mercredi 10 janvier 2007

Le roi dollar

Chute du dollar ; le Roi est mort ?


La baisse du dollar de ces dernières semaines annonce-t-elle la fin de l’hégémonie de la monnaie américaine et le début de la chute de l’Empire yankee ? Quelle sera la parité avec l’euro dans trois ou six mois ? Un euro pour 1,4 dollar, pour 1,5 dollar…. Comme bien souvent, la passion du quotidien l’emporte sur la raison. Il y a quelques semaines, les diseuses de mauvaises aventures n’affirmaient-elles pas que le pétrole battrait tous ses records avant la fin de l’année, qu’il dépasserait les 100 dollars le baril. C’est au tour du dollar d’être au cœur du brasier des scoops. Certes, en la matière, depuis des décennies, les pythies nous abreuvent de prévisions selon lesquelles le dollar ne peut que se déprécier du fait de la récurrence et de l’importance du déficit commercial américain, de l’endettement des ménages... Derrière ces prophéties, il y a le vil espoir, pour certains analystes, de voir l’Empire imploser, de voir le règne des Etats-Unis s’achever.


LA FIN D’UNE EPOQUE

La baisse du dollar, une vieille histoire…

Tout a commencé il y a plus de quarante ans avec les eurodollars, avec l’apparition des premiers déficits commerciaux. La remise en cause de la convertibilité en or en 1971, puis la fin du système de Bretton Woods en 1976 auraient signé l’arrêt de mort du dollar. Son appréciation dans les années quatre-vingt et dans les années 2000 ne constituerait que des rémissions.

La tendance de fond serait la baisse. L’accumulation des déficits commerciaux et donc des créances de l’étranger sur les Etats-Unis ne peuvent que conduire à l’affaiblissement du dollar. Dans un souci de diversification des risques, les investisseurs vendent des titres en dollars d’autant plus que la Chine, l’Inde et quelques autres pays entrent dans le club des grandes puissances. L’ère des Etats-Unis, l’unique puissance, serait entrain de s’achever.

Taux de change euro/dollar
1999-2006


Des rémissions artificielles ou conjoncturelles

Sous Reagan, l’envolée du dollar est la conséquence d’une hausse sans précédent des taux d’intérêt et d’une volonté de la FED de casser toutes les anticipations inflationnistes. La dernière rémission, au début de la décennie, s’explique tout à la fois par le différentiel de taux et de croissance en faveur des Etats-Unis ainsi que par un contexte international troublé. Les attentats du 11 septembre 2001, la guerre en Afghanistan puis en Irak ont dans un premier temps redonné au dollar son image de valeur refuge du monde libre. L’euro est alors tombé alors à moins de 0,84 dollar. L’enlisement irakien et afghan joue aujourd’hui en sens inverse. Depuis deux ans, l’euro évolue entre 1,20 et 1,35 dollar. Il convient de constater que les évolutions de la dernière décennie sont moins prononcées que celles des années soixante-dix et quatre-vingt. De 1976 à 1981, le dollar était passé de 4 francs à 10 francs. En convertissant les cours actuels, le dollar est passé de 7,28 francs en 2001 à 4,85 francs en décembre 2006.

Sur longue période (schéma 2), la parité euro/dollar apparaît relativement stable surtout si on la compare avec celle euro/yuan.

Les Etats-Unis n’ont pas la culture de la monnaie forte à la différence des Allemands et des Anglais voire des Français (même si l’application de ce principe n’a jamais été aisée en France). Les autorités américaines ont une vision utilitariste, pragmatique de leur monnaie. De l’époque de la conquête de l’Ouest au New Deal, la politique monétaire est avant tout une politique destinée à favoriser la croissance.

Taux de change euro/dollar et euro/Yuan
1985-2005


La chronique annoncée de la fin de l’hyper-puissance américaine

Toujours plus de dépenses militaires et toujours plus d’impopularité

Tout empire meurt de sa puissance. Tout empire périclite par l’obligation constante de défendre ses frontières qu’elles soient territoriales ou économiques. L’Empire est forcé pour maintenir ses positions d’accroître ses dépenses militaires et d’être présent sur un nombre important de théâtres ce qui ne peut aboutir qu’à accroitre son impopularité et renforcer ses adversaires. De ce fait, le coût croissant des dépenses de sécurité intérieure et extérieure obère les capacités de développement et de renouvellement des grandes puissances. En 2005, les Etats-Unis ont consacré 4,06 % du PIB à la défense nationale contre 1 % pour l’Europe. En cinq and, ce budget a augmenté de 34 %. Plus de 500 000 soldats américains participent à des opérations extérieures sur tous les continents.



Le déclin de l’économie US

Le modèle américain repose sur une énergie abondante, sur une main d’œuvre en croissance et avide de biens de consommation et également sur la maîtrise de l’innovation. Or, ce modèle s’effrite. Le temps de l’énergie bon marché s’évanouit ; les Etats-Unis sont confrontés comme les autres pays occidentaux au vieillissement de la population et la recherche n’échappe pas à la mondialisation. Les avantages comparatifs des Etats-Unis disparaissent ou s’atténuent. Ainsi, il est écrit que compte tenu des tendances constatées depuis près de dix ans, le PIB de la Chine sera supérieur à celui des Etats-Unis en 2040.

La fin de l’industrie automobile américaine

Les big three ont été longtemps les porte-drapeaux de l’industrie américaine. Leur chute marque l’affaiblissement de l’économie des Etats-Unis. Chrysler a été racheté par la firme allemande Mercedes. Ford et GM ont été dépassés par Toyota et luttent pour leur survie. La crise de l’automobile imputable à une non prise en compte des besoins des consommateurs et au coût exorbitant des régimes de retraite maison. La première industrie est menacée par le système social, ironie de l’histoire pour le pays du capitalisme roi.

La Silicon Valley en voie d’être dépassée

Le renouveau de l’économie américaine depuis un quart de siècle est lié à l’essor de l’informatique, à Internet et à la puissance des entreprises créatrices de symboles appartenant à l’industrie cinématographique ou plus globalement au secteur des médias. Mais même sur ces secteurs, la suprématie américaine s’effrite. Sony a racheté les studios Columbia et le Français, Vivendi, les studios Universal. IBM, HP et les grandes marques historiques de l’informatique reculent et sont contraintes de se restructurer, de passer des alliances ou de réaliser des fusions avec des entreprises européennes ou asiatiques.

Internet n’échappe pas à la règle. Certains experts mentionnent que ce secteur est arrivé à maturité, que sa capacité à dégager des gains de productivité s’affaiblit. Le développement du gratuit sur le net remet en cause la domination des entreprises américaines comme Microsoft. Le succès de Google cacherait un épuisement du modèle de la startup californienne reposant sur une synergie avec les centres de recherche universitaires. Il y a maintenant plus d’abonnés à Internet en Chine qu’aux Etats-Unis ; après les centres d’appels, ce sont les laboratoires de conception des logiciels qui migrent en Inde et en Chine.

Recherche, la suprématie américaine contestée

Cette année, pour la première fois, la Chine investira plus en recherche-développement (R-D) que le Japon et deviendra, par conséquent, le deuxième investisseur mondial dans ce domaine, derrière les États-Unis. En Chine, le nombre de chercheurs a augmenté de 77 % entre 1995 et 2004. Avec 926 000 chercheurs, le pays se classe désormais au deuxième rang, juste derrière les Etats-Unis (plus de 1.3 million).

Le nombre total de brevets d’importance mondiale provenant des économies non membres de l’OCDE est faible comparé au nombre total pour la zone OCDE mais les chiffres ont augmenté rapidement ces dernières années. En 1991, l’Afrique du Sud, le Brésil, la Chine et l’Inde représentaient 0.15 % du total. En 2002, cette part était passée à 0.58 % du total.

Le gouffre du déficit commercial

Le déficit commercial américain représente 7,1 % du PIB des Etats-Unis. Les économistes font remarquer l'ampleur encore considérable du déficit commercial américain. Sur les neuf premiers mois, il s'élève à 586,2 milliards de dollars, contre 522 milliards sur la même période de 2005, année durant laquelle il avait atteint le niveau inégalé de 723,6 milliards de dollars

L’économie américaine est dopée aux capitaux étrangers ; or pour les attirer, les entreprises d’outre-Atlantique sont dans l’obligation d’offrir des rentabilités élevées ce qui obère le futur.

Les Etats-Unis vivent sur une montagne de dettes. Les engagements en matière de retraite, en matière d’immobilier, les créances détenues par les investisseurs étrangers sont autant de faiblesses. Depuis 2002, la valeur des actifs américains ont perdu près du tiers de leur valeur même si cette perte est relative du fait du rôle du dollar et que de nombreuses monnaies dont en Asie lui sont attachées.

La tentation protectionniste comme aveu de faiblesse et de repli

Cette tentation n’est pas nouvelle. L’isolationnisme est une tradition aux Etats-Unis. La victoire des démocrates aux midterms en novembre 2006 est perçue comme un signe en faveur du protectionnisme d’autant plus que la prochaine élection présidentielle est incertaine. Jusqu’aux élections de 2008, la politique commerciale américaine sera certainement plus dure. Le refus d’ouvrir les liaisons aériennes transatlantiques à la concurrence en est la preuve. En outre, les Etats-Unis sont tentés de s’enfermer, de construire des murs à leur frontière tout comme

De toute façon, le monde n’appartient plus aux Américains

L’influence des Etats-Unis persiste mais le capital ne leur appartient plus. L’accumulation des déficits a pour conséquence un flux ininterrompu de dollars au profit de non-résidents. Avec ces dollars, ils ont acquis des actifs aux Etats-Unis et ailleurs. La dollar reste la monnaie des échanges internationaux ; mais à terme dans un système multipolaire, d’autres monnaies pourraient concurrencer la monnaie américaine comme l’euro ou le yuan.










Avoirs extérieurs nets des États-Unis
En pourcentage du PIB

Source OCDE


Les anticipations de taux et de croissance favorisent la baisse

A moyen terme, l'affaiblissement du dollar s'explique par les mouvements de taux d'intérêt. La Fed américaine a monté 17 fois depuis juin 2004 son taux directeur, le portant à 5,25 %, mais elle a cessé de le faire depuis six mois ; les analystes s'attendent maintenant à ce qu'elle l'abaisse. Inversement, la BCE est encore en période de resserrement ; elle a porté son taux à 3,50 % le jeudi 7 décembre 2006 et devrait encore le remonter encore deux fois en 2007. L’argent devient moins intéressant aux Etats-Unis d’autant plus que la croissance se dégrade, obligeant la FED à relancer l’économie.

L’OFCE prévoit un taux de croissance pour les Etats-Unis, en 2007, de 1,9 % contre 3,2 % cette année. Cette réduction serait imputable au retournement du marché immobilier. Depuis plus d’un an, tous les indicateurs de ce marché signalent un net repli (mises en chantier, achats, investissement dans les logements). Or, dans un pays fonctionnant sur l’endettement et le changement fréquent de logement pour dégager des plus-values, une correction sur le marché immobilier a toujours de lourdes conséquences sur l’ensemble de l’économie. Deux tiers des Américains sont propriétaires et les plus-values réalisées sur l’immobilier ont assuré 60 % de l’enrichissement de ces vingt dernières années.

Les Américains, dans leur ensemble, sont favorables, jusqu’à maintenant, au processus de mondialisation. Le plein emploi quasi permanent depuis vingt ans et la mobilité sociale comme géographique de la population contribuent à limiter les effets de ce processus. Il en serait tout autre si le marché de l’emploi se dégradait. Les résurgences chroniques du protectionnisme témoignent qu’en la matière rien n’est pas figée. Il y a eu la menace nippone, désormais la menace est chinoise. De nombreux ouvrages soulignent que le conflit entre les deux pays est inscrit à plus ou moins long terme.






La menace de la résurgence de l’inflation

Depuis un an, l’inflation américaine s’établit à près de 4 %, l’inflation sous-jacente s’établit désormais à 2,8 % contre 2 % marquant l’amorçage d’un processus de hausse des prix indépendant de l’effet pétrole et matières premières.

Cette menace est exagérée ; le ralentissement annoncé de l’économie américaine devrait freiner les hausses de prix d’autant plus si le retournement du marché immobilier se confirme. Le pétrole dont l’impact sur l’économie américaine est supérieur à celui sur les économies européennes moins dépendante de l’énergie devrait se stabiliser. Les cours actuels, autour de 60 dollars le baril, sont inférieurs à ceux enregistrés lors du second choc pétrolier et semblent se stabiliser.






Les faiblesses réelles ou supposées des Etats-Unis ne sauraient masquer la capacité de rebond de ce pays

Tout empire est mortel, un jour ou l’autre, les pourfendeurs de l’économie américaine auront raison ; la question, c’est quand ? Malgré l’apparition de nouvelles puissances économiques, les Etats-Unis maintiennent leur rang. De 1980 à 2006, la part du PIB américain dans le PIB mondial reste à 21 % alors que celui de l’Union européenne est passé de 28 à 20 %. Les Etats-Unis représentent un marché de 300 millions d’habitants qui s’accroît du fait d’une natalité dynamique et d’une immigration légale et illégale forte à la différence de la Russie, de l’Union européenne. Selon le dernier classement de l’OCDE (décembre 2006), 22 des 25 villes les plus compétitives et les plus riches (PIB par habitant) se situent aux Etats-Unis

L’enlisement de la guerre en Irak rappelle la guerre du Vietnam. Malgré sa supériorité technologique, l’armée américaine est incapable, car tel n’est pas son métier, de gérer la paix et de reconstruire un pays. Une armée n’arrivant pas à partir au bout de quelques mois d’occupation est vouée à connaître des actes de terrorisme et l’impopularité dans la population civile. Du Vietnam à l’Irak en passant par l’Algérie ou l’Afghanistan, toutes les grandes puissances ont été confrontées à ce problème. Certains économistes par parallélisme avec la guerre du Vietnam pronostique le retour de l’inflation. En l’état actuel, cette crainte est exagérée. La disparition du système de change fixe et surtout la concurrence sur l’offre limitent la résurgence d’une vague inflationniste. Le protectionnisme et une chute incontrôlée de la monnaie américaine pourraient occasionner un emballement des prix mais nul n’y a intérêt. Dans un système multipolaire, les intérêts croisés des acteurs constituent autant de garde-barrières.

Les gisements de puissance

Le déclin avait été annoncé dans les années soixante. Les présidences Ford et Carter semblèrent donner raison aux partisans de cette thèse. Des experts, surtout en France, affirmaient même que le modèle soviétique pourrait l’emporter. Or, en quelques années, les Etats-Unis ont réussi à réaffirmer leur leadership et ont provoqué indirectement la chute de l’URSS et de ses satellites.

Les Etats-Unis restent le centre du monde par leur capacité d’attirer les cerveaux de la planète. Deux tiers des diplômés en sciences et en ingénierie aux Etats-Unis sont d’origine asiatique.

La croissance repose, de plus en plus, sur l’immatériel et sur la valorisation des résultats de la recherche. Les Etats-Unis ne seront plus l’atelier du monde ; ils seront le centre de recherche de la planète. Les droits de propriétés, les brevets, les licences remplacent les automobiles, l’acier, les ordinateurs.

Le pragmatisme et l’adaptabilité constituent les deux grandes forces des Etats-Unis

La force du capitalisme américain provient de sa capacité à s’adapter et à se renouveler rapidement. Du fait de la taille du pays, de la mobilité de la population, les reconversions apparaissent plus faciles qu’en Europe. Le déclin de la sidérurgie n’a pas laissé d’aussi vives traces qu’en France, au Royaume-Uni ou qu’en Allemagne. Même si l’automobile est un des éléments constitutifs de l’American way of life. Symbole social, symbole de liberté, incontournable pour les Américains, ils n’ont, malgré les tentations protectionnistes, pas hésité à acheter en masse des voitures asiatiques, moins chères et plus perfectionnées.

Cette capacité d’adaptation se manifeste même dans le secteur de l’énergie ; en 2006, l’économie américaine consomme deux fois moins de pétrole par unité produite qu’en 1985, soit une décrue plus rapide qu’en Europe.

Pour la communication, La force des Etats-Unis est de contrôler l’ensemble de la chaine. Au 19ème siècle, les Anglais dominaient les mers et le commerce àtravers la possession de quelques ports et d’une flotte de bateaux. L’important n’était pas la nationalité de la marchandise mais bien leur commerce. Aujourd’hui, les ordinateurs sont made in China ou Taiwan ou South Korea ; en revanche Google, Ebay ou Google sont incontournables. Certes, l’avènement de la Chine et de l’Inde comme puissance économique, du fait de la taille de leur marché domestique, peut modifier à terme la donne. Il n’en reste pas moins que la langue anglaise est et sera, encore, pour de nombreuses années la langue des affaires. L’absence d’unité linguistique en Chine et la difficulté d’apprentissage du mandarin, la langue la plus parlée au monde, offre à l’Anglais un avantage indéniable.

Le centre mondial de la recherche

Les dépenses d’enseignement supérieur, de recherche et d’informatique atteignent 6,5 % du PIB aux Etats-Unis contre 3,8 % en France et 4 % dans l’Union européenne.

400 000 chercheurs européens travaillent aux Etats-Unis alors que l’Union européenne en compte que 920 000 réalisant que 40 % de la Recherche Développement américain.

Les Etats-Unis accueillent 70 % des prix Nobel, assurent 44 % de la production d’articles scientifiques et déposent 36 % des brevets mondiaux. Le budget fédéral américain consacre plus de 110 milliards de dollars à la recherche contre 54 milliards pour les Etats de l’Union européenne.

Au cœur des nouveaux business ou des business porteurs

En 2006, les activités sur Internet représenteront 4000 milliards de dollars dont la moitié réalisée aux Etats-Unis.

Le secteur de l’assurance et de la couverture de risques atteint plus de 10 % du PIB aux Etats-Unis. La sphère financière américaine, du fait de la vitalité de New York, reste la première du monde.

Au début des années 2000, Boeing apparaissait face à Airbus sur le déclin ; sept ans plus tard, c’est l’inverse. La société aéronautique américaine a réussi à remettre à plat l’ensemble de son processus de production en utilisant des techniques de pointe. Le Dreamliner a des chances d’être l’avion de la prochaine décennie comme l’A320 l’a été pour la décennie actuelle.

La balance des paiements courants est-elle un indicateur pertinent ?

Dans une économie mondialisée, avec libre circulation des biens, des services et des capitaux ainsi que dans un système de change flexible, la balance des paiements courants n’est-il pas un indicateur en perte de vitesse ? Tous les professeurs d’économie apprennent à leurs étudiants qu’elle ne permet pas à expliquer à elle seule les variations des taux de change. Il ne faut pas perdre de vue que l’importation et l’exportation de biens ne représentent qu’une partie de plus en plus faible des échanges au niveau mondial. Les échanges financiers, de service ont constituent des taux de croissance supérieurs à ceux de biens matériels. Ce qui est important, c’est la capacité des acteurs économiques à acquérir des biens et des services quelles que soient leur origine. Le déficit commercial américain est avant tout un problème d’emploi. Il traduit le recul de l’industrie en particulier automobile.

La balance courante américaine est structurellement déficitaire comme en témoigne le graphique ci-dessous, depuis 25 ans. Elle n’a dégagé d’importants excédents que durant les deux conflits mondiaux.




La balance courante américaine en perspective historique
En pourcentage du PIB/PNB


Un déficit commercial est supportable à la condition qu’il soit porté par un fort taux de croissance, la création de richesses permettant d’acquérir des biens et des services à l’étranger, cette croissance permettant ; par ailleurs d’attirer les capitaux extérieurs indispensables pour l’investissement dans les secteurs porteurs. Un déficit commercial n’est pas synonyme d’appauvrissement s’il offre des gains de productivité et de pouvoir d’achat à une économie. Le problème est autre si un déficit commercial intervient en période de faible croissance, de sous-investissement. Par exemple, le déficit français n’est pas, en revanche, générateur de croissance ; les sorties de capitaux sont, en outre, supérieures aux entrées.

Les Etats-Unis se caractérisent depuis plus de vingt ans par un taux de croissance supérieur à la moyenne de l’OCDE et par un taux de chômage faible. Le déficit commercial est un élément clef du renouveau américain. Ils n’ont pas du fait du rôle de leur monnaie, connu de contrainte de change. C’est le droit de seigneuriage propre aux grandes puissances. Les Etats-Unis assurent des missions de sécurité dont profitent toutes les nations. Cette sécurité a un prix.

La vague chinoise n’est pas éternelle

Les importations chinoises sont avant tout responsables du déficit commercial américain. Le débat dans les prochains mois portera sur la valeur du Yuan sous-évalué. Il faut souligner qu’il est assez paradoxal que la Chine, nouvelle puissance capitaliste se développe tout en conservant certains principes de l’économie dirigée. Membre de l’OMC, sa monnaie n’est pas convertible. A terme, l’enrichissement à grande vitesse de la Chine devrait aboutir à un rééquilibrage de la balance commerciale.

Les modèles, en particulier ceux de l’OCDE, démontrent que le rééquilibrage de la balance commerciale supposerait un choc de change de très grande ampleur avec des conséquences difficiles à mesurer sur l’ensemble de l’économie mondiale.

Une monnaie faible n’est pas une garantie de rééquilibrage des échanges. En effet, il suffit de constater que le deutschemark et l’euro fort n’ont jamais empêché l’Allemagne d’accumuler les excédents commerciaux. L’appréciation d’une monnaie offre de nombreux avantages à une économie à condition que son positionnement soit en phase avec la demande mondiale. Le déficit commercial américain étant essentiellement de nature structurelle, la dépréciation du dollar aura, de toute façon, qu’un effet limité et passager.

Une baisse du dollar pourrait, de plus, conduire la FED à relever les taux d’intérêt pour empêcher tout dérapage des prix ce qui limiterait certes la croissance mais aussi la dépréciation du dollar. Le dilemme des autorités monétaires américaines est tout à la fois d’assurer la croissance, de maintenir le plein emploi et de lutter contre l’inflation.

Qui a intérêt à la baisse du dollar ?

La baisse du dollar a pour objectif de réduire le déficit commercial et d’améliorer la compétitivité américaine.

Une baisse trop forte du dollar remettrait en cause le développement même des Etats-Unis. En effet, une dépréciation de la monnaie aboutit à une diminution de valeur des actifs, des biens. Certes, le dollar restant l’étalon monétaire de référence, ce risque est limité d’autant plus que la taille du marché intérieur en réduit, par ailleurs, les effets. Il n’en demeure pas moins que si les Etats-Unis ont pu connaître de si longs cycles de croissance depuis vingt cinq ans, c’est en grande partie par leur capacité à attirer des capitaux d’origine étrangère. Les investisseurs étrangers cherchent à obtenir les meilleurs rendements possibles avec un risque réduit sur leur capital. Le taux de croissance potentiel des Etats-Unis, autour de 3 %, leur offrait un rendement correct ; le dollar monnaie de réserve était par ailleurs une garantie. La glissade du dollar modifierait la situation ; les investisseurs pourraient rechercher des placements plus sûrs ou plus rémunérateurs. Actuellement, il y a peu de pays offrant rendement et sécurité. La Chine, l’Inde, la Russie peuvent offrir du rendement mais pas la sécurité ; la vieille Europe peut offrir de la sécurité mais de rendement ; en outre aucun pays n’a la surface économique des Etats-Unis.

Une déstabilisation de l’économie mondiale par une chute du dollar se retournerait contre les exportations américaines qui en cas de baisse de la croissance mondiale ne trouveraient plus preneurs.

La conjonction de ces données a pour conséquence que tous les acteurs ont intérêt à maintenir à un niveau correct le dollar faute de solution de remplacement.

L’euro s’apprécie au point de gêner les exportations des pays européens. Cette appréciation ne couronne pas le succès des économies du vieux continent qui se battent pour dépasser les 2 % de taux de croissance ; elle est la traduction d’une politique monétaire dont la pierre angulaire est la lutte contre l’inflation. La Banque Centrale Européenne relève ces taux depuis un an pour empêcher toute résurgence de hausse des prix alors qu’aucun signe en ce sens n’est visible. La brusque envolée des cours des matières premières n’a pas eu de conséquences du fait non pas de la politique mise en œuvre mais du fait de la concurrence mondiale et de la moindre dépendance de l’économie moderne aux matières premières. Si aux Etats-Unis, la FED joue sur les taux afin de réguler une forte croissance, la Banque Centrale Européenne reste prisonnière d’un schéma dépassé. L’appréciation de l’euro est donc en partie artificielle. Elle rappelle les politiques menées dans les années trente en Grande Bretagne et en France qui visaient à maintenir la parité de la livre sterling et du franc au prix d’une récession. La politique de désinflation engagée depuis près de vingt ans en Europe a asséché non seulement l’inflation qui a disparu ou presque disparu de tous les pays mais aussi la croissance. Elle a renchéri le coût de l’endettement qui est de nature de plus en plus publique. Si outre-Atlantique, l’investisseur privilégie les placements productifs, il opte pour des obligations d’Etat en Europe.

Les investisseurs n’ont donc aucun intérêt à vendre massivement leurs actifs investis en dollar faute d’alternative. Il peut y avoir rééquilibrage mais certainement pas une révolution dans les politiques d’allocation des actifs.

Les investisseurs chinois et asiatiques ne joueraient-ils pas à la roulette russe en vendant leurs valeurs américaines au profit de placements dans leur pays d’origine. En effet, la croissance chinoise n’est pas à l’abri d’un choc comme nous en avons connu en Asie en 1997. Par ailleurs, la coexistence du communisme et du capitalisme est une source d’incertitudes ; de même l’instabilité diplomatique avec la Corée du Nord ou le problème de la Mongolie constitue autant de raisons de ne pas se dessaisir des placements américains. Enfin, le marché américain est et restera longtemps un des principaux débouchés pour les usines de l’Asie. Arrêter d’alimenter en capitaux les Etats-Unis aurait pour conséquence un ralentissement de l’économie de la Chine qui même si les leçons de la crise bancaire de 1997 ont été retenues fonctionne selon le principe du vélo cher au Timonier, « tout arrêt entraîne la chute ».

Certes, le comportement des acteurs n’est jamais rationnel et surtout la somme de comportements logiques peut aboutir à une situation illogique et dangereuse.

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La baisse du dollar est liée aux incertitudes qui pèsent tant sur la politique monétaire et la politique économique des Etats-Unis. Le ralentissement de la croissance annoncé devrait conduire la Fed à réduire ses taux qui sont aujourd’hui élevés ; en revanche, les menaces inflationnistes pourraient conduire la FED à les relever. A cette incertitude s’ajoute l’Irak et l’élection présidentielle de 2008. A deux ans de l’élection, nul ne peut prévoir de manière certaine qui sera candidat tant chez les Démocrates que chez les Républicains. Hilary Clinton peut être considérée comme favorite ce qui n’est pas obligatoirement un atout tout comme la récente victoire des Démocrates au Congrès. Jusqu’à la fin de l’année 2007 ou du moins jusqu’au milieu de l’année, la situation politique américaine restera assez confuse. Cette accumulation d’incertitudes contribue sans nul doute à l’affaiblissement du dollar mais non à pronostiquer une chute abyssale d’autant plus que plus les autorités chinoises auront à cœur de réussir 2008, l’année des Jeux Olympiques, et accepteront peut-être une appréciation de leur monnaie

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