’étaient pas à l’abri de la banqueroute en raison d’une dette publique en dérapage non contrôlé.

C’est aussi le Conseil d’Orientation des Retraites qui souligne que si rien n’est fait le système de vieillesse court à sa perte. A ce titre, un récent sondage commandé par le Cercle des Epargnants à l’institut CSA souligne que deux tiers des Français considèrent que nos régimes de vieillesse sont menacés de faillite.

Le mot est fort mais il témoigne tout à la fois de la gravité de la situation et du désarroi de l’opinion publique.

Gravité de la situation car la crise économique qui frappe les anciens pays industrialisés est loin d’être terminée et est de nature structurelle.

La crise est née économique mais s’est concrètement manifesté au grand jour sous la forme d’une crise financière. La bulle financière alimentée par les faibles taux d’intérêt et la généralisation de technique de dilution des risques financiers a par son éclatement révélé les problèmes auxquels sont confrontés les pays anciennement industrialisés et en premier lieu l’Europe.

Depuis près d’une décennie, la croissance occidentale a été favorisée par l’importation de produits à bas coûts, par l’argent pas cher généré par les taux d’intérêt des banques centrales et par le réinvestissement des pays émergents qui recyclaient une partie, voire une grande partie de leurs excédents commerciaux.

L’argent facile conduit toujours à la spéculation, au bulle, à leur éclatement. L’argent facile rime aussi avec affaissement des gains de productivité qui sont les moteurs de la croissance forte et durable.

Les banques ont offert de la croissance mais sans en s’affranchissant des fondamentaux. Les banquiers sont-ils coupables ? Peut-être mais tout le monde était heureux de bénéficier d’un peu (en Europe) et un peu plus aux Etats-Unis du vent fort de la croissance mondiale. Nul ne criait à l’escroquerie quand le crédit permettait à un nombre croissant d’Américains de devenir propriétaires.

L’amplification des déséquilibres ne pouvait qu’amener l’éclatement de la bulle. Le déficit commercial américain dépassait les 800 milliards de dollars en 2007 sans que des mesures de correction puissent intervenir du fait que la monnaie chinoise est liée au dollar. En outre, les Etats-Unis comme les autres pays sont dopés par les bas prix des pays émergents. Il n’y a plus d’offre national pour un certain nombre de produits qui sont made China ou made in Vietnam à plus de 60 %.

Les tensions inflationnistes provoquées par l’envolée des cours des matières premières et des produits agricoles ont sonné la fin de la récréation. Les ardoises privées devaient être payées.

Aujourd’hui, certains considèrent que les problèmes rencontrés par les Etats ne sont que la traduction des plans de sauvetage des banques. De ce fait, par syllogisme, il n’aurait pas fallu aider les banques pour sauvegarder la solidité des Etats.

Mais s’il n’y avait pas eu de plan pour les banques, c’est l’ensemble de l’économie qui tombait et les économies des contribuables.

Certes, une partie de la dette privée a été nationalisée mais ce transfert n’est en rien responsable de la situation catastrophique des finances publiques. La dette française qui était de 21 % du PIB en 1981 dépasse désormais les 75 %. Depuis 1974, le budget de l’Etat n’a pas été en excédent. Au Japon, depuis vingt ans, la dette publique n’en finit pas d’enfler au point qu’elle atteint 200 % du PIB. La crise financière est une goutte d’eau dans l’océan des dettes publiques.

Les marchés qui ne sont que la somme d’investisseurs condamnent aujourd’hui une dérive vieille de plusieurs décennies. Quand l’espoir d’un retour réel de la croissance constituait un gage de remboursement, tout allait bien. Mais quand les perspectives de croissance sont autour de 1 point, les capacités de remboursement sont plus incertaines surtout quand le niveau de prélèvements obligatoires est élevé ou que la fraude fiscale rend toute augmentation des impôts virtuelle.

L’Europe a été attaquée du fait qu’elle accumule de faibles prévisions de croissance, un niveau de prélèvements élevés (autour de 40 % quand aux Etats-Unis, ce taux est de 30 %), de faibles gains de productivité (autour de 1 % quand ils sont de 3 % aux Etats-Unis), un vieillissement prononcé de la population, une faible mobilité de la population et une faible solidarité des Etats membres du fait de l’absence de mécanismes de correction en cas de crises et de gouvernement économique.

Nul n’ignorait que la zone euro n’était pas une zone monétaire optimale. Avec un budget européen qui représente 1 % du PIB et dont 60 % est affectée à l’agriculture qui occupe 2 % de la population active, il était évident qu’en cas de divergences internes, il fallait que les tensions puissent s’exprimer. Avec la disparition des dévaluations, les spreads sur les taux ont servi de fusibles au point de faire disjoncter l’ensemble du système européen.

Le plan d’urgence a permis d’enrayer la crise mais ses fondements demeurent.

Cette crise européenne cristallise :

- La faillite de l’Etat providence
- La faillite de la non-organisation européenne

La faillite de l’Etat providence est triple. La progression des dépenses publiques et les engagements à venir débouche sur un toujours plus de déficits et de prélèvements. Deuxièmement, l’Etat providence est une source d’insatisfaction. L’Europe n’a jamais réussi à endiguer réellement le chômage et tout particulièrement la France. Les pays dont le taux de dépenses publiques est le plus élevé ont eu sur la période les taux de chômage les plus importants. L’Europe du Nord est une exception mais ils ont su tout à la fois maîtriser leurs dépenses sur les dernières années et réduire leurs déficits. Troisièmement, l’Etat providence se traduit pas toujours moins de dépenses de fonctionnement et toujours moins de dépenses d’investissement. Les dépenses sociales représentent plus de 60 % des dépenses publiques. L’investissement est limité à la portion congrue.

Le développement de l’Etat providence a anémié la prise de risque et les gains de productivité. Le problème, c’est de changer de paradigme et de démonter des années de mesures considérés comme des droits. Car contrairement à des idées reçues, le coût des politiques sociales n’a pas cessé de s’accroître. En France, du RMI au RSA en passant par la CMU, aux aides pour le logement…, depuis vingt ans, des efforts considérables ont été réalisés par la collectivité, un effort dont le financement a été renvoyé aux générations à venir. Nous sommes tous favorables à la solidarité à condition de ne pas la payer. Aujourd’hui, il y a une nécessité d’étudier l’efficience de l’ensemble de l’Etat providence…

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